De haut en bas: la figure de l’Elfe chez Tolkien et Rowling

De haut en bas: la figure de l’Elfe chez Tolkien et Rowling

Soumis par Marie-Hélène Dion et Sylvie Vartian le 12/05/2018
Institution: 
Cégep Gérald-Godin
Catégories: Fiction

 

Créature magique issue du folklore scandinave, celtique et germanique, la figure légendaire de l’elfe a inspiré de nombreux auteurs de fantasy qui l’ont modelée à l’infini, créant des peuples entiers aux caractéristiques bien distinctes. Ainsi, plusieurs catégories d’elfes se côtoient dans un vaste éventail de romans (Les Annales du Disque-monde de Terry Pratchett, l’Héritage de Christopher Paolini, Artemis Fowl d’Eoin Colfer, la saga du Sorcelleur d’Andrzej Sapkowski, etc.) formant un ensemble riche et complexe, où chaque créature possède des traits distincts. Ainsi, les Hauts Elfes valorisent l’amitié et vivent en harmonie avec les humains, les Elfes gris sont des protecteurs de la vie et des êtres mesquins, alors que les Elfes noirs incarnent plutôt des forces maléfiques, etc. Il existe également les Elfes aquatiques, sylvains et solaires qui maîtrisent respectivement l’eau, la terre et le feu (Jonas, 2008).

C’est sous la plume de J.R.R. Tolkien (1892-1973) que l’elfe a pris sa forme la plus connue: les créatures nobles, belles et puissantes que l’auteur britannique a créées dans Le Hobbit (1937) et la trilogie Le Seigneur des Anneaux (1954-55) ont fortement influencé tout l’imaginaire qui gravite autour de la figure de l’elfe. Or, dans la série des Harry Potter (1997-2007), J.K. Rowling (1965), une autre auteure britannique, a repris le personnage de l’elfe en le transformant complètement. Ainsi, on peut mettre en comparaison la figure de l’elfe chez ces deux auteurs: chez Tolkien, on trouve des créatures splendides qui participent à la quête légendaire des héros, alors que, chez Rowling, les elfes de maison gravitent autour d’un jeune sorcier en perpétuel combat contre le Seigneur des Ténèbres, Lord Voldemort.  Ici, il sera question de l’apparence des elfes dans l’univers de Tolkien et de Rowling, puis on abordera la question de leur rôle et de leur statut, chez les deux auteurs.

 

Du sublime au ridicule: l’apparence des elfes

À l’origine, l’elfe appartient à ce qu’on appelle traditionnellement le «petit peuple», qui regroupe toutes les petites créatures surnaturelles du folklore que les Scandinaves nomment littéralement le småfolk, constitué de fées, de gnomes, de lutins et de nains. De façon plus générale, dans la mythologie nordique, les elfes seraient des êtres semi-divins, qui incarnent les forces de la nature et de la fertilité. Ils seraient issus du cadavre du Géant Ymir, qui serait la première créature vivante qui ait été dépecée par Odin, le plus grand des dieux scandinaves, qui leur a ensuite donné une forme humaine. Contrairement aux nains qui vivent dans les espaces souterrains, les elfes occupent plutôt le monde aérien1, ce qui fait d’eux des êtres sublimes et magnifiques, supérieurs à l’humain2.

Force est de constater que les elfes dépeints par Tolkien dans son univers sont plutôt conformes à l’elfe typique. Plus particulièrement dans la trilogie du Seigneur des anneaux, ces créatures magiques sont fidèles au mythe d’inspiration nordique: ce sont de beaux et sages personnages, grands, minces, et naturellement élégants qui vivent en harmonie avec la nature et ont une apparence jeune. Tolkien emploie un lexique inspiré de la richesse et de la lumière pour décrire les elfes et tout ce qui gravite autour d’eux: l’or, l’argent du mithril, le blanc et le gris clair teintent toutes les descriptions qui se rapportent aux elfes. Comme en témoigne la description du départ de Frodon pour les Havres Gris (p. 492-493), dans le tome III: chez l’elfe, tout est lueur, lumière, brillance, étoile, scintillement. Si on s’attarde plus spécifiquement à quelques personnages qui incarnent l’idéal elfique chez Tolkien, on peut évoquer Elrond, Arwen, Legolas et Galadriel. Ces derniers possèdent des traits communs: ils se distinguent des humains par leurs oreilles pointues; ils vivent dans la forêt, sont considérés immortels et possèdent des pouvoirs magiques3.

