Image de femme, image de guerrière dans «Dune» de Frank Herbert

Image de femme, image de guerrière dans «Dune» de Frank Herbert

Soumis par Tristan Bera le 07/03/2016

 

Introduction

Les qualités du Cycle de Dune de Frank Herbert sont difficilement dénombrables tant est dense cet univers, tant sont complexes ses ramifications dans de nombreux domaines du savoir et de la pensée, tant sont actuelles ses réflexions sur l’humanité, l’écologie et l’histoire, sur le temps, l’identité de l’être, la politique, et j’en passe.

Pourtant, aussi étrange que cela puisse paraître, le rôle de la femme dans le Cycle de Dune est un élément peu traité, quasiment oublié. Un article, intitulé The Traditionalism of Women’s roles in Frank Herbert’s Dune, écrit par Jack Hand en 1994, est seule référence dans le domaine, mettant en avant, comme son nom l’indique, l’aspect traditionaliste du rôle de la femme. Le deuxième paragraphe de l’article commence ainsi: “It is the women of Dune who suffer most from this past-as-future effect” (Hand: 1). Avec ces mots, les bases sont posées; lors d’une première lecture de l’œuvre, l’image de la femme pourrait sembler bien délaissée. C’est vrai que la femme du peuple fremen est un objet de combat, une récompense que l’homme qui la conquiert par le combat peut choisir comme servante ou comme femme, que la femme de l’Empereur n’est jamais présente ni même évoquée (on sait simplement qu’elle est une Bene Gesserit 1), que les dirigeants des maisons sont des hommes qui choisissent leur femme auprès de ces dernières et que celles choisies « n’existent que pour servir» (Herbert: 1970: 166), que la fille de l’empereur n’a pas son mot à dire et qu’elle accepte sereinement son sort lorsque Paul défait son père du trône impérial. Oui, c’est vrai, la femme pourrait être une image de soumission dans le Cycle de Dune.

Mais arrêtons ici les insultes à l’auteur et à son œuvre majeure. Je dis bien à son auteur, car il n’est pas question d’interprétation ici. L’interprétation est un acte du penseur sur une œuvre. Mais quand non seulement l’œuvre, mais également la vie de l’auteur sont toutes deux tournées entièrement vers une image de femme puissante, maternelle et essentielle, à la fois catalyseur d’amour et de respect, de conscience et de nécessité, il n’est plus question d’interprétation; il est question de respect d’une œuvre et de son placement dans le monde littéraire et humain. C’est précisément avec ces idées en tête que cet article mettra en avant la femme comme image guerrière, non pas guerrière uniquement comme un homme pourrait penser qu’elle le serait, toute de force et de combat pour assurer sa survivance, mais tout d’abord comme l’image d’une Athéna, alliage de savoir et de pouvoir, de respect et de sacrifice, avant de voir que cette forme de violence pure est également une des caractéristiques de certaines des femmes du Cycle, par l’image des Honorées Matriarches2. Les femmes dont il va être question ici ne sont pas armées au sens conventionnel du terme. Les armes qu’elles possèdent ne sont pas visibles, mais inscrites dans leur corps même, dans le contrôle et l’utilisation de ce dernier afin de pouvoir aboutir à leurs fins. Elles ne sont pas armées d’armes physiques car leur physique est leur arme, et c’est autour de cette transposition que cette étude va se structurer.

 

Bev Herbert, image de femme et de combattante

Afin de dissiper toute forme d’hésitation, commençons donc par Frank et Beverly Herbert et la dédicace qui se trouve à la fin du livre Chapter House, traduit en français par La Maison des Mères: «Voici un livre de plus dédié à Bev, amie, épouse, collaboratrice sur qui j’ai pu toujours compter et, de plus, celle qui donna son titre à ce volume. La dédicace est posthume, les mots qui suivent furent écrits le lendemain de sa mort au matin et le lecteur y trouvera peut-être une partie de l’inspiration qu’elle a représentée pour moi [...].» (Herbert, 1986: 665)

À propos des larmes, Herbert raconte que «durant ses derniers jours, elle parlait souvent des larmes comme de quelque chose de futile» (Herbert, 1986: 656). Il dit également d’elle qu’elle «était pour [lui] un pont et qu’[il] en était un pour elle» (657). Lors de sa mort, le médecin «dit les mots que beaucoup d’autres et [l’auteur] avaient prononcés à [son propos]: elle avait de la grâce » (657). Enfin, elle demanda à Herbert de remercier le «radiothérapeute dont le traitement, en 1974, fut la cause directe de sa mort de 'lui avoir donné ces dix merveilleuses années. Assure-toi qu’il comprend que je n’ignore pas qu’il a fait tout ce qu’il pouvait pour moi quand je me mourais du cancer. Il a poussé son art jusqu’à ses limites et je veux qu’il sache ma reconnaissance » (658).

Ces quelques citations pourraient n’avoir que peu d’importance dans le schéma de la femme dans Dune, mais ce serait sans compter sur les propos de Brian Herbert, fils de Frank et Beverly, qui écrit dans The Dreamer of Dune: «Lady Jessica, with her beauty, intelligence, loyalty and love, represented the way my father felt for my mother. She was perfection to him, all things that were right with his life. She was his strength and sustenance, nurturing all of us.” (Herbert, 2003: 184). Avec ces mots, le personnage de Jessica, mère de Paul (le protagoniste des deux premiers volumes et premier des prescients), s’écarte pleinement de l’image de soumission qui pourrait être conçue autour de l’image féminine. Non seulement elle, mais également tous les personnages féminins principaux sont revêtus de cette définition.

Mais cessons de faire référence à cette image fallacieuse de la femme qui fut prônée il y a plus de vingt ans de cela, car notre propos n’est pas de parler de l’image de soumission. Concentrons-nous sur la femme guerrière, la femme qui agit par le corps et par les pensées, la femme qui attaque et qui protège, la femme qui n’est pas soumise, mais qui est empreinte d’adoration3 et d’actions. Et pour pouvoir établir pleinement l’image de cette guerrière, nous allons traverser le Cycle de Dune d’un bout à l’autre. Bien entendu, cette étude ne sera pas complète (il faudrait plutôt un livre pour cela), mais elle permettra de donner des clés pour ouvrir les portes derrière lesquelles seront trouvés le bouclier et la lance, ces deux images de la fille de Zeus qui définissent si bien ces femmes sur lesquelles nous portons notre regard.

