Melanie ou l'espoir perdu d'une anti-Lolita dans «Paradies: Hoffnung»

Melanie ou l'espoir perdu d'une anti-Lolita dans «Paradies: Hoffnung»

Soumis par Anais Clerc-Bedouet le 12/05/2014
Catégories: Erotisme

 

Dans son film Paradis: Espoir, tourné en 2011, le scénariste et réalisateur autrichien Ulrich Seidl raconte et met en scène l'histoire d'une adolescente de treize ans, Melanie, qui, alors qu'elle passe ses vacances dans un camp d'amaigrissement, tombe amoureuse du médecin diététicien, d'une quarantaine d'années son aîné.

L'idée de ce film est née de l'envie de raconter l'histoire d'une lolita, inspirée du roman éponyme de Vladimir Nabokov. Contrairement au roman, cette histoire, qu'Ulrich Seidl a co-écrite avec son épouse, Veronika Franz, tente d'offrir un point de vue féminin sur l'amour qu'une toute jeune femme porte à un homme bien plus âgé. Ce film propose alors un nouvel angle de vue sur le personnage de Lolita –incarné ici par Melanie– puisque son protagoniste est non pas l'homme qui s'éprend d'elle, mais la jeune fille elle-même.

Si l'on reprend les descriptions de la nymphette type –dont la Lolita créée par Nabokov est l'effigie– citées et analysées par les différents auteurs ayant contribué à ce dossier et résumées par Sébastion Hubier comme «cette très jeune fille au physique attirant, aux manières aguicheuses et à l’air faussement candide»1, aucune caractéristique physique ne permet de se figurer exactement à quoi elle ressemble, en dehors de sa jeunesse et de son attitude. Puisqu'elle est une invention typiquement occidentale, elle est généralement blanche de peau, mais peut tout aussi bien être blonde ou brune, grande ou petite, sexuellement formée ou pas, mince ou dodue: chaque homme possède sa propre vision de ce qui est «attirant» et «aguicheur». Car, oui, il s'agit bien là d'un regard purement masculin que celui des narrateurs auxquels Vladimir Nabokov, Gabriel García Márquez, Gabriel Matzneff ou encore Alfredo Bryce Echenique prêtent leurs voix2. La nymphette pourrait donc être en surpoids? Tout à fait! Ainsi la conçoit Ulrich Seidl.

Au-delà d'une histoire d'amour entre une toute jeune femme et un homme bien plus âgé, le réalisateur autrichien met en scène le processus de «lolitisation» de son personnage principal. En effet, Melanie, au début du film, n'a rien de la nymphette type telle que les hommes la conçoivent habituellement, mais elle en prend petit à petit les apparences. Tout porte à croire –pour reprendre une célèbre citation de Simone de Beauvoir– qu'on ne naît pas lolita, on le devient.

Nous analyserons donc dans un premier temps dans quelle mesure Melanie constitue une candidate éligible au lolitisme pour ensuite nous intéresser au processus de lolitisation auquel elle se conforme et, enfin, à l'attitude du médecin face à cette adolescente qui s'est éprise de lui.

 

Melanie, une candidate au lolitisme timide et complexée

Commençons par décrire notre personnage. Melanie est en surpoids. Pour Ulrich Seidl, qui considère qu'on ne devrait pas avoir peur des mots, elle est tout simplement grosse3. Ulrich Seidl dit lui trouver un visage tendre auquel son corps ne sied pas4. Un autre regard pourrait cependant la considérer comme appétissante, bien que, dans sa tenue vestimentaire, rien ne porte à croire qu'elle cherche à mettre en valeur ses rondeurs. En effet, elle ne met pas en avant sa féminité et n'est pas au fait de la mode: elle porte des baskets et des bermudas serrés à carreau en dessous de t-shirts imprimés informes. Le détail qui la rapproche peut-être le plus d'une lolita occidentale classique est sa blondeur, symbole d'innocence et de pureté, comme le montre Alexia Gassin dans ses travaux5.