Roi et guérisseur, Elrond se caractérise par son visage «sans âge, ni jeune ni vieux», par sa «chevelure […] sombre comme les ombres du crépuscule […] ceinte d’un bandeau d’argent». Ses yeux «du gris d’un soir clair» contiennent une lumière semblable à celle des étoiles». Il paraît «aussi vénérable qu’un roi couronné de maints hivers, et pourtant aussi vigoureux qu’un guerrier éprouvé dans toute la plénitude de sa force.» (Seigneur des Anneaux I, p. 337). Sa fille, la splendide Arwen incarne un idéal esthétique féminin: «Frodon n’avait jamais vu ni imaginé pareille beauté en un être vivant (p. 338). Tolkien se plaît à la décrire de la manière la plus méliorative possible: «ses bras blancs» et «son clair visage»  sont «lisses et sans défauts», et «la lumière des étoiles brill[e] dans ses yeux, gris comme une nuit sans nuage» (p. 337). Dotée d’un «port de reine», elle porte aussi un surnom digne de sa splendeur: «On l’appelait Undomiel, car elle était l’Étoile du Soir de son peuple» (p. 338). C’est elle qui choisira d’abandonner son immortalité par amour, afin de pouvoir épouser Aragorn, mortel et roi des Hommes en Terre du Milieu.

Quant à lui, l’agile archer Legolas Vertefeuille est le fils de Thranduil, roi de la Forêt noire (aussi nommée Mirkwood), il fait donc partie des Elfes de la forêt. «Elfe étrange, vêtu de vert et de brun» (Seigneur des anneaux Tome I, p. 355), Legolas se caractérise par «son beau visage elfique» (Tome I, p. 378), son regard perçant, ses sens développés, sa légèreté et son habileté à manier l’arc et le poignard. Il comprend également le langage de la nature grâce auquel il peut prédire les changements de température. Finalement, c’est avec le personnage de Galadriel que Tolkien fait culminer la description de la perfection esthétique des elfes.  Née à Valinor et considérée comme l’une des plus grandes elfes, Galadriel vit dans le royaume de Lothórien où elle est maître de l’un de trois anneaux de pouvoir elfiques. Décrite comme un «cristal tombé au creux de la Terre (p. 559), Galadriel est «grande, blanche et belle» (Tome I, p. 534). Entièrement vêtue de blanc, elle a des cheveux sont de couleur «d’or foncé», et des yeux «aussi  pénétrants que des lances à la lumière des étoiles, et cependant profonds.» (Tome I, p. 524). En la voyant, Gimli, le nain, s’exclame: «Mais plus beau encore est le vivant pays de Lothlorien et la Dame Galadriel surpasse tous les joyaux qui se trouvent sous la terre!» (Tome I, p. 527). En la quittant, il lui demandera une offrande symbolique: un cheveu «qui surpass[e] l’or de la terre comme les étoiles surpassent les gemmes de la mine» (Tome I, p. 557). Ainsi, on constate que les elfes de l’univers de Tolkien symbolisent le pouvoir, la perfection, l’esthétique et l’espoir.

Aux antipodes de ces êtres parfaits se trouvent les elfes imaginés par Rowling, qui sont loin de se conformer à ceux de la mythologie nordique et diffèrent des elfes décrits par Tolkien à de nombreux égards. D’abord, s’ils sont différents des humains, c’est d’une tout autre manière que chez Tolkien: chez Rowling, l’elfe n’est pas libre et n’a pas de pays, c’est un «elfe de maison», un esclave chétif, difforme et laid, de petite taille, vêtu de loques.