 

Jessica, la mère

Tout d’abord, parlons de Jessica: femme du Duc Leto Atréides, membre du Bene Gesserit 4 et mère de Paul Atréides, protagoniste des deux premiers tomes et premier prescient, elle joue un rôle majeur dans deux des trois premiers tomes du Cycle, en tant qu’éducatrice et gardienne. Dans le monde de Dune, la guerre fait rage entre les familles des grandes maisons. Afin de préparer son fils à ce monde, elle lui enseigne les techniques issues de sa propre école (école de femmes, rappelons-le), qui consistent en un contrôle précis du corps et de l’esprit, en des techniques de méditations et de combats, comme la Voix5 ou les techniques Prana Bindu6, techniques qui vaudront à Jessica lorsqu’elle combattra contre les Fremens7 ces mots: « Pourquoi n’avez-vous pas dit que vous étiez une magique et une guerrière? [...] Si vous êtes capable de venir à bout du plus puissant d’entre nous, vous valez dix fois l’eau de votre corps8» (Herbert, 1970: 291). Elle est donc une femme à la force reconnue et respectée, mais cette force n’est pour elle que l’ultime recours, la solution dernière qu’elle n’utilise que lorsque toutes les autres possibilités sont fermées. Alors qu’elle discute avec Tuffir Hawat, garde du corps du Duc et que ce dernier lui demande pourquoi elle n’utilise pas ses pouvoirs afin de détruire les ennemis de son mari, elle lui répond: «Moi, détruire? Et donner de mon Duc l’image d’un homme faible? Le forcer à dépendre de moi à jamais?» (Herbert, 1970: 166). Alors même que le Duc est menacé de toutes parts et qu’elle a conscience de sa mort imminente, Jessica choisit de rester ce qu’elle est: un bouclier, l’expression de la guerre défensive. La preuve en est que jamais elle ne tue, jamais elle ne blesse non plus. Dans les deux tomes dans lesquels elle apparaît, elle se retrouve menacée à six reprises, et jamais elle ne porte un seul coup. Ce n’est pas son rôle. Elle laisse cela aux autres. Alors même qu’on l’attaque, alors même qu’elle est prise directement pour cible par sa fille, Alia9, elle ne fera que s’enfuir afin de former l’opposition à la régence. Car la violence physique n’est pas son arme. Plus que cela, user de violence serait pour elle un renoncement à l’image qu’elle représente. Si elle tuait, elle cesserait d’être elle pour devenir autre chose, un être conduit par la violence, alors qu’elle n’est que protection.

De plus, la force brute n’est pas son arme la plus puissante. Sa puissance lui vient de son statut de mère de Paul Atréides, le Kwizatz Haderach, le Madhi, messie des Fremens, l’Empereur durant le tome deux, et se transmet par les mots. À chaque fois qu’elle se retrouve dans une situation délicate où sa vie est en danger, c’est toujours par la parole, issue de sa bouche ou de celle de son fils, extension d’elle-même, qu’elle parvient à se libérer de la menace qui pèse sur elle. Alors que la Shadout Mapes, gouvernante de la nouvelle demeure ducale, la menace de son couteau, c’est en répondant correctement à la question de l’autochtone qu’elle se libère du joug de cette dernière; lors de leur enlèvement qui doit les conduire, elle et son fils, à la mort, c’est en utilisant la Voix qu’elle parvient à retourner les soldats l’un contre l’autre; lors de la requête de l’ancien soldat fremen Al-Fali, c’est en rappelant ses paroles «soutiens ton frère quand il en a besoin, qu’il soit ou non dans son droit!» (Herbert, 1976: 175) que Jessica obtient la certitude de son aide et qu’elle parvient à fuir la demeure impériale. Dans chacun de ces cas, elle ne détruit pas. Elle acquiert plutôt le respect de l’autre, et par cela s’assure de la réussite de son combat.

Cette guerrière que représente Jessica est donc, dans le Cycle de Dune, une image forte et symbolique qui s’oppose pleinement aux actes guerriers typiques10 tournés vers la violence et la mort. Jessica ne tue pas. Jessica est une pourvoyeuse de vie, ce qui rejoint le concept qui fut évoqué à son propos par Brian et Frank Herbert concernant Bev: elle pardonne les actes commis. Et pour pardonner, il faut refuser la violence et la vengeance, refuser de tuer et parler avec l’autre, comprendre l’autre afin que l’autre la comprenne et que la vie de l’un et de l’autre continue. La preuve ultime de cet événement se trouve après qu’Alia, sa propre fille, a tenté de la tuer. Jessica est pleinement consciente de la situation, mais elle préfère parler avec sa fille, puis fuir lorsqu’elle se rend compte que le dialogue est impossible, plutôt que d’user de ses talents et de tuer. Jessica est donc une diplomate, une conciliatrice, même si cela ne fonctionne pas toujours.

Il pourrait être rétorqué à cette description succincte de Jessica que son personnage puisse n’être qu’une image particulière de la femme, faisant des autres représentantes du beau sexe des personnages guerriers basiques ou vides.

Cela serait une grossière erreur. La preuve en est que deux autres personnages possèdent cette aura puissante et veloutée: Ghanima et Hwi.

 

Ghanima, la Sœur jumelle

La première, fille de Paul, jumelle de l’Empereur-Dieu Leto 2, est elle aussi une pure défenseure de la vie qui s’exprime dans trois situations, deux abondant dans ce sens et une troisième s’y opposant à cause des circonstances particulières qui l’entourent, mais qui s’effacent avant que la violence ne s’exprime. Pour le diptyque bénéfique, les deux situations sont la fuite des jumeaux et le futur passé sous silence de l’enfant. Dans le premier cas, qui se situe dans la première moitié du roman Les Enfants de Dune, Leto 2 et Ghanima décident de fuir le lieu où ils se trouvent afin de comprendre et de maîtriser leurs pouvoirs11 afin de prendre les décisions nécessaires à leur statut de futurs dirigeants de l’univers connu. Durant leur évasion, ils sont pris en chasse par deux tigres qui les acculent dans un creux de rocher. Ghanima, une première fois blessée, refuse l’aide de son frère et prend la décision de risquer sa vie afin d’empoisonner le dernier des deux tigres encore en vie, ce qu’elle parvient à faire au prix d’une seconde blessure. Par cet acte, Ghanima a revêtu l’habit que sa grand-mère porte depuis le début de l’œuvre; elle défend son frère, risquant par la même de mourir, non pas pour devenir un sacrifice, mais parce que c’est la seule solution qui s’impose à elle, la seule chose qu’elle peut faire. Son rôle est d’affronter la violence de l’extérieur pour que son frère puisse entreprendre son voyage et réaliser son objectif. De plus, l’acte d’empoisonnement du tigre ne se fait pas par un combat direct12. À la place, Ghanima lève son krys dans la faille afin que sa main soit à portée de la patte du tigre. Ce dernier laboure le bras de la fille, mais s’entaille également, provoquant sa mort. Ghanima ne porte aucun coup. Tout comme le bouclier qu’elle est, c’est l’attaque de la bête qui provoque sa mort. Grâce à cela, les deux jumeaux parviennent à survivre et à accomplir leur objectif commun.