Ce qui manque le plus à Melanie pour ressembler entièrement à une nymphette, c'est la volonté d'aguicher, de provoquer, cette «étrange vulgarité» dont Humbert caractérise Lolita dans le roman de Nabokov6. Melanie est légèrement timide et ne semble pas plus insolente que n'importe quelle jeune fille de son âge. Cette timidité peut être rapprochée de son inexpérience sexuelle. Dans le film, au cours d'une conversation avec sa nouvelle amie, Verena, Melanie confesse qu'elle n'a aucune expérience sexuelle et se montre curieuse envers celle de son amie. Tandis que Verena répond aux questions de Melanie et lui raconte ses propres expériences sexuelles, cette dernière affirme même trouver le sexe plutôt dégoûtant.7

Timide et inexpérimentée, telle est également l'actrice qui incarne le rôle et a donné son nom au personnage: Melanie Lenz. En choisissant Melanie Lenz pour le rôle principal, Ulrich Seidl s'est donc éloigné du personnage stéréotypé de Lolita, au point même, à ses yeux, de la délaisser:

Melanie Lenz –qui a joué ce rôle– n'avait pas eu d'expériences sexuelles et était également plutôt timide. Et son amie, Verena, elle est différente; donc, c'est aussi devenu quelque chose de différent. Au final, ce n'est pas une histoire de lolita, mais ça l'était à l'origine.8

Une «histoire de lolita» qui n'en serait plus une? Ulrich Seidl ajoute:

Melanie a d'abord été pensée autrement. Elle était une jeune fille consciente de sa sexualité et qui suscite elle-même l'excitation, comme Lolita. Et avec moi, c'est toujours comme ça: à cause du casting et de la distribution, les rôles changent. Le plus important, c'est qu'au casting, on ait quelqu'un dont on est entièrement convaincu que c'est la meilleure distribution. Et si elle a un autre caractère, alors on doit penser un peu autrement.9

Pour résumer donc: l'actrice qui a plu au réalisateur n'est pas une séductrice sûre d'elle et déjà expérimentée donc le personnage qu'elle incarne ne l'est pas non plus. Au contraire d'une «vraie» lolita, Melanie est complexée par son physique et ne considère pas son poids comme un potentiel atout. Elle aimerait plaire au médecin dont elle est amoureuse, mais présuppose que son surpoids l'en empêche. Ne comprenant pas la distance que met parfois le médecin entre elle et lui, elle n’évoque pas le fait que cette distance puisse être due à son jeune âge.

Verena: Warum glaubst du, dass er dich nicht mag?
Melanie: Ich weiss nicht. Vielleicht findet er mich nicht hübsch oder so.
V.: Du bist voll hübsch!
M.: Aber er findet mich bestimmt zu dick und so.
V.: So ein Blödsinn!
M.: Na, sicher!
V.: Na, überhaupt nicht!10
 

Verena, c'est elle, la «vraie» Lolita. De trois ans l'aînée de Melanie –seize ans–, mais toujours adolescente, elle a vécu des expériences sexuelles avec plusieurs garçons. Plus séduisante dans sa tenue vestimentaire et consciente que certains hommes aiment les rondeurs, elle porte des vêtements moulants afin de souligner ses rondeurs. La nouvelle amie de Melanie, dont le prénom a également été emprunté à l'actrice qui l'incarne, Verena Lehbauer, est donc beaucoup plus proche du personnage de Lolita– bien que peut-être un peu trop âgée– telle que les différents auteurs de ce dossier la décrivent: consciente de son pouvoir de séduction et décomplexée. Ulrich Seidl parle d'elle en ces mots:

Verena, comme vous pouvez le voir dans la conversation au début du film, elle est déjà trop rebutée. Elle dit: «Les hommes sont des cochons.» Alors, quand on dit   et pense ce genre de chose, un amour comme ça ne peut plus voir le jour. Ou alors c'est une mauvaise condition de départ pour le rôle.11