En témoigne la description de Dobby, elfe de maison des Malefoy, le premier personnage elfique repérable dans la série. Au début du tome II (Harry Potter et la Chambre des secrets), Rowling décrit Dobby comme suit:

La petite créature […] avait de grandes oreilles semblables à celles d’une chauve-souris, et des yeux verts globuleux de la taille d’une balle de tennis […] elle était vêtue d’une espèce de taie d’oreiller dans laquelle on avait découpé des trous pour laisser passer les bras et les jambes (Tome II, p. 18).

Un peu plus loin, on apprend qu’il a une «bouche édentée» (Tome II, p. 353), ce qui l’associe à un être vieux ou décrépi. De manière générale, Dobby est souvent déshumanisé, et décrit comme un animal ou une chose: «[Dobby] avait l’air d’une grosse poupée repoussante de laideur» (p. 19).

Dans le tome IV (Harry Potter et la Coupe de feu) apparaît une elfe de maison femelle: la pitoyable Winky. Cette «minuscule» créature «vêtue d’un torchon à vaisselle drapé comme une toge» a aussi de «grandes oreilles, semblables à celles d’une chauve-souris», mais elle dispose de quelques traits particuliers, soit «d’énormes yeux marron et un nez qui [a] la taille et la forme d’une grosse tomate» (Tome IV, p. 108). Après avoir été «libérée» par son maître, Winky se considère comme une «elfe déchue» (p. 405). Rongée par la honte, constamment en larmes, elle se retrouve à travailler avec Dobby dans les cuisines de Poudlard. Elle est désormais habillée de vrais vêtements, mais ne prend «aucun soin de sa tenue»: «Il y avait des taches de soupe partout sur son corsage et une brûlure avait fait un trou dans sa jupe» (Tome IV, p. 402). Sa descente aux enfers se poursuit alors qu’elle devient crasseuse et sombre dans l’alcoolisme:

[S]es vêtements en lambeaux n’avaient pas été lavés depuis des jours. Les yeux fixés sur les flammes, elle vacillait légèrement sur son tabouret, la main crispée sur le goulot d’une bouteille de Bièraubeurre». (Tome IV, p. 569).

Enfin, une troisième figure elfique apparaît chez Rowling, cette fois dans le tome V (Harry Potter et l’ordre du Phénix). Il s’agit de l’horrible Kreattur (dit Kreacher), l’elfe de la famille Black que Rowling décrit ainsi:

En dehors du chiffon crasseux noué autour de sa taille à la manière d’un pagne, il était complètement nu. Il avait l’air très vieux, sa peau semblait beaucoup trop grande pour lui, et bien qu’il fût chauve, comme tous les elfes de maison, de grosses touffes de poils blancs sortaient de ses oreilles semblables à celles d’une chauve-souris. Ses yeux d’un gris larmoyant étaient injectés de sang et son gros nez charnu avait plutôt la forme d’un groin (Tome V, p. 133).

Comme on le verra plus loin, contrairement à Dobby, Kreattur n’a rien de comique ni d’attendrissant, il inspire plutôt  le dégoût et l’antipathie, car il joint la méchanceté à la laideur. Bref, on constate forcément que la description de l’apparence des elfes que nous offre Rowling est totalement à l’opposé de celle de Tolkien.

 

Asservissement ou pouvoir? Rôle et statut des elfes chez Rowling et Tolkien

D’emblée, on peut noter chez Rowling un détail intéressant: c’est un élément de l’apparence des elfes qui conditionne leur statut, soit leurs vêtements. En effet, alors qu’ils ne portent que des torchons de vaisselle ou des taies d’oreillers, les elfes ne peuvent être libérés que lorsque leur maître leur donne un vrai vêtement. Ainsi, les elfes libres sont identifiables par leurs habits qui diffèrent de ceux qui sont toujours des esclaves chargés des besognes ménagères les plus basses et désagréables.