Le deuxième exemple de sa dévotion se trouve dans l’ellipse temporelle qui sépare Les Enfants de Dune, troisième tome du Cycle, avec L’Empereur-Dieu de Dune, quatrième du nom. À la fin du troisième tome, Ghanima s’annonce elle-même comme une génitrice: «Il aura des tâches importantes pour chacun de nous. Je veux dire: lorsque nous ne ferons pas des enfants.» (Herbert, 1976: 408). Ces enfants sont les descendants du programme génétique du Bene Gesserit que Leto 2 récupère pour son propre projet, enfants qui à terme (ce terme se trouve dans le tome cinq du Cycle, Heretics of Dune, et sa suite, Chapterhouse) constitueront une part importante de l’intégralité de l’humanité pour une raison spécifique: leur capacité à ne pouvoir être inscrits dans la prescience. Pourquoi cela est-il un élément important de la définition de Ghanima en tant que guerrière défensive? Parce que c’est grâce à ce pouvoir, cette faculté de ne pas pouvoir être détecté par les prescients, que ces individus peuvent se cacher des menaces qui pèsent sur eux dans les deux derniers tomes du Cycle, et plus généralement que l’humanité peut sortir de la malédiction de l’oracle qui la menace de manière perpétuelle13. Au travers de cette capacité, les personnages ont la possibilité d’éviter le combat et de demeurer caché le temps nécessaire à l’élaboration d’une stratégie pouvant les protéger et les libérer du joug des Honorées Matriarches, dont il sera question dans la suite de cette étude. Ainsi, Ghanima est, jusque dans ses gènes, une autre forme de femme guerrière défensive, un être entièrement tourné vers la sauvegarde plutôt que vers la destruction. Elle accepte que ses descendants soient utilisés par son frère afin que l’humanité puisse perdurer. La force de sa volonté passe par cet état de son être. Excepté lors d’une situation.

Après le passage des tigres, Ghanima se retrouve incapable de suivre son frère dans le désert. Afin de s’assurer que son frère sera bien cru mort par tous14, elle exécute une autohypnose qui la pousse à altérer les souvenirs de son passé et à croire à la mort de son frère. À cause de ce changement dans son être, Ghanima développe une pulsion meurtrière pour celui qu’elle pense être l’instigateur de ce meurtre, Farad’n, qui se cristallise dans ses mots: «Jamais! Je le tuerai le soir de nos noces» (Herbert, 1976: 270). À ce moment de l’œuvre, sa volonté de tuer celui qui deviendra son mari (sans mourir le soir même) est réelle, mais il repose sur un mensonge, une altération de la réalité de Ghanima qui la transforme en profondeur. C’est d’ailleurs en raison de cette pulsion violente que la jeune fille est gardée en vie par sa tante, car cette dernière pense ainsi l’utiliser à ses fins. Autour de cette volonté destructrice, Ghanima est coupée de tout contact avec le monde extérieur. Elle demeure prisonnière de sa propre illusion. Cependant, lorsque le souvenir de l’évasion de son frère lui revient, elle cesse immédiatement de vouloir tuer celui qui lui est promis. Elle redevient alors la guerrière protectrice qu’elle fut et qu’elle restera.

Ce changement dans son attitude est l’expression de la ligne fine qui sépare les deux conditions de la guerrière: la protection n’est pas l’opposée de la violence, mais sa canalisation, le cheminement de l’individu dans sa reconnaissance de l’identité de l’autre, et par cela de sa reconnaissance comme vie. Avec l’élément protégé, la guerrière se détache de la puissance qu’elle possède pour la tourner entièrement non pas vers la destruction, mais vers la conservation de l’autre. C’est pour cette raison que Ghanima réagit aussi fortement envers Farad’n: il n’est pas tant le meurtrier de son frère que celui qui a retiré à la jeune enfant ce qui l’empêchait de sombrer dans la violence, tout comme Jessica n’hésite pas à menacer Stilgar lorsque la vie de son fils est en danger. La possibilité de la disparition du lien qui crée la guerrière protectrice est l’interrupteur qui conduit la guerrière à l’action. Sans lui, elle ne peut que s’adonner à la violence. Le lien, personnifié par celui qu’elles protègent, est l’expression de la vie pour elle. Sans cette vie, les autres vies deviennent inutiles et la mort peut survenir et être exprimée dans toute sa violence.

L’aspect de la guerrière protectrice est ainsi exprimé non pas comme pourrait l’être celui de la femme guerrière en tant qu’élément opposé de l’homme guerrier. Elle n’est pas l’opposée de la violence, mais en est une manifestation différente. Cette force, entièrement tournée vers la sauvegarde de l’autre, n’est pas un état de nature, mais un choix qui trouve ses racines dans la fondation de l’être tel que Paul l’exprime dans Dune:

Il y a en chacun de nous [...] une force ancienne qui prend et une force ancienne qui donne. Il n’est pas très difficile pour un homme de voir ce lieu où règne la force qui prend, mais il lui est presque impossible de contempler la force qui donne sans se transformer en autre chose qu’un homme. Pour une femme, la situation est exactement l’inverse [...]. Ces choses qui sont en nous sont si anciennes qu’elles sont réparties dans chaque cellule de notre corps. Ce sont elles qui nous façonnent. Il est toujours possible de se dire: oui, je vois ce que peux être cette chose. Mais lorsque l’on regarde en soi-même et que l’on se trouve confronté à la force brute de sa propre vie, on comprend le péril. On comprend que ça peut vous submerger. Pour le Donneur, le plus grand péril est la force qui prend. Pour le Preneur, c’est la force qui donne. Il est aussi facile d’être emporté par l’une que par l’autre. (Herbert, 1970: 451)

Les deux états de l’être, le don et la possession, sont inscrits dans chacun des personnages. L’homme est celui qui s’approprie tandis que la femme est celle qui protège, qui maintient l’intégrité de l’autre, mais les deux états ne sont pas figés. De là provient l’idée de changement, de transformation de l’un en l’autre lorsque l’un des deux tente de s’aventurer sur le chemin de l’autre. Dans le cas de Ghanima, puis dans le cas d’Alia que nous allons voir juste après, c’est ce dépassement de la limite par une assimilation qui les transforme. Ici, deux possibles interprétations existent: la première est que, en croyant avoir perdu son frère, Ghanima endosse une partie de sa personnalité, elle devient une partie de son frère qu’elle croit mort afin que son souvenir ne s’efface pas d’elle, ce qui provoque la transformation de sa personnalité. Le côté féminin qu’elle représente s’allie avec le côté masculin que son frère représentait15. Ou alors, il est également possible de considérer que, comme cela aurait pu être le cas avec Jessica, c’est parce que Ghanima ne peut plus donner, à cause de la mort de son frère, qu’elle devient un être qui prend. La symétrie qui les caractérise (et qui sera reprise à la fin des Enfants de Dune lorsque Leto 2 placera sa sœur derrière son dos, représentant par cela l’image de Janus-Jana, la divinité de la porte et de la perfection androgyne) étant brisée, Ghanima ne peut plus donner à quiconque, elle devient donc un être qui prend. Pour le cas d’Alia, la transition est différente bien que similaire dans son résultat. Pour la sœur de Paul, c’est l’Abomination qui jouera le rôle du transfert.

 

Alia, la sœur

D’ailleurs, parlons d’Alia: sœur de Paul, son personnage est particulier. En effet, sa conscience s’éveille dans la matrice de sa mère suite à l’absorption de l’essence d’Épice.16. Dès cet instant, Alia est entourée de multitudes de voix provenant de ses ancêtres17. En grandissant, Alia développe un lien très fort avec Paul, son frère, le seul à même de pouvoir la comprendre, de ne pas la considérer comme une surhumaine au mieux, comme un monstre ou une déesse pour la grande majorité18 . À cause de ce lien, Alia considère Paul comme un modèle à suivre, à cause de sa force et de sa stabilité. Cependant, à la fin de Dune Messiah, ce dernier part mourir dans le désert, laissant sa sœur responsable de l’Empire. Voulant être aussi forte que son frère, elle tente de devenir lui dans tous les aspects de sa vie. La plus éloquente de ses tentatives est de faire appel à la prescience afin de pouvoir guider l’Empire comme Paul le faisait. Cependant, elle n’y parvient pas. Plus que cela, ses tentatives à répétition déchaînent les voix qui sont en elles. L’Abomination, qui est la possession d’un vivant par une mémoire du passé, provient de cette suite de circonstances.