«Un amour comme ça»: entendons un amour pur, naïf et innocent, dépourvu de toute perversion sexuelle. Pour coller davantage au personnage de Nabokov, Ulrich Seidl aurait pu distribuer les rôles autrement et choisir Verena dans le rôle de Lolita, mais sa «condition de départ» était de raconter une histoire d'amour et Verena, la «vraie» lolita, sûre d'elle et de son pouvoir de séduction, semble déjà condamnée à ne plus pouvoir aimer. Pour le réalisateur, une lolita ne peut vraiment aimer que si elle n'est pas consciente de son sex-appeal, ni des plaisirs et des déceptions que peuvent procurer les rapports sexuels. Lolita n'aime pas. Ou ne sait plus aimer. Le mépris pour les hommes s'est emparé d'elle. Elle ne se pose pas –ou plus– de questions sur son physique: elle sait qu'elle séduit et n'en doute pas.

Lorsqu'on demande au réalisateur pourquoi, concrètement, son choix s'est finalement porté sur Melanie, il répond qu'elle est plus captivante («spannender»). À nous de trouver ce qu'elle a donc de plus captivant que Verena ou que la Lolita de Nabokov. Scénaristiquement, la lolita déjà «accomplie» est figée dans le temps, réfractaire à un quelconque changement qui pourrait mener le personnage d'un point A à un point B. Les protagonistes, par définition, se doivent de changer et le caractère de Melanie laisse suffisamment de place à une évolution. A priori, Melanie serait donc plus intéressante, car vierge et complexée, donc pure et innocente. Naïve, elle ne se demande jamais s'il l'homme qu'elle aime ne la trouve pas trop jeune, mais plutôt s'il la trouve trop grosse. Elle ne voit pas où est le mal et ne comprend ni l'attirance ni la répulsion que manifeste tour à tour le médecin à son égard. Mais Melanie ne restera pas innocente et effarouchée bien longtemps: amoureuse, elle ne demande qu'à séduire et à se défaire de ses complexes. Elle est prête à devenir une lolita. Quels effets auront donc l'influence de son amie et le désir du médecin sur sa timidité, sa naïveté et son innocence?

 

Melanie, la lolitisation d'une adolescente innocente

La non-expérience de Melanie implique une certaine innocence et une grande naïveté à l'égard de l'homme qu'elle aime, mais aussi, de manière générale, dans sa conception de l'amour. Lorsque Verena affirme que les hommes ne pensent qu'au sexe et sont tous des «cochons», Melanie ne se résigne pas à lui donner raison. Elle concède que beaucoup d'hommes sont comme ça, mais pas tous.12 Cette innocence et cette naïveté non feintes la rendent intouchable: seules les vierges sont innocentes et celui qui oserait mettre fin à cette virginité se rendrait automatiquement coupable.

Ainsi, selon Ulrich Seidl, le personnage de Melanie est plus intéressant, car, de par sa nature inexpérimentée, il permet de raconter une histoire d'amour qui n'aurait pu avoir lieu si la jeune femme avait déjà vécu des rapports sexuels et peut-être encore moins si elle avait fait l'expérience du plaisir sexuel. Pour Ulrich Seidl, l'acte sexuel aurait rendu Melanie trop sûre d'elle et extravertie: elle aurait su à quoi s'attendre et aurait donc été pleinement consentante puisqu'elle aurait séduit le médecin en connaissance de cause.

Si le médecin avait alors cédé au désir flagrant de la jeune femme, elle en aurait donc été partiellement coupable et le spectateur aurait pu comprendre qu'il ait cédé à la tentation: faute partagée à moitié pardonnée.