En effet, sauf de rares exceptions, les elfes de maison sont des serviteurs affiliés à une famille riche pour laquelle ils effectuent une multitude de tâches. Conditionnés à être dévoués à leur maître et considérés comme des êtres sans importance par plusieurs sorciers, les elfes sont souvent maltraités par leurs maîtres (Wiki Harry Potter, en ligne). Pourtant, malgré leur mode de vie difficile, pour la plupart des elfes (à l’exception de Dobby), être libéré constitue la plus grande des humiliations. C’est le cas de Winky, qui servait la famille Croupton et leur était très dévouée. Comme on l’a souligné plus tôt, suite à sa libération – après avoir été faussement accusée d’avoir fait apparaître la Marque des Ténèbres lors de la Coupe du Monde de Quidditch – la petite elfe est dévastée. Alors qu’il paraît «impossible de ne pas ressentir de la pitié pour [elle] en la voyant se cramponner à son torchon et sangloter aux pieds de Mr Croupton», celui-ci fait «un pas en arrière pour se dégager […] et la contempl[e] avec mépris», comme si elle était une «immondice qui menaçait de salir ses chaussures trop bien cirées» (Tome IV, p. 150). Par la suite, Winky travaillera aux cuisines de Poudlard, où elle nourrira sa dépression en se noyant dans la Bièraubeurre. Malgré la cruauté de son impitoyable maître, la pauvre créature fait preuve d’une parfaite loyauté envers lui: «Winky garde les secrets de son maître, dit-elle d’un air farouche» (Tome IV, p. 570).

Il est d’ailleurs possible d’analyser la figure de l’elfe dans l’univers de J. K. Rowling en lien avec une certaine critique du féminisme. Bien qu’elle décrive des personnages féminins forts tels qu’Hermione Granger ou Minerva McGonagall – chacune jouant un rôle crucial dans l’histoire – l’intention de Rowling de présenter l’égalité des femmes dans tous les domaines peut sembler affaiblie lorsqu’il est question des elfes de maison. En effet, la condition de ces créatures opprimées peut être comparée à celle que les femmes ont subie traditionnellement dans le système patriarcal, en raison de leur rôle stéréotypé, de leur manque de pouvoir, mais aussi, ironiquement, à cause de leur obsession des vêtements... Contrairement aux elfes de Tolkien, qui sont maîtres de la nature en plus d’être des guerriers redoutables, les elfes de maison sont réduits à des tâches secondaires telles que le ménage et la cuisine, tout comme les femmes l’étaient auparavant. De plus, Rowling dénonce l’indifférence et l’inaction des sorciers envers plusieurs injustices subies par les elfes: il n’y a qu’Hermione Granger qui s’indignera de la condition des elfes (Kellner: 367) et qui créera la S.A.L.E., soit la Société d’Aide à la Libération des Elfes, afin de défendre leurs droits.  Or, ces tentatives sont généralement tournées en dérision – notamment par le sens ridicule de l’acronyme choisi - ce qui pourrait témoigner d’une certaine ambivalence de l’auteure envers les combats en faveur des opprimés4.

