LE PALIMPSESTE DES TÉNÈBRES

LE PALIMPSESTE DES TÉNÈBRES

Soumis par Rita Khemmari le 01/04/2023

« Joseph Conrad was a thorough going racist[1] », déclare Chinua Achebe lors d’une conférence donnée à l’Université du Massachusetts. En effet, malgré la canonisation de l’auteur, Achebe ose demander si « a novel which celebrates [a]dehumanization, which depersonalizes a portion of the human race, can becalled a great work of art.[2] » Au cœur des ténèbres[3] fait le récit d’expédition de Marlow, officier de la marine marchande britannique, lors de la remontée d’un fleuve en Afrique subsaharienne visant le sauvetage du fameux explorateur, M. Kurtz. Achebe reproche à Conrad de présenter une Afrique monolithique, l’incarnation même de l’altérité, en perpétuant des mythes préjudiciables envers les peuples africains qui sont dénués de toute quintessence humaine[4]. Les Conradiens sont nombreux à se prononcer : Achebe n’aurait pas su saisir ni le propos de l’auteur ni sa portée[5] ! Près de cinquante ans plus tard, la réception de ce roman est toujours tout aussi épineuse. En discussion avec Blaise Ndala, l’auteur congolais Boniface Mongo-Mboussa réitère la nature « très dérangeante et très problématique pour le Congolais, le Noir, l’Africain […] de ce texte si particulier de Conrad […][6] ». Mongo-Mboussa rêve d’un écrivain qui « ferait œuvre utile[7] » à partir de Au cœur des ténèbres. Ténèbre[8]de Paul Kawczak, œuvre à laquelle a contribué Ndala, semble être l’exaucement du souhait de Mongo-Mboussa. Ténèbre raconte l’histoire d’un jeune géomètre belge, Pierre Claes, mandaté par le roi, après la conférence de Berlin[9], de tracer le périmètre des frontières d’un des plus grands territoires d’Afrique, la nouvelle cour arrière privée du souverain, rien de moins que le Congo. À la lumière de la relation intertextuelle entre les deux œuvres, nous proposons de comparer les récits afin de déterminer si l’œuvre de Kawczak entreprend une contre-enquête de celle de Conrad. Au regard des maintes critiques énoncées à l’encontre de Conrad, nous souhaitons confronter la représentation des principales figures symboliques de ces œuvres, soit le colon européen et les indigènes afin d’examiner comment la réécriture, à une époque postcoloniale, d’une œuvre écrite en plein cœur de l’ère coloniale peut s’articuler. Cette réécriture de Conrad par Kawczak saura-t-elle « honor[er] tous les lions des savanes africaines[10] » ?

 

DÉSHUMANISATION ET DESTIN

 

Au cœur des ténèbres offre une vision réduite et réductrice des indigènes africains. Ce sont des créatures dépersonnalisées, chosifiées, bestialisées, réduites à un corps sans raison, sans voix. Mongo-Mboussa utilise le terme « nègre-décor[11] » pour conceptualiser ce paradigme où l’homme noir n’est qu’un matériau à être usé. Dès qu’il arrive en Afrique, Marlow se situe aux antipodes de « tous ces hommes » (CT, p. 60) qu’il rencontre et avec qui il n’a « aucun point de contact » (CT, p. 60). La narration focalisée par son regard offre une description acculée au corps bestial engendrant une isotopie de l’animalité du Noir à travers l’ensemble du récit. Ces indigènes, ces « ennemis » (CT, p.61), ont « des os, des muscles, une vitalité sauvage, une énergie intense de mouvement » (CT, p. 60). « Leurs corps ruissel[ant] de sueur […] ils cri[ent] […] ils [ont] des visages comme des masques grotesques […] on leur voi[t] de loin luire le blanc des yeux […] » (CT, p. 60).  Ce « tas de gens […] noirs et nus […] qui [va] comme des fourmis » (CT, p. 63)ne peut être saisi que par la déconstruction charnelle de cette masse. Alors que la machine coloniale découpe l’Afrique, le regard colonial en fait de même avec le corps africain. Plutôt que d’être abordés dans et par leur individualité intégrale, ces hommes sont dépecés de leur humanité. Ils sont « [des] côtes, des jointures […] comme les nœuds d’une corde […] des paquets d’angles aigus » (CT, p. 64 ; p. 67) que l’on saisit par « leurs jambes remontées » (CT, p. 67). Ce sont des « êtres » qui se « dress[ent] sur les mains et les genoux et descend[ent] à quatre pattes » (CT, p. 67) pas pour « boire », mais pour « lap[er] (CT, p. 67) l’eau du fleuve tout en « glapiss[ant] horriblement » (CT, p.78) de douleur. Les « bêtes brutes de ce pays » sont des « anim[aux] » qui ont « une vie magique » (CT, p. 89). En symbiose, telle une meute, « leurs maigres poitrines halet[ent] toutes ensembles, les narines violemment dilatées frémiss[ent] » (CT, p. 64), ces êtres « [meurent] lentement » (CT, p. 66) ensemble aussi. N’étant que de simples « silhouettes noires » (CT, p. 82), même dans la mort, l’existence matérielle humaine leur est reniée. Ils ne sont « rien de terrestre […] rien que des ombres noires de maladie et de famine gisant confusément dans la pénombre » (CT, p. 66).