Une séquence permet de capter le regard rempli d'un désir croissant que le médecin porte sur cette toute jeune femme: celle de la piscine dans le premier tiers du film13. Les adolescents nagent, en file indienne. Puisqu'ils sont à la piscine, ils portent des maillots de bain. Celui de Melanie est un bikini rose, deux pièces, qui dévoile presque entièrement son corps. Le médecin les suit des yeux, depuis le bord de la piscine: il ne semble pas regarder Melanie en particulier. En sortant de l’eau pour se rendre dans les vestiaires, Melanie passe devant le médecin et le regarde. Il ne lui rend pas son regard et continue à regarder droit devant lui jusqu’à ce qu’elle soit partie; il tourne alors la tête dans sa direction. Dans le plan suivant, dans les vestiaires, il passe à côté d'elle au moment où elle se sèche les cheveux, en bikini, debout sous le sèche-cheveux. Il s'arrête un bref instant devant elle et la regarde, comme fasciné. Elle lui rend son regard. Il sourit. Elle remet alors ses cheveux en ordre, un geste furtif qui, pour la première fois dans le film, montre qu'elle se sait désirée.

Après cet échange de regards à la piscine, l’attitude de Melanie change et elle se montre de plus en plus entreprenante. Lors d’une nouvelle visite dans le cabinet du médecin, elle prend le temps de se maquiller dans la salle de bain.14 Parce qu'elle veut plaire à tout prix, Melanie se transforme donc petit à petit en Lolita. Selon le terme employé par le sociologue Michel Fize dans «Les nouvelles adolescentes», elle se lolitise15. Au départ pudique et complexée, Melanie apprend à prendre soin d'elle et à prendre plaisir à se regarder. Le regard de plus en plus captivé du médecin ne lui échappe pas et les compliments de son amie l'encouragent à se dévoiler et à se dépasser en adoptant une attitude de plus en plus assurée et séduisante.

En se maquillant pour séduire, Melanie se conforme à l’idée dominante selon laquelle les hommes sont plus sensibles aux femmes coquettes et fardées. Nous rejoignons donc l'affirmation de Sébastien Hubier, dans son article «Petites madonnes perverses», publié dans ce dossier:

Deux préceptes parcourent [...] les œuvres: d’abord, la petite madone perverse cherche à se plaire pour mieux plaire. Ensuite, elle n’a pas de représentation, elle est les représentations que l’idéologie lui prescrit – et cela ne compte pas pour rien dans la fascination qu’elle exerce. Il est significatif à cet égard qu’elle soit au centre de ce double processus d’identification et de projection qui est le rouage majeur de la société mass médiatique de consommation: d’une part, absolument perméable aux idéologies dominantes, elle absorbe tout ce qui est smart, ce qui est en vogue; en foi de quoi une grande partie de son charme est très souvent rattachée par les personnages et les narrateurs à une certaine congruence, obtuse, à la mode.16

Cette «idéologie prescrite» se retrouve parfaitement dans les conseils de Verena. Tandis que sa complicité avec Verena et son amour pour le médecin grandissent, Melanie apprend de plus en plus à séduire. Elle est même poussée par Verena à prendre des initiatives. Les leçons de Verena n'invitent à aucune objection: si Melanie veut plaire, elle doit d'abord se plaire à elle-même et adopter un look plus à la mode.

Verena: Tu sais, je crois que tu devrais un peu plus… T’arranger.
Melanie: Hm?
V.: En te stylant les cheveux et… heu, avec d’autres vêtements, et tout.
M.: Hm.
V.: Si tu veux, je peux te filer une jupe ou un truc comme ça.
M.: D’accord, merci.17
 

Au cours de cette même conversation, Verena demande à Melanie ce qu’elle souhaite faire avec le médecin:

Verena: Qu’est-ce que tu veux faire avec lui?
Melanie: Je sais pas. La dernière fois, je voulais le prendre dans mes bras, mais après je n’ai pas osé.18
 