Si Winky fait pitié, Kreattur, lui, n’inspire pas d’empathie. D’abord, il pourrait être qualifié comme un «mauvais elfe de maison», car la maison de ses maîtres est «d’une saleté repoussante» (Tome V, p. 135).  De plus, Kreattur se montre méchant et plein de préjugés: il traite Hermione de «Sang-de-Bourbe» (p. 134) et Sirius de «sale pourceau ingrat qui a brisé le cœur de sa mère» (p. 135), précisant que «le maître (Sirius) n’est pas digne d’essuyer la boue des bottes de sa mère!» (p. 135).  À ses yeux, les membres de l’Ordre du Phénix «ont trahi leur sang», alors que Harry et les autres adolescents sont de «sales gosses» (p. 136). Pourtant, Hermione continue à défendre l’elfe, même s’il l’insulte continuellement. Enfin, vers la fin du roman, quand Harry lui demande avec inquiétude où est Sirius, Kreattur lui ment, lui faisant croire que Sirius court un grave danger. Ce mensonge entraînera la mort de Sirius. Si Harry se montre plein de rancœur à l’égard de Kreattur, le traitant «d’immonde menteur» (p. 988), Dumbledore lui précise ce qui suit: «Kreattur est ce que les sorciers en ont fait. Oui, il faut avoir pitié de lui. Son existence a  été aussi misérable que celle de ton ami Dobby» (p. 988), ce qui aidera Harry à faire la paix avec l’elfe qui est désormais devenu son serviteur. Enfin, malgré le rôle ingrat qu’il aura joué pendant le tome V, Kreattur se rachètera dans le tome VII en combattant Voldemort lors de l’ultime bataille de Poudlard.

À l’opposé de l’antipathique Kreattur, on retrouve l’attachant Dobby, esclave maltraité, mais affranchi. Contrairement aux autres elfes de maison, il explose de joie quand il sera libéré alors qu’Harry Potter piège Lucius Malefoy, son maître, pour qu’il lui donne une chaussette sans s’en rendre compte (Tome II, p. 352). Dobby décide de venir en aide à Harry à plusieurs reprises. Alors que Winky refuse toute rémunération à Poudlard (pour elle, il s’agit d’un déshonneur que d’accepter de travailler pour un salaire (Wiki Harry Potter, en ligne)), Dobby tient à être payé pour son travail à Poudlard, même s’il négocie son salaire à la baisse (Tome IV, p. 404) avec Dumbledore! De plus, comme la plupart des elfes, il a le réflexe absurde de s’auto-punir quand il désobéit aux Malefoy, ses maîtres, se fracassant le crâne contre la fenêtre en s’écriant «Méchant Dobby! Méchant Dobby!» (Tome II, p. 20), ce qu’il fait encore dans le Tome IV, même s’il est dorénavant un elfe libre qui a échappé à sa servitude. Malgré tout, c’est avec ostentation que Dobby affiche un «étrange assortiment de vêtements» (p. 401) coloré, soigneusement choisi et tenu avec une propreté impeccable, en signe de fierté.

Enfin, malgré leur condition misérable et leur apparence peu avantageuse,  les elfes imaginés par Rowling détiennent quand même des pouvoirs magiques: leur magie est légèrement différente de celle des humains, puisqu’elle ne nécessite pas de baguette et elle leur permet de transplaner à leur guise – qualité qui permettra à Dobby de sauver la vie de Harry Potter et d’une poignée de ses amis, alors qu’ils sont prisonniers de Bellatrix Lestrange. Dans le tome VII, la figure de l’elfe de maison atteint même une forme de grandeur, à travers le geste de Dobby qui meurt en se sacrifiant pour sauver Harry et ses amis. Ce dernier le pleurera amèrement en lui creusant une tombe digne de ce nom et en célébrant pour lui une cérémonie solennelle, pleine d’affection.

Sous la plume de Tolkien, les elfes sont dotés d’un rôle et d’un statut complètement différents de ceux de Rowling: les qualités grandioses des elfes de la Terre du Milieu font souvent d’eux des guerriers redoutables et puissants, aussi agiles avec un arc qu’avec une lame elfique (Wikipedia, en ligne). Dans leur vie quotidienne, ces créatures mythiques se préoccupent de choses diverses comme la forge, la musique et d’autres arts. Les femmes se spécialisent surtout dans les arts de guérison alors que les hommes vont à la guerre.