Ceci étant énoncé, retournons vers la guerrière. En tant qu’enfant élevée dans la culture fremen, Alia est une guerrière. Lors de l’attaque de la tente impériale à la fin de Dune, Paul répond à sa mère qui s’enquiert de l’état d’Alia: «Au-dehors. Elle fait ce que tout bon enfant de Fremen fait en de telles circonstances. Elle achève les ennemis blessés et marque leurs corps pour l’équipe de récupération d’eau» (Herbert, 1970: 476). Cet événement se produisant après qu’Alia, alors âgée d’à peine deux ans, a tué le Baron Harkonnen. En effet, dès cet âge, les enfants Fremens, qu’ils soient garçons ou filles, sont déjà rompus au combat. C’est la planète qui veut ça. Les Fremens sont des guerriers.

Par la suite, Alia sera nommée par les laïcs adorant son frère et elle Alia du Couteau. Encore une autre référence au côté guerrier de la jeune femme qui, lors d’un entraînement particulièrement virulent avec un mannequin automatisé, ira jusqu’à mettre sa vie en danger face à lui, prouvant une autre fois sa puissance au combat. Mais, s’il l’on oublie le meurtre qu’elle commet étant enfant, Alia n’est pas encore vraiment une tueuse. Achever les blessés  suit simplement une tradition. Par contre, ce rôle change avec l’Abomination. Au travers de cette modification, nous retrouvons l’élément de changement dans les notions de don et d’appropriation, car celui qui la possède est le Baron Harkonnen19. Au travers de cette possession, Alia cesse d’être une femme pour être ce que Paul appela dans la citation 21 une autre chose. À la fois femme et possédée par l’esprit d’un homme, cette autre chose s’exprime par le transfert de la combattante passive qu’elle était20 à la dévoreuse d’hommes, autant d’un point de vue sexuel que meurtrier21, et de femmes, car elle tente de faire tuer sa propre mère lors d’une séance de doléances22. La guerrière protectrice qu’elle sera à la fin de sa vie (et qui sera développé juste après) est totalement occultée par cette métamorphose opérée par l’Abomination. Durant cette période, Alia est une meurtrière, une guerrière empreinte de folie et de démesure. Le rapport entre don et appropriation n’existe plus. Elle n’est que preneuse, par elle-même ou par intermédiaire. Cependant, lorsque Leto 2 réapparaît et la confronte, Alia se retrouve écrasée par la puissance de son neveu. Éreintée et incapable de pouvoir faire face, l’Abomination s’affaiblit et Alia reprend le dessus, redevenant une protectrice, dans l’un des passages les plus poignants de Children of Dune:

Alia prit sa tête entre ses mains, les traits torturés, tomba un peu plus près de la fenêtre. Ses cuisses touchaient maintenant le rebord, mais la voix (du Baron Harkonnen) criait toujours: «Ne fais pas ça! Arrête, je t’aiderai! J’ai un plan. Écoute-moi! Arrête! Attends!»

Mais Alia, tout à coup, ôta les mains de sa tête, agrippa le cadre disloqué de la fenêtre et, d’un seul élan, franchit le rebord et disparut. Elle ne poussa pas un seul cri dans sa chute. (Herbert, 1976: 405-406)

Ce suicide, qui semble être une action accomplie par la folie, est en fait un cas de lucidité extrême et une preuve de la prise de conscience de la femme sur elle-même. Face à la présence de Leto 2, de sa mère et de Farad’n, ce ne sont pas simplement des personnages lambda qu’elle contemple, mais chacune des personnes qu’elle a essayé, sous l’influence du Baron, de tuer ou de faire tuer sans y parvenir. Cette réalité mise face à elle, Alia parvient à contrer la voix du Baron et à s’échapper à son emprise. Grâce à cela, elle retrouve son rôle premier de défenseur et se suicide. Au travers de sa mort, Alia effectue donc un acte de protection immense car elle protège sa famille et l’Empire de sa propre personne corrompue par son grand-père. Mais ce n’est pas tout. En poussant un peu plus loin l’analyse, cet acte peut également être considéré comme un acte d’honneur de la femme guerrière car elle accepte d’elle-même le jugement que ses pairs auraient pu lui imposer ou lui refuser, ou une quelconque sentence qui lui aurait permis de demeurer en vie, la laissant menacer l’Empire. À la manière des samouraïs et ninja des époques anciennes, Alia se suicide afin de conserver son honneur, afin de rétablir, dans un dernier acte fort, l’identité qu’elle avait cessé de posséder depuis presque toujours. Au travers de cette vision particulière de son acte, Alia se pare d’une nouvelle dimension guerrière qui fait d’elle un être unique, à part de tous les autres: elle est guerrière protectrice et agressive et rédemptrice, se défaisant d’elle-même pour s’extirper de son maître et ainsi retrouver l’humanité qui lui avait été arrachée.

À l’exact antipode d’Alia se trouve, dans God Emperor of Dune, un autre personnage qui cristallise le concept de protection: Hwi Noree.

 