Lors d'une excursion près d'un lac, la jeune femme –une nouvelle fois en bikini et nonchalamment enveloppée dans une serviette de bain– quitte le groupe d'adolescents et s'engage dans un sentier qui mène en forêt, invitant par son regard le médecin à la suivre. S'ensuit une véritablement scène de chasse en forêt durant laquelle le médecin –vêtu uniquement d'un caleçon de bain– est filmé tel un prédateur poursuivant sa proie. Celle-ci s'arrête au pied d'un arbre. Il la rejoint. Ils se regardent. Elle l’entoure de ses bras en collant son visage contre son torse. Ses gestes sont lents. Il se laisse faire. Puis pose sa main contre sa tête. Ils restent ainsi sans bouger, en silence. Et cela ne va pas plus loin. Melanie, en tant que vierge innocente, ne semble pas pouvoir –ou savoir?– prendre une initiative sexuellement plus audacieuse. Elle cherche la tendresse, l'affection, la douceur et a obtenu ce qu'elle voulait. Le médecin en reste pétrifié.19

Dès lors qu’elle a obtenu ce qu’elle voulait –prendre le médecin dans ses bras–, Melanie n'est plus la même: pour elle, sa relation amoureuse avec le médecin est désormais un fait établi. Plus assurée, elle ose affronter le médecin en l'attendant, adossée à sa voiture. Lorsqu'il arrive à sa voiture après sa journée de travail, il l'ignore, entre dans son véhicule et démarre tandis qu'elle tente de l'empêcher de partir. Restée seule, Melanie semble ne pas comprendre le rejet de son amour.20

La lolitisation de Melanie et son apprentissage de la séduction atteignent leur paroxysme lorsque les deux amies font le mur et sortent en discothèque en pleine nuit. Verena prête des talons et une mini-jupe à Melanie: ces deux éléments érotisent son corps et ont pour but de la rendre désirable et sexy aux yeux des hommes. Alors qu'elles dansent sur la piste, deux jeunes hommes, visiblement majeurs, les observent et commentent:

Jeune homme 1: Celle-là, elle me plaît.
Jeune homme 2: Laquelle?
JH1: La blonde. Elle est incroyable. Elle est ce qu’il y a de mieux ce soir. De toute façon, y’avait presque personne, hein?
JH2: Tu aimes bien les grosses?
JH1: Ben oui, ça change, non?
JH2: Ah ça oui.
JH1: Ouais, complètement.
JH2: En fait, je dois avouer: elle a quelque chose, la blonde.
JH1: Ben oui, elle est franchement pas mal en fait. Quoique la…
JH2: Et l’autre?
JH1: Elle, c’est un ballon de baudruche, en bas. Regarde-moi ça!
[…]
JH1: Tu sais quoi? J’ai une vision, là! Là tout de suite, j’y vais, je la prends et je lui croque la graisse du cul jusqu’à ce qu’elle perde connaissance.
JH2: Alors vas-y!
JH1: Nan, mais vraiment, je vais le faire! […] Mec, Regarde-moi ça! Regarde comme elle bouge! Excellent! C’est quoi, ça? Le mouvement des vagues? Ca m’excite encore plus!
JH2: Des grosses vagues, hein? Mais vas-y!
JH1: Oui, des grosses vagues! Vraiment… Psssch!
JH2: Allez, vas-y!
JH1: Tu crois que j’ose pas?
JH2: Non.
JH1: Bien sûr que j’ose!
JH2: D’accord, alors vas-y! 21
 

Ce dialogue permet à Ulrich Seidl d’exprimer pour la première et dernière fois dans le film qu’une jeune femme en surpoids peut être attirante et sexy. Il attribue ces commentaires à  un jeune homme, certes majeur, mais qui semble immature et irresponsable. À aucun moment, il ne se pose la question de l’âge des deux fugueuses. Sur les encouragements de son ami, il rejoint Melanie qui se prend au jeu de la séduction en s'abandonnant, ivre et inconsciente, dans les bras du jeune homme qui danse avec elle, l’emmène dans un recoin et se met à la déshabiller, filmé par son ami. Les deux hommes sont alors arrêtés net et mis dehors par le gérant du local qui appelle le médecin afin qu'il vienne chercher Melanie, alors profondément endormie.