Marlow décrit l’expérience de « remonter ce fleuve » comme celle de « voyager en arrière vers les premiers commencements du monde » (CT, p. 97) autrement dit à une époque avant que l’Homme ne soit Homme. En fait, il apparait clair que, dans l’idéologie coloniale, les Noirs n’appartiennent pas au présent, n’y existent pas concrètement, mais plutôt que comme des reflets d’une ère préhistorique lointaine. L’indigène devient alors quelque chose qui « n’[est] pas de ce monde » (CT, p. 101), mais qui « n’[est] pas inhumain » (CT, p. 101) pour autant. C’est « un monstre vaincu » (CT, p. 101) qui « braill[e], saut[e], pirouett[e], fai[t] d’horribles grimaces » (CT, p. 101) dans un « tumulte sauvage et passionné » (CT, p. 101). Au mieux, lorsque « instruit » (CT, p. 103) par « la grande cause qui inspirait [des] actions élevées et justes » (CT, p. 65), l’indigène est comme « un chien en une caricature de pantalons et chapeau à plumes qui marche sur ses pattes de derrière » (CT, p. 103), mais il restera toujours un « sauvage qui ne compt[e] pas plus qu’un grain de sable dans un Sahara noir. » (CT, p.  127) C’est pourquoi face à la déchéance de la violence, à la souffrance ignoble infligée à ces hommes, les agents coloniaux, les Blancs, restent « sans pitié, sans pitié » (CT, p. 83) aucune.

À l’aboutissement de la diégèse, nous constatons que « ce Noir [n’a] aucun rôle participatif dans l’intelligence du récit, c’est même le contraire, puisqu’il est ravalé au rang de matériau. Il sert de ‘chair à conte’, lui qui ne parle pas[12] ». Or, la voix est un élément central, voire une clé, de cette intrigue puisque « l’homme se présent[e] comme une voix. » (CT, p. 120) Aux yeux de Marlow, « Kurtz fut un homme remarquable », car « il avait quelque chose à dire » et « il le dit » (CT, p. 161). Les personnages noirs sont dépourvus de voix. La seule instance où des paroles intelligibles sont perçues de la part de l’un d’entre eux, c’est lorsque la mort de Kurtz est annoncée. Ainsi, la voix de l’indigène ne lui est pas sienne. Il n’exprime pas ses maux, il n'a pas l’opportunité de s’actualiser. Son discours est centré, comme le reste de son existence autour de la figure coloniale blanche. La voix est sensée être vectrice de rationalité, elle est la marque du progrès d’une Europe « riche en savoir et en progrès » (CT, p. 103) qui s’est soi-disant libérée de sa bestialité primaire. L’idéologie, « une fausse conscience destinée à masquer la domination de classe[13] », raciale de l’époque a créé un monde où l’Homme blanc serait supérieur à tous et aurait droit, du fait de son succès dans la lutte pour la vie et la civilisation, d’exploiter des peuples qu’il ne considère pas plus que de simples bêtes de somme[14]. Dans l’enfer de l’entreprise coloniale, il suffisait de naître noir pour être accablé d’une sentence à vie puisque « les hommes ne sont pas égaux, les races ne sont pas égales. Le nègre, par exemple, est fait pour servir aux grandes choses voulues et conçues par les Blancs[15]. » Ainsi, dans la cadre de l’aventure, la destinée de tout un peuple est acculée à celle d’un autre en tant qu’objet de cette entreprise plutôt que sujet actant de la sienne. Ceci n’est pas surprenant considérant que dans le genre du roman d’aventures, dans lequel s’inscrit le roman de Conrad, la dialectique entre civilisation et sauvagerie est une tension à laquelle doit être nécessairement confronté le héros classique afin de faire ses preuves comme maître de soi[16].

 

Nous constatons dans Ténèbre que le corps est le point nodal où culmine cette confrontation entre être et société faisant ainsi du rapport au corps un moteur d’action majeur pour la diégèse. En effet, les personnages sont aux prises avec les conséquences d’un fatalisme biologique qui trace pour eux une route funeste. Les personnages de l’œuvre, tant Claes que les indigènes africains, sont les victimes d’un déterminisme corporel qui fait en sorte que leur destinée semble être fixée sur une route dont ils ne peuvent déroger.

La polyphonie dans Ténèbre nous donne un aperçu des répercussions du racisme biologique sur la représentation de l’homme et du corps noir à l’époque. On coupe les mains de ces hommes noirs, car « ça fonctionn[e] ! Les nègres ne compren[nent] que ça. Et de toute façon, pour ce qu’ils en font de leurs mains… » (p.65) On constate en plus de l’objectification de ces êtres, une infantilisation violente de leur identité. Ce passage de la narration qui emploie le discours indirect liber démontre comment le corps est le seul moyen de communication attribué aux indigènes qui seraient trop bêtes pour qu’on emploie avec eux la raison et la parole, qui ne saurait user de leurs propres capacités sans le soutien du bon Européen. Par ailleurs, les Européens portent un regard hypersexué sur ces indigènes qui s’ancre dans le paradigme de l’être primitif soumis à ses instincts animaux vivant une sexualité sauvage et déchaînée. Von Wissmann, explorateur légendaire, aurait « fai[t] couper et sécher les organes génitaux mâles des Noirs pour les réduire en poudre et les boire avec son thé dans le but de s’emparer de leur légendaire vigueur sexuelle. » (p.26) Une femme d’officier regrette vulgairement « que ce ne fut pas le sexe qu’on coup[e] plutôt que la main, car il par[ait] […] que les nègres en avaient des fabuleuses. » (p.65-66) Dans cet univers, être noir, c’est être une ressource parmi tant d’autres que l’on peut exploiter à souhait et dont, lorsqu’épuisée, on peut se débarrasser « sans cérémonie » (p.113). Être noir, c’est « une barrière infranchissable » (p.68), car « le corps permet de révéler l’appartenance raciale d’un individu, mais aussi les contours de l’âme humaine, la culture d’un peuple, les mœurs et le degré de civilisation[17]. » Les Européens colonisent ainsi la terre et le corps africain leur imposant une réalité importée d’ailleurs. Ce frêle corps embouteille en lui les paroles d’un monde large et vaste délimitant les frontières de la vie que l’on peut vivre. Le corps est la condition de l’existence et l’existence de cette condition, il est la cause et la conséquence du caractère, des habitudes, du comportement. Il détermine notre place dans le système de la vie articulée. La situation coloniale a « imprégn[é] l’ethos des classes dominantes et l’imaginaire[18] » de celles-ci. En ce sens, le travail de mimesis littéraire qui cherche à « restituer l’objectivité du réel par sa représentation[19] » dans Ténèbre raconte en quelque sorte l’envers de « l’histoire […] des victimes africaines de la colonisation » (p.II).