Hwi, la Sainte

Cette femme est, comme tous les hauts personnages féminins, d’un particularisme prononcé dans tous les aspects de sa personne. Issue des cellules de Malkis, ambassadeur de la planète Ix auprès de Leto 2, Hwi est un être qui a échappé à la vision omnipotente de l’Empereur-Dieu grâce à la technologie de cette civilisation. Cet élément est important dans la définition de son personnage car c’est au travers de la surprise de son existence que Leto 2 l 'interroge tout d’abord. Mais cela est au-delà de notre considération sur elle. Ce qui retient l’attention est son comportement particulièrement tendre envers toute forme de vie. En effet, dès la première entrevue entre Leto 2 et Hwi, cette dernière pleure d’entendre Leto 2 menacer la civilisation d’où elle vient, alors même qu’elle montre une opposition marquée envers elle: «Si jamais vos maîtres ignoraient mes avertissements et cherchaient encore à s’opposer à ma volonté, je n’hésiterais pas à les anéantir. Des larmes voilèrent les yeux de Hwi Noree et coulèrent le long de ses joues [...]: Je les avais déjà avertis, Mon Seigneur. Je vous le jure. Je les avais suppliés de vous obéir.» (Herbert, 1982: 223). Notons ici que le discours de Hwi est intéressant à bien des égards, car elle annonce par ses paroles qu’elle a déjà revêtu le rôle de protectrice de la vie en général avant même de rencontrer Leto 2. De plus, par le fait même de son comportement et de ses habitudes, elle annonce par ses paroles qu’elle avait devancé les réactions de l’Empereur-Dieu et avait déjà tenté de dissuader les dirigeants d’Ix de tenter quoi que ce soit envers ce dernier. Son rôle de protectrice se pare donc d’une sorte de prescience indirecte, qui n’est pas basé sur le pouvoir que possèdent les Atréides mais sur sa propre nature et ses propres émotions. Cet élément est extrêmement important car c’est cette sensibilité et cette capacité à vouloir protéger la vie qui séduit Leto 223. Cette spécificité de Hwi s’exprime à plusieurs reprises dans ce tome du Cycle, comme après l’attentat perpétré par les danseurs-visages24: «J’ai donné explicitement l’ordre à mes Truitesses25 de ne laisser aucun Danseur-Visage vivant à l’intérieur de ton ambassade. Hwi ne répondit pas, mais les larmes coulèrent sur ses joues .» (309), ou, encore une fois, sans doute l’une des plus intenses expressions de sa volonté de protection: «Je trouve extraordinaire que vous n’ayez pas à redouter le jugement d’une vraie Divinité Suprême. -Me jugerais-tu, Hwi? -Non, mais j’ai peur pour vous [...]. Hwi secoua lentement la tête. Pourquoi avait-il accepté cette terrible transformation? N’y avait-il aucun moyen d’y échapper?» (313). Dans cet exemple, que nous prendrons comme expression première de sa personne, Hwi prend conscience du rôle que Leto 2 a choisi d’endosser afin d’aboutir à son objectif: celui de devoir mourir et au travers de cette mort de subit le plus grand sacrifice de l’humanité: avoir sa conscience fragmentée en des milliers de parcelles indépendantes. La compréhension de son sort, de ce choix tragique accepté par Leto 2 fait réagir Hwi dans toute sa nature; il n’est pas question pour elle de plaindre ou d’envier le sort de Leto 2, mais de trouver un moyen de le protéger, de retirer de sa vie cette souffrance incompréhensible et quasi éternelle26. La protectrice qu’elle est ne se formalise pas, comme les autres personnages de l’œuvre, de l’apparence de Leto 2 ou de son pouvoir. Elle ne voit que l’humain, l’être fragile qui se trouve sous l’apparence du monstre et qui doit endurer un sort au-delà de toute conception humaine, sans qu’aucun retour ne lui soit témoigné, sans qu’aucune forme de reconnaissance ne lui soit adressée.

Cependant, Hwi ne trouve aucun moyen de sauver Leto 2 du sort qu’il s’est lui-même réservé, car il n’en existe pas. Le pouvoir de cette femme n’est pas suffisant pour contrebalancer le projet de l’Empereur-Dieu. Aussi, plutôt que de renoncer, Hwi accepte de partager le même sort que lui et de mourir de la même manière que lui: «Je suis donc promise pour le sacrifice? -Certains aimeraient qu’il en soit ainsi. -Mais tu ne le permettras pas? Nos destins sont liés. -Dans ce cas, je n’ai rien à craindre» (577) et, un peu plus loin, alors que Hwi a chuté et est morte et que Leto 2 s’apprête à la rejoindre, il se souvient de «ses dernières paroles, prononcées d’une voix calme et sûre [résonnantes] dans toutes ses mémoires: 'Je te précède mon amour’» (587-588). Au travers de cet acte, le personnage de Hwi exprime l’attachement premier qui la définit, celui de partager le sort de celui qu’elle a choisi de protéger, même si cela signifie mourir, selon le fait évoqué auparavant avec Dame Jessica, que l’aspect de protection est l’essence de leur être et que sans l’être qu’elles doivent protéger, leur existence n’a plus raison d’être, ne laissant que le sacrifice comme affirmation de leur existence. Au travers de cette action, Hwi se distingue de toutes les autres femmes par l’élément de sacrifice qu’elle accomplit. Le bouclier qu’elle incarne accompagne celui qu’elle a décidé de protéger afin de demeurer ce qu’elle est, ce pour quoi elle a été créée et qu’elle a choisi d’être. Tel le chevalier qui meurt en même temps que son roi, ou Juliette qui accompagne Roméo dans la mort, Hwi suit le chemin de Leto 2, car c’est ainsi qu’elle est: elle protège jusqu’au bout.

C’est d’ailleurs autour de cette image précise que le dernier personnage de guerrière protectrice se concentre. Ce personnage, fremen, amour de Paul Atréides et mère de Leto 2, est Chani.

 

Chani, la Femme-mère

Chani est un cas particulier au sein des femmes protectrices car son rôle est double. Elle est en effet et bouclier et lance. Dans Dune, Chani tue un fremen qui était venu défier Paul en duel, montrant par cela le pouvoir de Paul. En effet, alors que Jessica ne voulait pas que le Duc Leto soit considéré comme faible si elle agissait, c’est tout le contraire qui se passe dans le cas du couple Paul-Chani. Chani tue l’inconnu qui avait osé défier Paul, montrant ainsi la puissance de Paul, puisque c’est grâce à ses enseignements que parvint à occire son adversaire. La puissance de Chani préfigure la puissance de Paul en tant que l’élève le fait pour le maître.

Mais soyons clair: il n’est pas du tout question de domination de Paul envers Chani mais d’un acte spontané du personnage de Chani afin que Paul ne soit pas dérangé par un acte si mesquin. Paul lui dit d’ailleurs: «Tu ne devrais pas...[sous-entendu: tu ne devrais pas combattre pour moi ou risquer ta vie pour moi]» (Herbert, 1970: 389), ce à quoi Chani répond (en coupant la parole à Paul):

Je suis née dans le désert, Usul (nom secret de Paul), je sais me servir d’un krys [...]. Je ne suis plus une enfant qui chasse les scorpions dans le sietch à la clarté d’un brilleur. Je ne m’amuse plus [...]. Il ne méritait pas de te défier. Je n’aurais pas dérangé ta méditation pour lui [...]. Et puis, mon bien-aimé, lorsque l’on saura que l’on peut se retrouver face à moi et connaître une mort honteuse par la main de la femme de Muad’Dib, il y aura moins de candidats. (389)

Les propos de Chani sont ici doubles. Tout d’abord, ils mettent en avant le fait qu’elle a agi afin de protéger la méditation de Paul, pour que le jeune Atréides ne soit pas importuné. Elle protège non pas le corps, mais l’esprit de son amour. De plus, la dernière phrase est évocatrice d’un autre aspect de cet acte. En agissant de cette manière, Chani ne tente pas, comme il pourrait être crû, de faire cesser les duels pour Paul ou pour elle, mais de limiter le nombre des morts en faisant peser sur les morts l’opprobre d’avoir été tué par une femme, et ainsi de protéger les Fremens de leur propre vanité mal placée. En agissant de cette manière, Chani protège la tribu d’où elle est issue en empêchant les hommes de se sacrifier inutilement.