En discothèque, Melanie a enfin réuni tous les attributs de la lolita: elle est vêtue de manière provocante, prête à séduire, plus sûre d'elle-même. Or, ces attributs ne suffisent pas. L'achèvement du processus de lolitisation repose désormais entièrement entre les mains de l'homme sur lequel elle a jeté son dévolu.

 

Melanie, une lolita repoussée

Qui est donc l'homme sur lequel Melanie a jeté son dévolu? Comment répond-il à son engouement? Reprenons une citation de Nabokov à propos du regard que porte le personnage d'Humbert sur Lolita:

C'est l'imagination du triste satyre qui fait une créature magique de cette petite écolière américaine, aussi banale et normale dans son genre que le poète manqué Humbert l'est dans le sien. En-dehors du regard maniaque de Monsieur Humbert, il  n'y a pas de nymphette. Lolita la nymphette n'existe qu'à travers la hantise qui détruit Humbert.22

Le «triste satyre» de Paradis: Espoir, c'est le médecin. Apparemment intrigué par Melanie dès sa première consultation individuelle dans son cabinet, c'est lui qui instaure le jeu, qui la séduit, en lui faisant écouter son cœur, en blaguant et en rapprochant son visage du sien23. Il semble instaurer cette complicité par envie de détendre l'atmosphère, de s'amuser, sans se douter des conséquences et de l'ampleur que ce jeu prendra par la suite dans l'esprit de sa patiente. C'est donc lui qui est à l'origine de la lolitisation de Melanie sans pour autant en avoir –ni explicitement, ni implicitement– exprimé le souhait.

Après plusieurs visites de Melanie à son cabinet, le jeu semble dépasser le médecin lorsque cette dernière s’assied à côté de lui, dans le noir, au fond de la salle de projection dans laquelle sont réunis tous les adolescents. Melanie laisse déborder son amour en posant sa tête contre l’épaule du médecin qui, après une brève hésitation, se décale d’un siège.24 Cette action marque de début de la lutte que le médecin entame avec lui-même pour résister à la tentation de répondre aux avances de plus en plus assurées de Melanie. Comme Humbert dans le roman de Nabokov, il se retranche alors derrière une figure paternelle, autoritaire. Ce rôle, il l'endosse, lorsqu'il en a l'occasion, publiquement, jusqu'à humilier Melanie en entrant dans la chambre qu'elle partage avec trois autres filles, tard le soir, afin de leur ordonner de cesser leur vacarme et d'aller se coucher.25 Melanie est alors renvoyée à son statut d'enfant qui doit se soumettre à l'autorité de l'adulte.

Dans sa mise en scène, Ulrich Seidl a fait le choix de ne presque jamais quitter le personnage de Melanie. À deux exceptions près, il ne suit jamais les activités du médecin en dehors des moments passés auprès de la jeune femme: le film n'entre donc presque jamais dans l'intimité du personnage masculin. Pour montrer le combat intérieur du médecin, Ulrich Seidl déroge deux fois à son choix de mise en scène exclusif en suivant l'homme en l'absence de la jeune femme. Dans un premier temps, il le montre seul au milieu de la chambre de Melanie. Son attitude est alors sans équivoque: il fouille dans les affaires de Melanie et déplie une de ses petites culottes.26 Cette scène suit la scène de «chasse» en forêt à l’issue de laquelle Melanie a obtenu une étreinte avec le médecin. Cette étreinte l’a donc troublé et le tiraille. Dans un deuxième temps, Ulrich Seidl le filme seul dans son cabinet: le médecin boit un verre de whisky en fumant. Cette scène fait suite à l’affrontement silencieux entre le médecin et Melanie autour de la voiture. L’homme est perturbé par la situation, dépassé. En sortant, Melanie l’attend une nouvelle fois devant son cabinet. Il passe à côté d’elle, la regarde puis part sans lui avoir adressé la parole.27