En outre, Pierre Claes aussi est prisonnier de son rôle ne pouvant échapper aux frontières de sa condition d’homme blanc colonisateur. Fort de son statut, de ses origines, « naïf, rêveur, correctement raciste » (p.37), car Claes n’est qu’« un garçon au racisme commun » (p.33) dans un contexte où « un racisme virulent règn[e] d’une rive à l’autre » (p.108), le protagoniste « quitt[e] son pays sans mélancolie […], il cro[it] au projet civilisateur de son pays, il cro[it] en sa jeunesse, en son roi » (p.21).  Dès qu’il pose le pied en Afrique, Claes adopte les attitudes qui sont attendues de lui. Il « réussi[t] à dominer ses larmes, à serrer les différentes mains blanches qui lui étaient tendues avec énergie et fermeté […] chaque matin, le géomètre [prend] la peine de se raser, de se peigner et de se parfumer, de paraître maître de son corps et de son esprit. » (p.63) Contrairement à ce que l’on pourrait penser considérant les conditions climatiques de l’endroit, les Européens abordaient avec gravité la question de l’accoutrement qui était capital au maintien du clivage entre les « races ». L’expression du corps permettait ainsi d’assoir la supériorité des Européens qui voyaient une corrélation directe entre le degré de nudité et le degré de civilisation d’un peuple[20], de marquer une frontière entre ces antipodes. Les habitudes de Claes ne font pas de lui un dandy, mais bien un exemple phare de la préservation de la moralité au sein de la déchéance d’un monde sauvage. La morale étant une construction sociale fluctuante au fil des époques, Claes « parv[iendra], même s’il n’en avait qu’une envie très théorique, à coucher de façon régulière – tous les cinq à six jours – avec de jeunes prostituées locales » (p.63) comme il est attendu de lui, car « il [doit] être mâle parmi les mâles » (p.64). Les attitudes du protagoniste sont ainsi régulées en fonction des mœurs, des discours et des idéologies de son époque. « Il [agit] en chef, comme il rev[ient] à un homme blanc et éduqué de le faire. » (p.52) Bien que Pierre Claes soit « le Blanc le moins violent » (p.105) sous les ordres duquel les indigènes joints à son expédition aient eu à travailler, il n’échappe pas à la doxa de son siècle étant « raciste […] comme tout colonial de sa génération » (p.105). Pour cela, il traite ses subalternes « avec froideur, mais avec […] respect » (p.105). De ce fait, Ténèbre nous rappelle que nous ne pouvons brosser un portrait monolithique de l’homme blanc colonial. Bien que rares, « Josef Teodor Konrad Korzeniowski […] le seul homme blanc que Pierre Claes ne haïssait pas au Congo » (p.86) en est un, nous retrouvons des exemples d’individus capables « [d’] une véritable considération pour les Noirs » (p.87).  Claes est conscient alors de « la cancérisation du monde moderne » par les « agents vides » « d’une Europe malade » (p.86). L’intériorité du protagoniste est marquée par le rapprochement complexe entre ces multiples perspectives qui s’extériorisent par son comportement et ses attitudes qui sont influencés par la condition qu’aura générée le corps qui en est aussi l’actualisation constante. Tout cela faisant pour finir du géomètre « un bon bout de Belge […] un jeune fantasque » (p.91) comme il se doit d’être.

Tout compte fait, la diégèse progresse en fonction des dictats du corps. Les chemins tracés pour les personnages sont bien peu clairsemés de choix. Les indigènes sont maintenus dans une position de soumission, Claes navigue les exigences de sa condition de colons blanc au rythme du fleuve Congo bataillant en même temps contre la providence qui lui a légué une quête qui ne trouvera son aboutissement qu’au cœur des ténèbres. Le corps, dans Ténèbre, est l’incarnation des idéologies d’un monde et la concrétisation de ceux-ci, un champ de bataille entre libre arbitre et hégémonie de la doxa.

 

KURTZ VS. CLAES : LE CŒUR DES TÉNÈBRES

 

            Dans le roman d’aventures, l’aventurier prend « un risque [afin d’] affronter le danger, l’indifférence ou l’hostilité[21]. » Il « suit des pistes mal frayées[22] » et voue son corps à la découverte de « grands espaces ou [de] régions interdites[23]. » La figure magnétique de Au cœur des ténèbres est sans nul doute celle de Kurtz, le réel aventurier de cette intrigue. Kurtz est présenté comme l’homme idéal : artiste peintre prodigieux, journaliste éloquent, humaniste, avant-gardiste, amant dévoué. Toutefois, sa plongée dans la machinerie coloniale le pousse à une déchéance qui devient représentative, voire annonciatrice, de la corruption des âmes qui baignent dans le projet colonial. L’autodestruction de Kurtz nous amène à remettre en question les rapports axiologiques entre sauvagerie et civilisation, entre Afrique et Europe.