Mais l’acte ultime de Chani, expression une nouvelle fois de son ambiguïté en tant que guerrière, se retrouve dans son comportement lorsqu’elle est enceinte. Alors que la grossesse se passe mal, Chani annonce à Paul: «Quelqu’un m’a fait absorber un contraceptif depuis longtemps...avant que je ne commence mon nouveau régime. C’est pour cela que la grossesse va poser des problèmes [...]. Je sais qui m’a empoisonnée. Elle me donnera son sang» (Herbert, 1972: 157). Cette personne est Irulan, la fille de l’ancien empereur et la femme officielle de Paul27. À cause de cet acte, Chani souhaite la tuer. Elle ne le souhaite pas pour elle. Elle le veut à cause de la possibilité que ses enfants soient touchés par cet acte. C’est le fait que la vie de ses enfants soit en jeu qui la met dans cet état. Son rôle de protectrice ayant été bafoué, sa réaction est, comme ce fut le cas avec Jessica, entièrement tournée vers l’effacement de la menace. Cependant Paul lui interdit d’agir ainsi, ce qui met un frein à sa volonté de vengeance. Cette réaction n’est pas, encore une fois, une preuve de domination. C’est une preuve d’acceptation que ses enfants survivront à cette situation. Puisque Paul accepte la situation sans vouloir exercer une quelconque rétribution sur Irulan, c’est que ses enfants vivront. Ainsi, Chani accepte d’épargner la vie de la princesse, malgré tout. Elle retourne alors à son rôle de protectrice jusqu’à la fin de l’œuvre, où elle meurt en donnant naissance aux jumeaux. Ce dernier acte montre la force de protection de Chani. En effet, la grossesse difficile due aux contraceptifs fait que «[sa] vie brûle plus vite. La naissance contrôle maintenant [son] existence.» (Herbert, 1972: 157). Mais cela n’empêche pas Chani de vivre jusqu’au bout afin de pouvoir faire que ses enfants naissent. Par cet acte de sacrifice, elle devient l’emblème de la femme protectrice, celle qui meurt pour s’assurer de donner la vie.

Le personnage de Chani est donc presque à la frontière entre la guerrière attaquante et la guerrière protectrice. Cependant, elle demeure un bouclier à cause des nombreuses implications qui recoupent constamment ses actes violents: ils ne sont accomplis qu’en réponse à une agression ou dans le but de faire cesser toute tentative de violence. Elle n’est pas dominée par la violence.

 

Les femmes violentes, par nécessité, plaisir ou autre chose

Cependant, il est important de souligner que, dans le Cycle de Dune, toutes les femmes ne respectent pas cette ligne de conduite. En effet, certaines d’entre elles ou certains groupes de femmes agissent de manière purement agressive, sans qu’aucune menace préliminaire n’ait été évoquée ou nécessaire pour leur action. C’est par exemple le cas de la Shadout Mapes, déjà évoqué dans cette étude au travers de la réaction de Jessica. La fremen se retrouve face à Jessica, un krys à la main, et il n’en faut que du contrôle de Jessica et de ses mots pour que la femme agisse autrement. Le Bene Gesserit agit également de manière violente, bien que cette violence soit contenue, cachée. Lorsque Paul est Empereur, le Bene Gesserit complote avec les Tleilaxu afin de pouvoir se réapproprier la lignée génétique des Atréides et continuer leur plan. C’est d’ailleurs pour cela que des contraceptifs seront donnés à Chani. Le Bene Gesserit est derrière cette action afin de forcer Paul a avoir une relation sexuelle avec sa sœur. La violence n’est pas ici tant physique que psychologique, mais elle est pourtant bien présente. Plus tard dans le Cycle, lors d’un entretien entre le Bene Gesserit et l’Empereur-Dieu, les déléguées du Bene Gesserit tentent d’empoisonner Leto 2 avec de l’essence d’Épice, qui est un puissant poison pour les Vers des sables28. Cette tentative qui échoue sans appel marque elle aussi une action tournée entièrement vers une violence masquée. Les armes sont dissimulées, subtiles, et n’ont pas pour but d’être exposées, mais de toucher exactement là où elles doivent. Les femmes ont donc, dans le Cycle de Dune, une réalité guerrière qui diffère selon les groupes et les influences, faisant d’elles non pas des personnages unilatéraux, mais des structures complexes, comme tout personnage doit l’être. Le sexe n’est pas un critère de similitude totale, mais simplement une marque d’inscription selon un critère physique.

Et si ces maigres exemples ne satisfont pas les plus exigeants, soulignons, dans une dernière approche, les comportements antagonistes des deux groupes de femmes qui constituent les deux forces armées des deux derniers tomes du Cycle de Dune que sont Les Hérétiques de Dune et La Maison des Mères: le Bene Gesserit et les Honorées Matriarches.

Ces deux groupes sont en opposition jusqu’aux derniers chapitres du dernier tome. Le premier tente de se protéger et de conserver un semblant de liberté dans un univers que le deuxième groupe ravage sans exacte raison. Il est évoqué à un moment dans l’œuvre que les Honorées Matriarches semblent fuir quelque chose: «Aimeriez-vous retourner sans défense affronter l’ennemi aux multiples visages? Devenir des légumes?» (Herbert, 1986: 629) et que c’est pour cette raison qu’elles envahissent l’ancien Empire. Ces deux groupes de femmes agissent différemment l’un de l’autre. Le premier est constamment en train de construire et de se protéger des attaques des Matriarches, tandis que le second est non seulement un milieu où règne la violence29, mais également un ensemble guerrier qui n’hésite pas à stériliser les planètes qui ne l’intéressent plus. C’est d’ailleurs ce qui arrivera à Dune à la fin du tome des Hérétiques: la planète sera attaquée et vitrifiée par l’Arme des Matriarches.

Ces deux attitudes antagonistes seraient trop nombreuses à énumérer, aussi insisterons-nous sur leur style de combat, qui est l’expression de leurs penchants.

Le Bene Gesserit a développé, comme il fut écrit plus haut dans cette étude, le style Prana-Bindu, le contrôle total du corps et des muscles qui le composent, en plus de la possession de la Mémoire Seconde30 qui leur donne accès à tous les souvenirs de leurs ancêtres. De l’autre côté, les Honorées Matriarches ont développé une technique de combat qui repose sur les mouvements réflexes, autrement dit les mouvements qui ne passent pas par le cortex et sont donc non réfléchis.

Au travers de ces deux éléments, les groupes dessinés dans les deux derniers tomes du Cycle mettent en avant deux conceptions différentes de la guerrière: la première, incarnée par les Sœurs du Bene Gesserit, exprime la force qu’octroient le maintien et le soutien. Les Sœurs sont d’ardentes combattantes qui parviennent à faire respecter l’ordre non pas par la violence, mais par la compréhension et la communication. Le système de gouvernement issu de cette forme de contrôle permet au Bene Gesserit de se maintenir aisément sur les planètes sur lesquelles il est établi et de pouvoir tenir conseil afin de prendre des décisions qui seront acceptées par toute la communauté des Sœurs, même si des dissensions existent. Encore une fois, le thème de la guerrière protectrice est omniprésent, car c’est en protégeant les planètes et les individus que le Bene Gesserit s’assure de leur soutien et par la même de leur coopération. La crainte qu’elles peuvent exercer sur les populations ne repose pas sur leurs capacités à utiliser la violence, mais, au contraire, à pouvoir le faire sans le faire, si ce n’est dans des cas désespérés. Ainsi, c’est par la capacité sans l’action que les Sœurs sont reconnues comme une communauté nécessaire au maintien des structures planétaires. Ce maintien s’exprime à plusieurs reprises, mais est particulièrement explicite lorsque La citadelle de Gammu où se trouve le Ghola Duncan Idaho est attaquée. À ce moment-là, la Révérende Mère Schwangyu, bien que fortement antipathique envers le projet dont Duncan est la pierre angulaire, affronte les Honorées Matriarches, ce qui lui permet de s’évader et de pouvoir être récupéré par les Sœurs. Le sentiment de rejet que la vieille femme avait pour l’enfant s’efface pour ne plus penser qu’à sa protection. Encore une fois, la volonté de sauvegarde de la vie est au cœur de l’acte guerrier. Cet exemple, bien que centré autour d’un individu plutôt que de toute la planète, pose pourtant la question de l’aspect protecteur que représente chaque Sœur: la dévotion au projet de protection outrepasse entièrement les notions de survie individuelles pour mettre l’emphase sur la survie des projets communautaires, fondement des actes du Bene Gesserit dans les deux derniers tomes du Cycle. Elles n’agissent pas pour contrôler, mais pour permettre à l’humanité de continuer de se développer et de prospérer à l’intérieur de limites qu’elles imposent afin que l’humanité ne s’annihile pas.