Lorsque le médecin va chercher Melanie à la discothèque et qu'il l'emmène dans sa voiture, le cap est passé: Melanie a perdu une part de son innocence, elle est devenue vulgaire et aguicheuse. La scène qui suit rappelle sans conteste la scène entre Humbert et Lolita à l'hôtel Enchanted Hunter.28 Melanie est profondément endormie à l'arrière de la voiture et le médecin l'observe. Son désir semble monter. Il entre dans un petit chemin et gare sa voiture dans un bois, à l’abri des regards. Telle une princesse, il allonge Melanie sur un lit de mousse, s'agenouille à ses côtés et se met à la renifler. Puis il s'allonge à côté d'elle sans avoir abusé de son corps.29

L'odeur: un argument implacable. Elle renvoie à l'attirance irrépressible engendrée par les phéromones. L'odeur et, par extension, les phéromones de Melanie seraient donc à l'origine du désir éprouvé par le médecin. C'est un phénomène naturel, qui n'a rien à voir avec l'apparence physique de la personne désirée. Le médecin n'y est pour rien s'il est attiré par l'odeur de cette toute jeune femme: c'est un phénomène physiologique plus fort que lui. Seules sa force morale et sa détermination peuvent lui permettre de résister à cet écueil.

La décision du médecin sonne la fin du film. En silence, il entre dans la chambrée de filles et fait signe aux camarades de Melanie de sortir. Seul avec la jeune femme, il lui ordonne sèchement de ne plus venir le voir dans son cabinet.

Médecin: Melanie, tu ne viens plus me voir. Tu ne… m’attendras pas. Tu ne me suivras pas, ne me regarderas plus. Tu ne parleras plus avec moi. C’est clair?
Melanie: Pourquoi?
[Melanie se lève, se place devant le médecin, caresse ses cheveux et sa joue, puis l’entoure de ses bras et pose sa tête contre son épaule.]
Melanie: Pourquoi?
[Le médecin la repousse et part.]
Médecin: Parce que c'est ainsi. 30
 

«Parce que c'est ainsi»: le devoir moral du médecin envers sa jeune patiente a pris le dessus sur son désir. Mais s'il veut pouvoir continuer de résister à son pouvoir de séduction alors il semble n'exister qu'une solution: ne plus la voir. Et cette responsabilité, il la remet entre ses mains à elle. C'est à elle d'obéir, de réfréner ses désirs pour eux deux et non à lui de tenter de résoudre la situation par une discussion ou quelque autre solution dont il serait l'initiateur. Dans la scène suivante, Melanie est attablée parmi les autres. Personne ne parle. Ils portent tous les mêmes vêtements. Melanie se fond à nouveau dans la masse. Elle est redevenue transparente, au même titre que les autres. Plus de trace de la lolita qu'elle était à peine devenue. Tout porte à croire qu'elle obéira et que son histoire avec le médecin est bel et bien terminée. Une lolita qui se soumet perd ses pouvoirs. Une lolita à laquelle il est possible de résister n'est en fait pas vraiment une lolita.

Au fond, la jeune fille peut toujours avoir l'apparence d'une lolita, elle n'en est une que si un regard masculin la conforte dans son lolitisme. Au contraire, une jeune fille peut ne rien avoir d'une lolita, mais être désirée comme telle. Tout compte fait, on n'a pas besoin d'être perverse et séduisante pour être lolita, il suffit d'être perçue comme telle. Lolita devient vulgaire aux yeux de l'homme parce qu'il attend d'elle qu'elle le devienne. Parce qu'elle perd son innocence en prenant conscience de son pouvoir de séduction. Si elle le séduit, c'est qu'elle est consentante: la faute est alors partagée. Mais si elle ne le séduit pas, l’homme aimé apparaît comme vertueux et le processus de lolitisation est avorté.