De prime abord, Kurtz semble nous apparaitre tel un héros mythique, un surhomme, un phare d’excellence au cœur de la sauvage brousse. « C’est un homme très remarquable » (CT, p. 70), « un homme exceptionnel, de la plus grande importance pour la Compagnie » (CT, p. 76). « C’est un prodige » qui « a une mission de charité, de science, de progrès […] pour guider la cause » (CT, p. 82). Kurtz est un « génie universel » (CT, p. 87), un « être doué » (CT, p. 120) qui a le « don d’expression déconcertant, illuminant » (CT, p. 120).  « Toute l’Europe [a] contribué à la création de Kurtz » (CT, p. 125), cet être « inoubliable » (CT, p. 127) qui « [a] le pouvoir de charmer ou d’effrayer des esprits rudimentaires » (CT, p. 127).  En fait, la figure de Kurtz devient si salvatrice que Marlow ne peut « ressentir pire désolation ni pire solitude » (CT, p. 121) à l’idée de « manqu[er] sa destinée » (CT, p. 121), de ne jamais rencontrer Kurtz. Il faut prendre en compte que l’idéologie coloniale raciste repose sur l’idée que l’humanité est divisée en une hiérarchie : blanc, jaune, noir, autrement dit civilisé, semi-civilisé, sauvage.  L’homme noir est celui qui se rapproche le plus de la bête animale comme son habitus le prouverait, n’ayant pas su ou pu évoluer correctement. « Car les ténèbres, la paresse, l’ignorance brutale ne peuvent coexister avec les avancées de la connaissance, de l’industrie des Lumières[24] », des figures comme celles de Kurtz sont primordiales pour prouver le bien-fondé de ce paradigme.  C’est de peine et de misère que Marlow « rester[a] loyal » à cet emblème qu’est Mr. Kurtz qu’il « ne trahir[a] jamais » (CT, p. 151). Or, ce choix est un véritable « cauchemar » (CT, p. 151), une épreuve d’une noirceur particulière, car ce Kurtz n’est en fait qu’un leurre.

 

Conrad nous dépeint plutôt […] comment l’humanité fut-elle civilisée, ne peut, dans l’espace colonial, qu’être sinistre, vaine et meurtrière, et se dégrader en sauvagerie […] Les ténèbres dans lesquelles Kurtz s’est engouffré sont, d’abord et avant tout, les ténèbres de ses propres contradictions intérieures […] [Conrad] a réussi à miner, en indiquant les irrépressibles dérives, les fondements mêmes du projet colonialiste des empires[25].

 

La réalité écrasante détruit la figure de Kurtz en tant que héros pour nous le révéler tel qu’il est vraiment : un aventurier qui s’est perdu dans « des plans immenses » (CT, p. 153) au « seuil de grandes choses » (CT, p. 153). Comparé au héros, l’aventurier est « fait d’une étoffe moins brillante, il a aussi moins de mérite et par conséquent de vertu. […] L’aventurier laisse à la postérité une impression moins éclatante. On dirait qu’il agit petitement, dans un coin, pour son compte[26]. » Kurtz est en réalité « un homme qui a trop souffert », qui « détestait tout cela, et pourtant il ne pouvait s’en aller » (CT, p.138) faisant alors « plus de mal que de bien » (CT, p. 147). « Le charme lourd, silencieux de la brousse » l’a attiré « éveillant les instincts oubliés de la brute » en lui « séduis[ant] son âme maudite hors des limites des aspirations permises », cette « âme qui ne connaissait ni contrainte, ni foi, ni crainte et qui pourtant luttait à l’aveugle avec elle-même » (CT, p. 155). L’aventure qu’entreprend Kurtz est alors aussi d’ordre spirituel. Ce sont les « aventures de son âme sur terre » (CT, p. 160) qui l’amèneront à percer le cœur des ténèbres qui réside en tout un chacun : le mal. La sauvagerie, c’est le choix du mal, c’est s’adonner aux plus viles pulsions violentes qui germent en tout être. La conclusion inévitable pour Kurtz n’est autre que la mort putrescente, cette mort qui représente « une mort dégradante, une mort bourgeoise[27] » où « la putrescence, la décomposition, mais aussi la mollesse, la saleté, sont autant d’images qui hantent l’aventurier littéraire[28]. » La mort putrescente de Kurtz n’est autre qu’ « un échec de l’aventure[29]. »

La lecture du personnage de Kurtz est certainement polysémique. D’une part, « si on considère ce personnage comme étant à la fois l’hyperbole et le révélateur de l’horreur coloniale […] la filiation européenne de Kurtz […] doit être entendue comme un acte d’accusation à l’encontre des nations européennes[30] ». D’autre part, il reste problématique que la corruption de l’âme de Kurtz ne soit possible que dans et par l’espace africain, « foyer de l’ensauvagement […] dans lequel il se dépouille de son humanité[31] ».  Néanmoins, les deux lectures s’entendent pour admettre que le rapport dialectique entre civilité et barbarie est contenu en Kurtz, ce parfait amalgame de toute l’Europe et ses perversions, qui devient le point de convergence de toutes les tensions à l’œuvre.