Dans Le Hobbit, Tolkien présente deux types d’elfes: les Hauts Elfes de l’Ouest et les Elfes de la Forêt. Les premiers sont descendants des elfes et des hommes, c’est-à-dire des demi-elfes, comme Elrond et sa fille Arwen. Ils font preuve d’une grande hospitalité en plus d’être de bons conseillers. Les Elfes de la forêt, quant à eux, sont plus dangereux, moins sages, toujours aux aguets et, surtout, méfiants envers les étrangers et hostiles envers les nains. Mais alors que les Elfes de la Forêt considèrent les nains comme leurs ennemis à cause d’une ancienne guerre au sujet d’un trésor volé, les Grands Elfes de l’Ouest ne font que se moquer d’eux et de leur apparence. Cependant, l’elfe de la forêt Legolas ne se conforme pas aux défauts de son peuple. Il se montre coopératif et représente les Elfes dans la Communauté de l’anneau. Il se liera d’amitié avec Gimli, le nain, et ne cessera de protéger Frodon et son groupe dans leur quête, notamment dans la mine de Moria et lors de la bataille du Gouffre de Helm (Dior, en ligne).

Enfin, certains elfes mâles comme Elrond (Wikipédia, en ligne) possèdent de multiples talents. Présent lors de la première Bataille de l’Anneau au cours de laquelle Sauron a été vaincu, Elrond joue un rôle capital dans  Le Seigneur des Anneaux puisqu’il dirige le conseil au cours duquel se forme la Communauté de l’Anneau. En plus d’être un stratège sage et un puissant guerrier, il est aussi un guérisseur doté de toutes les vertus possibles: «Il avait la noblesse et la beauté d’un seigneur elfe, la force d’un guerrier, la sagesse d’un magicien - vénérable comme un roi des nains et aussi donc que l’été.» (Le Hobbit, p. 78) Au royaume d’Elrond, les elfes se distinguent tantôt par leur noblesse et par leur puissance tantôt par leur joie simple et lumineuse: «Certains sont comme des rois, terribles et superbes; et d’autres aussi joyeux que des enfants» (Le Seigneur des Anneaux, Tome I, p. 335). En témoigne la description de Glorfindel, elfe de Fondcombe: «ses yeux étaient vifs et brillants, et sa voix comme une musique; son front montrait la sagesse et sa main la force» (Le Seigneur des Anneaux, Tome I, p. 337).

D’ailleurs, à l’image des créatures magnifiques qui l’habitent, au pays des elfes s’étend «une lumière pour laquelle sa langue n’avait point de nom. […] Nulle imperfection, nulle maladie, nulle difformité n’étaient visibles en rien de ce qui poussait sur terre. Sur le pays de Lorien n’existait aucune souillure» (p. 519). Tout cela est bien loin des cuisines et des greniers où vivent les elfes de maison chez Rowling… On remarque donc la ressemblance de la terre paradisiaque des créatures elfiques de Tolkien avec leurs habitants, qui sont, en quelque sorte, des êtres d’une «nature intermédiaire entre l’homme et l’ange» (Brasey: 21).

Pour conclure, on voit que les elfes de Tolkien diffèrent de ceux de Rowling, non seulement par leur apparence, mais également par leur rôle et leur statut. En effet, alors que les uns sont beaux et majestueux en plus de jouer un rôle important dans les quêtes de Bilbo et Frodon, les autres sont des petits êtres trapus qui ne font que des tâches ménagères banales, malgré leurs pouvoirs magiques. Si le modèle de Tolkien a longtemps dominé la fantasy, on peut observer l’évolution de la figure de l’elfe grâce aux jeux vidéo (Final Fantasy, Legends of Zelda, Warcraft, etc,) et aux jeux de rôle (Donjons et Dragons, Warhammer, Shadowrun, etc,). On y retrouve des elfes de la nuit, des elfes de sang, de Hauts Elfes, des elfes corrompus, des banshees (spectres de Hauts Elfes), des feux follets (esprits d'elfes de la nuit), etc. (Wikipédia, en ligne). Ainsi, on ne peut que s’émerveiller de la diversité des représentations des personnages elfiques, tantôt fidèles à leurs origines mythologiques, comme chez Tolkien, tantôt complètement nouveaux, comme chez Rowling.