À côté de cela, les Honorées Matriarches sont, quant à elles, hautement belliqueuses. Elles n’hésitent pas à mettre en avant leur force en toute circonstance, à faire étal de leurs capacités afin d’impressionner et de contrôler, même si cela passe par le meurtre. Leur talent premier, qui repose sur les pratiques sexuelles qui imposent l’asservissement aux hommes, est l’ultime exemple de leur côté guerrier. Au travers de cette pratique, elles deviennent des manipulatrices, des tentatrices qui fascinent les hommes afin de les corrompre, de les soudoyer et d’ultimement leur demander de mourir pour elles. Face à elles, leurs adversaires, qui sont tous les individus qui ne sont pas Honorées Matriarches, ne sont que des objets qu’elles peuvent et qu’elles vont manipuler afin d’arriver à leurs fins. Leur talent second, celui du combat par réflexes, expose de lui-même ses failles. Sans passer par le système nerveux central, les actions qui découlent de ces techniques ne sont vouées qu’aux réalisations des impulsions primitives de l’être. Il n’est pas question de réflexion dans ce style de combat, et sans réflexion, aucune idée de protection de l’autre ne peut intervenir. L’autre n’est qu’un extérieur à soi-même, et par cela une menace qu’il faut détruire. C’est à cause de cela que les Honorées Matriarches annihilent les unes après les autres toutes les planètes du Bene Gesserit avec leur Arme31. Plus rien d’autre ne compte, dans leurs actes, que la destruction. Rien ne sert d’épargner les civils car elles n’ont pas comme but de protéger qui que ce soit, même pas elles. Au travers de leurs actes sur l’extérieur de leur communauté, les Matriarches s’imposent comme des destructrices, n’ayant pour structure de pensée que l’action d’effacer la présente civilisation de l’Ancien Empire. Leur nom même est un symbole de leur manière d’agir: évoquées et développées dans l’Après-Dune, Cycle écrit par Brian Herbert et Kevin J. Anderson, les Honorées Matriarches agissent ainsi dans le but de détruire l’ancienne humanité qui, selon elles, utilise les femmes telles des objets32. C’est donc non seulement en réaction avec le système patriarcal, mais également avec l’idée même du monde dans lequel elles évoluent que les Matriarches décident d’effacer toute trace de l’Empire. Il n’y a pas de place pour la protection de quoi que ce soit exceptées elles-mêmes, car rien ne le mérite. Et encore, elles-mêmes, dans leurs actions au sein de leur structure communautaire, expriment cette volonté de destruction.

Dans leur structure sociétaire de lutte intestine pour l’obtention du pouvoir, une destruction lente, mais totale se dévoile. En effet, l’ascension au pouvoir jusqu’à la position ultime de Très Honorée se structure autour de la loi hiérarchique couplée avec la loi du plus fort en une sorte de pantomime de l’ordre Fremen: lorsqu’une Matriarche veut accéder à une position supérieure, elle peut et va tuer sa supérieure afin de prendre sa place. Aussi, tant qu’il restera au moins deux Honorées Matriarches en vie, aucune des deux ne sera en sécurité, la première attendant que la seconde la menace ou qu’elle pense être menacée, et la seconde se sentant constamment menacée par la première et voulant prendre la place de Très Honorée. L’exemple de cette situation se retrouve dans l’un des derniers chapitres de la Maison des Mères, après que Murbella, ancienne Honorée Matriarche et nouvelle Bene Gesserit, vient d’exercer son droit et de destituer la Très Honorée. Une Matriarche lui donne son titre, suite à quoi Murbella lui répond: «Comme récompense, vous aurez de l’avancement et je vous laisserai vivre» (Herbert, 1986: 624). La hiérarchie n’est donc pas chez les Matriarches une question de savoir qui possède la sagesse, mais à définir qui peut tuer et qui est visé par les tentatives de meurtre. La protection ne s’applique qu’à soi, et s’exerce par l’attaque, par la violence directe. Il n’y a que cela: la loi de la plus forte, l’adage de la guerrière dans toute sa brutalité. Ainsi, l’aspect de protection ne vaut, chez les Matriarches, qu’envers chacune d’entre elles et uniquement pour elles. La cohésion sociale et relationnelle n’existe que dans le fait qu’elles agissent toutes dans le but de détruire. Proche d’une structure apocalyptique, leur dessein, qui est de fuir cet « l’ennemi aux multiples visages », s’apparente dès lors à une sorte de politique de la terre brûlée ou de destruction après passage afin de s’assurer que l’adversaire ne pourra constituer aucune force nouvelle derrière elle. La destruction trouve ainsi une forme philosophique étrange, mais certaine, qui ne sera pas développée ici car sortant quelque peu de notre étude initiale.

Ainsi, face à cette situation, les Honorées Matriarches deviennent l’expression de la guerrière offensive, exact antipode du Bene Gesserit, et complètent ainsi la vision de la femme guerrière dans le Cycle de Dune. Dans ce monument de la science-fiction et de la littérature en général, la femme n’est pas un élément dominé ou un élément simplement de protection, mais l’expression d’une manière de vivre et de pensée qui s’inscrit dans la lignée de l’œuvre entière. Les personnages féminins, tout comme les personnages prescients, tout comme tous les personnages peints dans le Cycle sont des êtres humains qui répondent à leur environnement selon leurs affects et leur philosophie de vie. La femme guerrière est l’expression de cette réalité, une des formes que revêt l’action en lien avec l’autre ou en opposition à l’autre afin de dresser un monde dans lequel des idées s’affrontent, créant non seulement une trame narrative pour le lecteur, mais également un chemin de réflexion sur la guerre de manière générale et sur l’acte même de violence. Par les femmes guerrières, le Cycle de Dune exprime la force du maintien et de la réflexion sur l’acte immédiat et destructeur, car c’est par lui que l’humain est à même de pouvoir perdurer et de s’entendre avec lui-même. Les guerrières protectrices sont l’idéal de cette représentation, celles qui peuvent réellement concilier les individus afin de parvenir à la stabilité.