 

            Quant à Ténèbre, Pierre Claes peut être abordé comme une élaboration du personnage de Kurtz. En effet, la quête suicidaire de Pierre Claes se présente comme une allégorie du renversement de certaines réalités et violences coloniales par la mise en relation de la découpe de l’Afrique et celle du corps. Claes est aux prises avec l’horreur d’une entreprise coloniale qui ne peut se penser indépendamment du rapport au corps c’est pourquoi Ténèbre est avant tout « l’histoire du démantèlement et de la mutilation de Pierre Claes. » (p.II) Qu’est-ce que découvrir l’Afrique lorsqu’on est un bon bout Belge ? « Découvrir l’Afrique […] c’est découvrir son cœur… Le déparer des habits, de la peau, des muscles et des côtes… Et le regarder pulsant dans son petit trou obscène… » (p.27).  La découverte dans le contexte colonial sous le socle de la quête de Pierre Claes, découpeur de profession, prend une forme symbolique. Découvrir, c’est tant trouver ce qui était inconnu, que ne plus cacher ce qui était tenu secret ou enlever ce qui couvre[32]. Nous constatons dans le roman une personnification des actants politiques et territoriaux. « Angleterre, France, Belgique […] se lanc[ent] dans la dévoration [car] tout [est] bon à prendre à cet[te] […] Ève noire à violer dans la nuit blanche, sans relâche, la saignant […] » (p.17). C’est par le corps que la narration articule l’imagerie de la violence perpétrée. La colonisation est « un fantasme de terre femelle et primitive » que les Européens abordent avec « érotisme et violence » (p.17). Ainsi, dès les premiers instants de la diégèse, un fil est tendu entre l’exploration sensuelle du corps et la destruction de celui-ci comme si le summum de la possession était finalement dans l’anéantissement de cet objet tant prisé. Des décennies plus tard, Sartre écrira « l’Enfer, c’est les Autres »[33]. Cela n’aurait pu être plus vrai pour les coloniaux de l’époque dont les idéologies scientifiques et morales les pousseront sur une trajectoire brutale centrée sur l’obsession de la possession du corps puisqu’il est l’incarnation de « l’Autre africain perçu comme l’altérité[34] ». 

« Chaque jour, le corps sacrifié se couvrait des lignes qui régleraient son démantèlement. » (p.31) Est-il question de Claes ou de l’Afrique ? Les deux sont intrinsèquement liés. L’œuvre joue constamment à brouiller la ligne entre les découpes, du continent et du géomètre, dans la mesure où « la mission de Pierre Claes [est] fluviale, […] fluviale et sanguine, presque septicémique, pénétrant le continent par les vaisseaux de son sang pour y propager son infection. » (p.39) En fait, « l’Afrique […] est une entreprise […] de suicide » (p.46). Xi Xiao, le bourreau, devient le plus proche compagnon de Claes, car « ils parv[iennent] à se comprendre, dialoguant avec leurs corps. » (p.37) Par « l’érotisation des corps[35] », « le lien qui à la mutilation associait le plaisir [n’est] ni évident ni immédiat » (p. 106), mais il clarifie l’acte libérateur que représente ce décharnement. En découvrant son corps, Claes s’affranchit des dictats de celui-ci. Il s’émancipe de ce que c’est qu’être un « jeune colon belge au service du roi, l’un de ces fantômes » (p.238).  Cette ultime découpe lui permet de redevenir « naïf et pur ayant délaissé sa vielle peau dans une vie passée » (p.248). Par son acte, Claes renverse la philosophie coloniale, il abandonne, « au cœur de l’Enfer colonial » (p.170) « ses comportements, ses attributs, ses pratiques », délivrant de son « enveloppe corporelle » son « âme » et son « intellect[36] ».  « [L’] unique source d’amour […] ne saurait désormais trouver de vérité que dans la destruction… » (p.214) C’est une chose que Xi Xiao comprend « agiss[ant] avec tant de douceur et d’habileté que non seulement [ses] découpés ne ressent[ent] aucune douleur, mais ils [sont] en outre en proie à une excitation érotique des plus violentes, qui ne [peut] se résoudre qu’en une extase fabuleuse » (p.102).

Le lingchi est une forme de torture qui était utilisée en Chine comme méthode d’exécution à la suite de crimes spécifiques tels que la rébellion contre le pouvoir ou encore le parricide[37]. Cette sentence semble propice aux « crimes » de Claes qui « en [est] venu à haïr d’une ardeur renouvelée non seulement son père adoptif, mais toute forme d’autorité masculine. » (p.85) Or, nous le savons bien, tout système colonial est profondément patriarcal. Le père adoptif, c’est Vanderdorpe, mais c’est aussi Léopold II, père et souverain du Congo belge, qui mandate Claes, qui l’emploie dans son projet d’envergure. C’est dans « les chairs » que Claes ira donc chercher « les explications de sa propre douleur » (p.131), de sa « haine [] diffuse, larvée et sourde, qui ne ressurg[it] plus qu’en tristesse » (p.85). 

La découpe de l’Afrique origine d’une curiosité et d’un intérêt malsains alliés à un projet d’annihilation de l’altérité. La découpe de Claes est le rejet et le renversement de ce projet, la découpe de Claes est un projet de rébellion contre cet habitus colonial par l’exposition de tous les aphtes qui rongent son être. Il force cette classe dominante à poser un réel regard sur le corps blanc, sur ce qu’il représente, sur ce qu’il incarne et sur ce qu’il engendre, sur the horror.