 

Bibliographie

Corpus étudié

Rowling, J.K. 1998. Harry Potter et la chambre des secrets.

___________. 2000. Harry Potter et la coupe de feu.

___________. 2003. Harry Potter et l’ordre du phénix.

___________. 2007. Harry Potter et les reliques de la mort.

Tolkien, J.R.R. 1937. Le Hobbit.

____________. 1954-1955. Le Seigneur des anneaux, trois tomes.

 

Corpus théorique

BRASEY, Édouard. Fées et Elfes, Paris, Pygmalion, 1999.

BROCAS, Alexis. «La création spéculaire», dans Tolkien: du Hobbit au Seigneur des Anneaux, la fabrique d’un monde, Paris, Le Magazine Littéraire, collection Nouveaux regards, 2013.

DIOR, Legolas Vertefeuille, [en ligne], http://tolkien.aratars.org/essai/dior/synthese/legolas.php

HORNE, Jackie C. «Harry and the Other: Answering the Race Question in J.K. Rowling’s Harry Potter», The Lion and The Unicorn, 34 (2010), p. 86

JONAS, 2008. Les Elfes: leurs origines, leurs différences, leurs apparences, [en ligne], http://fantasystories.over-blog.com/article-25668833.html

KELLNER, Rivka Temima, «J.K. Rowling's Ambivalence Towards Feminism: House Elves - Women in Disguise - in the “Harry Potter” books», The Midwest Quarterly; Summer 2010; 51, 4; ProQuest Research Library, pg. 367.

Wiki Harry Potter. «Winky», http://fr.harrypotter.wikia.com/wiki/Winky

____________. «Elfe de maison», http://fr.harrypotter.wikia.com/wiki/Elfe_de_maison

Wikipédia. «Elfe». https://fr.wikipedia.org/wiki/Elfe

________. «Elfe (Terre du Milieu)». https://fr.wikipedia.org/wiki/Elfe_(Terre_du_Milieu)#Critique_et_analyse

________. «Elfe dans la littérature fantasy et le jeu de rôle» https://fr.wikipedia.org/wiki/Elfe_dans_la_litt%C3%A9rature_fantasy_et_le_jeu_de_r%C3%B4le#Les_elfes_dans_les_jeux_vid.C3.A9o

 

  • 1. 1001 SYMBOLES, La symbolique de Elfe, [en ligne], http://1001symboles.net/symbole/sens-de-elfe.html
  • 2. «Comme l’art elfique est un idéal de l’art humain, les elfes sont une «correction» de l’homme. Son image avant la chute - plus beaux, plus braves, attentifs à la nature, rêvant d’étranges songes éveillés, mais capables d’égarements. Et évidemment, leurs aptitudes esthétiques et créatives, leur tension vers un absolu divin évoquent la passion de l’harmonie chez Tolkien.» (Alexis Brocas, «La création spéculaire», dans Tolkien: du Hobbit au Seigneur des Anneaux, la fabrique d’un monde, Paris, Le Magazine Littéraire, collection Nouveaux regards, 2013, p. 97).
  • 3. Notons toutefois que, même s’ils peuvent se remettre de blessures qui tueraient un mortel, les elfes peuvent être tués et même mourir de chagrin ou de fatigue. C’est alors que leur esprit est convoqué aux Cavernes de Mandos, en Valinor.
  • 4. Jackie Horne fait remarquer que l’activisme d’Hermione et son discours antiraciste sont ridiculisés et dénigrés, notamment par l’acronyme risible qu’elle a choisi, mais aussi par le fait que la majorité des elfes eux-mêmes ne semblent pas intéressés à être libérés… (Jackie C. HORNE, «Harry and the Other: Answering the Race Question in J.K. Rowling’s Harry Potter», The Lion and The Unicorn, 34 (2010), p. 86.