 

Bibliographie

HERBERT, Brian. 2003. Dreamer of Dune. New-York. Édition Tor

HERBERT, Frank. 1970. Dune. Paris. Édition Robert Laffont. Traduction: Michel Demuth

HERBERT, Frank. 1972. Le Messie de Dune. Paris. Édition Robert Laffont. Traduction: Michel Demuth

HERBERT, Frank. 1976. Les Enfants de Dune. Paris. Édition Robert Laffont. Traduction: Michel Demuth

HERBERT, Frank. 1982. Empereur-Dieu de Dune. Paris. Édition Robert Laffont. Traduction: Guy Abadia

HERBERT, Frank. 1986. La maison des Mères. Paris. Édition Robert Laffont. Traduction: Guy Abadia

 

  • 1. Société de femmes que nous verrons plus tard.
  • 2. Nous passerons volontairement sous silence trois personnages féminins: Siona, Sheena et Darwi Odrade, respectivement première génitrice portant le gène d’invisibilité à l’oracle que Leto 2 recherche (voir la note 23), jeune femme capable de contrôler les Vers et un des protagonistes du diptyque Les Hérétiques de Dune/ La Maison des Mères, et Mère Supérieure du Bene Gesserit dans ces deux mêmes œuvres. La raison de cela provient du fait qu’il a fallu faire des choix afin que cette étude ne soit pas trop longue.
  • 3. Les Fremens s’affrontent pour la femme qu’ils désirent. Plutôt que de voir cet acte comme un acte de soumission, nous voyons cela comme une preuve de l’importance élevée que les hommes accordent à la femme et que la femme accepte, un peu à la manière de nombreuses espèces où les mâles doivent prouver leur force pour pouvoir se reproduire, surtout dans les environnements hostiles, comme l’est Arrakkis.
  • 4. Le Bene Gesserit est une école de femmes où ses dernières sont éduquées pour trois éléments majeurs: servir l’empire, participer au programme génétique qui donnera au Bene Gesserit le Kwizatz Haderach (le court chemin, l’homme qui pourra être comme elles [car elles possèdent des qualités inaccessibles aux hommes durant le premier tome du Cycle]) et surtout servir le Bene Gesserit.
  • 5. Technique vocale qui permet, en modifiant les fluctuations de la voix, de pouvoir immiscer dans la conscience de ceux qui écoutent des propos hypnotiques et de les forcer à agir sans que leur volonté puisse s’y soustraire.
  • 6. Techniques de combat permettant un contrôle précis des muscles.
  • 7. Les Fremens sont le peuple de Dune et les combattants les plus puissants de l’univers du Cycle
  • 8. La planète Arrakis-Dune est une planète aride sur laquelle le peuple Fremen survit en récoltant toutes les sources d’eau possibles, ce qui inclut l’eau contenue par le corps humain.
  • 9. Dans le troisième tome, Dune Children, paru en 1976.
  • 10. Paul est ici une exception.
  • 11. Les deux enfants ont des pouvoirs prescients comme leur père, mais plus développés, ce qui les placent dans une situation analogue à celle d’Alia (que nous verrons plus tard). Pour éviter cela, ils décident de partir dans le désert afin de mettre à l’épreuve leur force mentale.
  • 12. Les jumeaux sont âgés de neuf ans à ce moment.
  • 13. Pour plus de détails concernant cet élément, voir la thèse de doctorat «Le Sentier d’Or, vision du Destin dans le Cycle de Dune» disponible en ligne sur le site de la bibliothèque de l’Université de Montréal.
  • 14. Le monde de Dune possède une classe de personnages qui peut distinguer la vérité du mensonge dans les paroles.
  • 15. Leto 2 et Ghanima sont jumeaux. On peut donc utiliser l’adage que les jumeaux sont liés entre eux pour expliquer ce comportement. Leto 2 mort, Ghanima devient en quelque sorte son frère. Elle doit vivre pour lui, et pour cela elle endosse ce côté principalement masculin que son frère représentait.
  • 16. L’Épice est  l’élément central de l’Empire, ce qui permet les déplacements dans les tissus de l’Espace-Temps par les navigateurs de la Guilde, ce qui permet aux individus de vivre plusieurs centaines d’années et aux prescients de pouvoir voir le Maintenant et l’Avenir.
  • 17. Selon le concept de la Mémoire Génétique, qui permet aux prescients d’avoir accès aux souvenirs de leurs ancêtres depuis leur naissance jusqu’à la séparation des gamètes aboutissant à la naissance de la génération suivante. le calcul pour déterminer le nombre est le suivant 2(g+1)-1. Dans le cas d’Alia, ces voix font partie intégrante de son existence, puisqu’elle s’est réveillée à elles alors qu’elle n’était encore qu’un fœtus.
  • 18. Les exemples de ces situations se trouvent avec abondance dans Dune et Dune Messiah.
  • 19. Jessica, sa mère, est la fille du Baron Harkonnen.
  • 20. Le seul moment avant cela où Alia est décrite en train de combattre est lorsqu’elle fait face au mannequin de combat, autrement dit un être non vivant.
  • 21. Elle ira même jusqu’à penser à tuer Duncan Idaho, son mari.
  • 22. Qui fut citée dans cette étude, avec la présence d’al-Fali.
  • 23. Le projet de Leto 2, le Sentier d’Or, est la tentative de protéger l’humanité des dangers de la prescience et de l’inscription dans un destin dont elle pourrait tenter de se libérer en rendant les humains invisibles aux oracles. Pour plus de précisions, consulter la thèse citée précédemment.
  • 24. Êtres métamorphes du Bene Tleilax, groupement religieux, qui ont la faculté de prendre l’apparence d’un individu et d’assumer son identité.
  • 25. Femmes-Soldats de Leto 2.
  • 26. Le projet de Leto 2 étant de recréer le cycle de l’Épice sur Dune une fois que la menace de l’oracle pourra être contrecarrée, l’Empereur-Dieu choisit de mourir en tombant dans de l’eau (seule chose pouvant le blesser), ce qui provoque la fuite des truites des sables qui recouvrent son corps, aboutissant à la fin à sa mort physique, tandis que sa conscience se retrouve prisonnière de chacune des truites. La description de sa mort à la fin de l’Empereur-Dieu de Dune est particulièrement explicite concernant la douleur de ce dernier.
  • 27. Paul s’est marié avec elle afin de pouvoir accéder au trône impérial.
  • 28. L’Empereur-Dieu possède le corps d’un Ver des sables après avoir fusionné avec les truites des sables, première étape des Vers.
  • 29. Les successions chez les Honorées Matriarches respectent la règle de la plus forte. La Très Honorée est constamment soumise aux attaques de ses Sœurs qui tentent de lui usurper le pouvoir.
  • 30. Voir note 17.
  • 31. Désigné simplement par le nom commun conceptualisé « Arme », cet outil stérilise une planète dans son intégralité en un seul tir. Aucune description n’en est faite, seule sa fonction éradicatrice est donnée.
  • 32. Les Tleilaxus, que nous avons déjà nommés au travers du Bene Tleilax, ont une politique de 'reproduction’ particulière. En effet, ils utilisent les formes féminines de leur espèce comme Cuve Axolotl, simple matrice reproductrice qui leur permet d’avoir recours au clonage et donc à l’immortalité. Découvrant cela, les Honorées Matriarches se sont rebellées et sont revenues d’au-delà de l’Empire pour détruire ce qui reste du système qui engendra ces pratiques. (Voir note 52 pour l’évocation fragmentaire donnée par Frank Herbert à ce sujet.).