 

LA CLAMEUR DES LIONS

           

            La réflexion actuelle a trouvé son origine dans la l’idée de contre-enquête soulevée par Monbo-Mboussa. Le principe de contre-enquête nécessite une procédure qui permettrait à des témoins et des témoignages tus d’être finalement entendus. Au cœur des ténèbres ensauvage ses personnages noirs dans un silence déshumanisant. Les indigènes sont sans paroles, sans identité, sans agentivité. Au contraire, Ténèbre entame une réhabilitation des identités que nous croisons au fil du travail de remontée du fleuve et de la mémoire par Marlow. Dans un premier temps, plusieurs détails de la trame narrative de Au cœur des ténèbres sont actualisés par le roman de Kawczak. Par exemple, nous savons bien que la mission de Marlow, mais aussi de tout autre colon, aurait été impossible sans le travail acharné des indigènes. Néanmoins, ceux-ci ne sont mentionnés qu’une fois comme les « Six Noirs » (CT, p. 64). Claes, quant à lui, apprend et nous apprend « le nom des sept travailleurs bantous qui l’accompagnaient : Luzolo, Lumala, Asonga, Mbaambi, Koongo, Mbala et Tamila » (p. 116). Cette information peut sembler anodine, mais elle permet de contrer le processus de déshumanisation qu’impose le racisme et le colonialisme, de s’éloigner du paradigme du « nègre-décor ». Ces travailleurs ne sont pas des marchandises interchangeables. Du fait de leurs noms, ils existent toutes et tous dans l’unicité de leur identité propre. Du fait de leur tribu, ils appartiennent à une histoire ancestrale, à un passé et une culture qui les transcendent. Il est étrange de constater que dans le roman de Conrad, les indigènes sont complètement dépourvus fasse à la brousse. Si ce n’était d’une tendance cannibale, ils sont présentés comme incapable de se nourrir de la nature qui les environne et qui est sensée les avoir vu naître. Comme des automates, « des hommes de forte taille […] avec du courage et de la force » (CT, p. 111), ils suivent les ordres des colons blancs sans tenir compte du fait qu’ils « sont trente contre cinq » …Les bantous qui travaillent sous les ordres de Claes « pourvoi[ent] à l’indispensable reste, la survie immédiate, la vigilance, la chasse, la coupe des sentiers et le feu. » (p. 149) Six d’entre eux sauveront même Claes d’une mort certaine. Ténèbre s’adonne ainsi à une représentation plus globale de l’individu africain qui existe de manière pleine et tridimensionnelle dans l’espace qu’il occupe. Il n’est pas question d’adoucir les rondeurs du colonialisme, mais d’humaniser ses victimes.

L’absence de cultures africaines est un des grands blancs du roman de Conrad qui s’explique de l’aveuglement de sa narration. Marlow est capable d’entendre la « vocifération plaintive, modulée en discordances sauvages » (CT, p. 108), mais il est incapable de cerner réellement le message de ces cris « où une grande passion humaine se déchaînait » (CT, p. 113). Ténèbre conduit la diégèse au cœur de cette civilisation dérobée permettant ainsi de démentir l’état intrinsèquement sauvage des peuples africains. Xi Xiao, en tant que non-initié à l’instar de Marlow, a un regard beaucoup plus sensible et perceptif qui lui permet de distinguer toutes les nuances de l’humanité des Pygmées Benzi de Demba qui l’accueillent en leur sein. Ces cris que Marlow perçoit comme pouvant avoir « un sens aussi profond que le son des cloches en pays chrétien » (CT, p. 72) deviennent, aux oreilles de Xi Xiao, « un chant polyphonique d’une rare complexité […] une forme nouvelle d’art et de mélancolie » (p. 231) qui le surprend profondément. Le parallélisme entre Marlow et Xi Xiao est tout à fait intéressant dans la mesure où tous deux en tant qu’adjuvant vouent amour et loyauté à l’aventurier qui les guide comme une étoile du nord à travers la brousse. Or, cette dévotion s’articule de manière opposée. Marlow « rest[e] fidèle à Kurtz jusqu’au bout et même au-delà » (CT, p. 162) en protégeant sa réputation de prodige. Xi Xiao, « dernière garantie d’humanité au sein de cette entreprise brutale » (p. 59), délivrera Claes de sa condition en lui offrant la mort.

            Dans un second temps, une expansion des personnages d’arrière-plan est opérée dans Ténèbre ce qui permet d’explorer l’agentivité de ces individus. Le cas de Mpanzu est particulièrement intéressant puisqu’il se présente comme un contre-exemple du timonier dans Au cœur des ténèbres. Rappelons-le, le timonier est un ouvrier, « une aide, un instrument » (CT, p. 127), particulièrement habile en qui Marlow a confiance pour gouverner son bateau et qui lui « manqu[e] terriblement » (CT, p. 127) lorsque ce dernier est tué. Mpanzu est « un jeune mécanicien woyo […] originaire de l’ouest du Congo » (p.53). Il est « ami de tous les peuples, il n’[est] l’esclave d’aucuns. » (p. 69) Mpanzu, « ce jeune aventurier tatoué qui se revendiqu[e] de toutes les cultures et de toutes les couleurs » (p.219) est « le plus libre des Noirs et le plus libre des Blancs. » (p. 219)

 

L’aventurier est celui qui tente avec force le périssable pour s’assurer de l’éternel, qui se donne à l’instant de l’événement pour y ancrer l’intervalle du rêve, et qui pour cela s’abandonne à un monde auquel il ne cesse de s’opposer[38].

 

 En ce sens, il n’y a, dans ce récit, plus aventurier que Mpanzu « qui [a] rompu avec sa famille et son peuple » pour parcourir le monde ne portant que « des tatouages de la tradition woyo, mais également de celles de chacun des peuples [qu’il] avait croisé sur son chemin d’aventure […] » (CT, p. 61) « Jouissant […] d’une certaine liberté » (p.68), Mpanzu a foi en « le tracé de sa destinée » (p. 69), mais celle-ci est inévitablement froissée par la « barrière infranchissable » (p. 68) qu’est sa condition d’homme noir dans un monde colonial. Tout comme le timonier, sa vie est interrompue « sans plus de cérémonie. » (p. 113)Pourtant, son souvenir perdurera et sera porté comme un flambeau par ceux et celles qui l’ont connu notamment par Silu, sa sœur.

            Silu n’adhère pas du tout au discours de l’indigène affligé et dépourvu de tous moyens que l’on peut rencontrer dans Au cœur des ténèbres. Elle « s’enfonç[e] […] dans la jungle, déterminée à retrouver les assassins de son frère » (p. 220) et à le venger elle-même. Silu devient grâce aux enseignements de Xi Xiao souveraine « de la mort et du plaisir, du deuil de jouissance et de la jouissance de deuil » (p.242). Par la découpe, elle libère « le cri sans fond qu’elle avait toujours porté » (p. 243) depuis « la mort de son frère, [le] saccage de son village, [le] massacre des siens, [le] viol de l’Afrique et [le] suicide de tous les dieux. » (p. 243) Malgré ce regain d’agentivité, ces cas exemplaires ne sont pas suffisants pour renverser la balance du pouvoir établi dans la colonie. La violence engendre la violence la perpétuant jusqu’à l’anéantissement. En fin de compte, dans le paradigme de la destruction, il n’y a nulle agentivité édifiante. Les indigènes sont « anéantis. Aucun ne compr[end] vraiment ce qui [est] arrivé à leurs vies. Tout, autour d’eux, [est] devenu mort, peine et violence. » (p. 244)Après avoir « été humiliés, violentés, meurtris, brisés dans leurs afflictions, mutilés dans leurs amours, leurs existences, leurs aspirations et leurs rêves » (p. 249), ces êtres ne sont plus que des spectres. Bien que Ténèbre lève le voile sur les ombres narratives de l’œuvre de Conrad en élaborant la complexité de l’expérience humaine de ces personnages ignorés, le récit ne peut les mener qu’à une fin où ils sont « épuisés et malades […] écœurés et soûls de violence » (p. 294-295). Silu et ses compagnons naviguent un univers transformé en sauvagerie au nom du progrès et de la civilisation qui n'admet d’autre loi que celle de la « jungle », que celle du plus fort. Il s’agit d’un monde où l’on tue jusqu’à être tué, où l’on se tue à force de survivre, où la seule rédemption possible se trouve dans la mort. Tout compte fait, Claes est le cœur de cette histoire dont il est le noyau autour duquel tous gravitent.

           

En somme, Au cœur des ténèbres de Conrad et Ténèbre de Kawczak brossent un portrait des mœurs d’une société coloniale et du regard que cette dernière porte sur l’Autre. La polyphonie de ces discours combinés crée une sorte de chambre d’écho amplifiant les ramifications des idéologies raciales et racistes dans lesquelles s’inscrivent, à des degrés différents, Marlow, Kurtz, Claes et tous les autres. Sous la tension du soi-disant projet civilisateur européen, le corps devient le centre de convergence de toutes ces forces extérieures qui cherchent à pousser les personnages dans une manière d’être et une disposition d’esprit qui fait violence à leur intégrité. La diégèse chemine au rythme de l’exploration du corps africain et colonial, du dévoilement de soi face à l’emprise de l’Autre. L’ambiguïté quant à l’interprétation de l’œuvre de Conrad persiste : l’ébauche d’une critique subversive est certainement présente, or il est difficile d’entièrement absoudre, même compte tenu des idéologies raciales de l’époque, la représentation des Noirs qu’il en est fait. À l’époque où Marlow, marin britannique, fait son voyage pour la compagnie belge, la loi sur l’abolition de l’esclavage dans les colonies britanniques est en vigueur depuis plus de 60 ans[39]grâce au militantisme de figures telles que Mary Prince ou encore Frédérick Douglass[40]et qu’une population afrodescendante prospère à Londres, ville où s’entame le récit. La question demeure : le roman Ténèbre de Kawczak mène-t-il réellement contre-enquête ?  Il est indéniable que l’œuvre crée un espace où les agents évincés de leur propre histoire dans le récit initial peuvent faire entrevoir la complexité de leur expérience vécue. Toutefois, la narration nous met en garde dès les premières pages : « L’histoire qui suit n’est pas celle des victimes africaines de la colonisation. […] l’histoire qui suit est celle d’un suicide blanc dans un monde sans Christ » (p. II). Il semblerait que la sensibilité requise pour écrire l’histoire des lions de la savane n'appartient pas aux ancêtres des chasseurs. Ainsi, Ténèbre s’inscrit plutôt dans le devoir actuel de permettre à une pluricité de voix d’être entendues que dans une réelle contre-enquête. Bien que l’œuvre s’engage dans un travail de réécriture intéressant, celui-ci ne se libère pas réellement des carcans de la tradition littéraire quant aux sujets abordés : au cœur de Ténèbre et des ténèbres, c’est encore le mal-être blanc qui prime, qui est sujet et objet de création, alors que tout et tous orbitent autour de lui.

 

 



BIBLIOGRAPHIE

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[1]Achebe, Chinua, « An Image of Africa: Racism in Conrad’s Heart of Darkness », Massachusetts Review, vol. 18, no 4, hiver 1977, p. 21.

[2]Idem.

[3]Conrad, Joseph, Au cœur des ténèbres, Paris, Flammarion, coll. « GR », 2017 [1899], 243 p. Les références à cet ouvrage seront indiquées en corps de texte entre parenthèses par l’abréviation CT.

[4]Achebe, Chinua, « An Image of Africa: Racism in Conrad’s Heart of Darkness»,op.cit., p. 15-20

[5] Watts, Cedric, « A ‘Bloody Racist’: About Achebe’s view of Conrad », The Yearbook of English studies, vol. 13, 1983, p. 196-209.

[6]Mongo-Mboussa, Boniface et Blaise Ndala, « Au cœur des ténèbres, une œuvre ambiguë, et discussion par Boniface Mongo Mboussa », Continents manuscrits, no 11, 2018, p. 1.

[7]Ibid, p. 8.

[8]Kawczak, Paul, Ténèbre, Chicoutimi, La Peuplade, 2020, 304 p. Les références à cet ouvrage seront indiquées en corps de texte entre parenthèses par l’abréviation T.

[9]De Broux, Pierre-Olivier et Piret, Bérengère, « “Le Congo était fondé dans l’intérêt de la civilisation et de la Belgique”. La notion de civilisation dans la Charte coloniale », Revue interdisciplinaire d’études juridiques, vol. 83, no 2, 2019, p. 51‑80.

 

[10]Mongo-Mboussa, Boniface et Blaise Ndala, « Au cœur des ténèbres, une œuvre ambiguë, et discussion par Boniface Mongo Mboussa»,op.cit., p. 8.

[11]Ibid, p. 1.

[12]Idem.

[13]Ruano-Borbalan, Jean-Claude, « L’idéologie. Fausse conscience ou système de valeurs? », La vie des idées, hors-série (ancienne formule), n° 21, juin-juillet 1998.

[14] Ternon, Yves, « Penser, classer, exclure. Origine du racisme biologique », Revue d'Histoire de la Shoah, vol. 183, no 2, 2005, p. 17‑47.

[15] Renan, Ernest, Dialogues philosophiques, cité dans Yves Ternon, « Penser, classer, exclure. Origine du racisme biologique », loc.cit., p. 42.

[16] Letourneux, Matthieu, Le roman d'aventures : 1870-1930, Limoges, PULIM, 2010, p.23.

[17] Peiretti-Courtis, Delphine , « Sauvagerie, édénisme ou érotisme ? Regards médicaux sur la nudité africaine (1780-1950) », Outre-Mers, vol. 398399, no 1, 2018, p. 46.

[18]Cornet, Anne et Marc Poncelet, « L’Héritage colonial belge », loc. cit., p. 102.

[19]Carnevali, Barbara et Philippe Audegean, « Mimesis littéraire et connaissance morale La tradition de l’« éthopée » », Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 65, no 2, avril 2010, p. 296.

[20]Peiretti-Courtis, Delphine, « Sauvagerie, édénisme ou érotisme ? Regards médicaux sur la nudité africaine (1780-1950) » loc. cit., p. 48.

[21]Mathé, Roger, L’aventure, d’Hérodote à Malraux, Paris, Bordas, 1972, p. 17.

[22]Ibid., p. 14.

[23]Ibid., p. 14.

[24]Ternon, Yves, « Penser, classer, exclure. Origine du racisme biologique », Revue d'Histoire de la Shoah, vol. 183, no 2, 2005, p. 21.

[25]Bibeau, Gilles, « Ne pas oublier Monsieur Kurtz, l’attrait de la sauvagerie », Anthropologie et sociétés, vol 34, no3, 2010, p.121, p. 127, p. 126.

[26]Ibid., p. 18-19.

[27]Kawczak, Paul, « Le roman d’aventures littéraire de l’entre-guerre français, le jeu du rêve et de l’action », thèse de doctorat, Département d’études littéraires, Université du Québec à Chicoutimi et Université Franche-Comté, 2016, f. 211.

[28]Ibid., f. 210.

[29]Idem.

[30]Lanter, Judith Sarfati, « ‘All Europe contributed to the making of Kurtz’ : l’Europe en accusation dans Au Coeur des ténèbres de Joseph Conrad », Revue droit et littérature, no4, 2020, p. 252.

[31][31]Mongo-Mboussa, Boniface et Blaise Ndala, « Au cœur des ténèbres, une œuvre ambiguë, et discussion par Boniface Mongo Mboussa»,op.cit., p. 4.

[32]« Découvrir », Dictionnaire Antidote, en ligne, <shorturl.at/yFXY4>, consulté le 4 décembre 2021.

[33]Sartre, Jean-Paul, Huis clos suivi de Les mouches, Paris, Gallimard, coll. « folio », 2013 [1947], 247p.

[34]Peiretti-Courtis, Delphine, « Sauvagerie, édénisme ou érotisme ? Regards médicaux sur la nudité africaine (1780-1950) » loc. cit., p.46.

[35]Ibid., p. 60.

[36]Ibid.,p. 47.

[37]Névot, Aurélie, « Corps démembré – corps sacrifié ? Le « supplice chinois » lingchi / Dismembered Body – Sacrificed Body? The Chinese Lingchi “Ordeal” », Revue genevoise d’anthropologie et d’histoire des religions, vol. 9, no 1, 2014, p. 61‑78.

[38]Kawczak, Paul, « Le roman d’aventures littéraire de l’entre-guerre français, le jeu du rêve et de l’action »,op.cit., p. 275

[39] Henry, Natasha L., « Slavery abolition act », Britannica, [en ligne], https://www.britannica.com/topic/Slavery-Abolition-Act, consulté le 23 septembre 2022.