 

Conclusion: Melanie, une anti-Lolita

Le film s'intitule Paradis: Espoir. Mais ou est le Paradis promis par le titre et quel espoir peut-on trouver dans l'histoire de cette jeune femme en surpoids, mal aimée et finalement rejetée?

Ulrich Seidl a grandi dans une famille très catholique et ses films sont imprégnés de questions liées à la religion. Les termes Paradis et Espoir revêtent donc une connotation chrétienne tout comme les mots Amour et Foi que l'on trouve dans les titres respectifs des deux premiers films de la trilogie Paradis. Melanie, personnage principal du troisième volet, est la fille de la protagoniste du premier volet –Amour– et la nièce de celle du deuxième volet –Foi. Tandis que sa mère, guidée par son besoin d'amour, couche avec des prostitués africains au Kenya et que sa tante, guidée par la foi, part prêcher la bonne parole dans les foyers démunis des quartiers pauvres autrichiens, Melanie semble représenter l'espoir. Or Lolita est symbole de décadence, de péché, de fruit défendu. C'est en cela que Melanie constitue une anti-Lolita.

Le titre donné au film ouvre la porte à une interprétation qui dévoile la conception qu'a Ulrich Seidl de la religion chrétienne: l'enfance est une sorte de paradis tant qu'il est préservé de la sexualité. Dans ce paradis, la virginité est donc garante de la paix, comme pour Adam et Ève dans la Bible. Or Adam et Ève sont tous deux innocents au moment où ils commettent le péché originel et sont donc exclus ensemble du paradis. Dans le cas de Melanie, ce sont des influences extérieures au paradis de l'enfance qui la poussent vers le péché originel. En effet, Verena et le médecin savent tous deux à quoi ressemble la vie lorsqu'on a quitté l'enfance: le péché du médecin, s'il ne résistait pas au fruit défendu que lui tend Melanie, serait donc encore plus impardonnable.

Pourtant, l'attirance du médecin pour cette toute jeune femme est naturelle, justifiable par un raisonnement scientifique. Résister à la nature, aux pulsions, aux envies sexuelles, devient alors un devoir à la fois légal et moral. Puisque c'est un phénomène biologique, nul besoin d'être pervers, voyeur et calculateur pour être attiré sexuellement par une adolescente, par une jeune femme en devenir bien trop jeune pour perdre son innocence. Cela pourrait arriver à n'importe quel homme. Il est donc possible, même en étant un homme «normal», de tomber amoureux d'une jeune fille légalement et moralement intouchable. Seules la raison et la maturité permettent de résister à la tentation. Ulrich Seidl l'explique ainsi:

Ce qui m'intéresse [dans cette histoire], c'est le fait que c'est comme ça: qu'on peut tout à fait, en tant qu'homme, tomber amoureux d'une jeune fille mineure et la désirer sexuellement. Et qu'il faut l'admettre, que c'est comme ça. Bien sûr, il est également question du fait que c'est tabouisé. C'est tabouisé. Cela n'a pas le droit d'exister. Si un homme avoue cela, il est déjà "out". Il est déjà un demi criminel. Et je trouve qu'on doit pouvoir admettre les choses parce qu'elles sont inéluctables. La question est donc plutôt: que faire de ça? C'est alors qu'agissent la raison et la morale; ce qui fait de nous des humains. Nous devons en effet constamment gérer nos pulsions. Et c'est ça le truc: le fait qu'on doit décider d'aller contre, tout en sachant que ça peut exister. C'est ça qui m'intéresse dans ce thème.31

Cette explication n'est pas sans rappeler le plaidoyer de Humbert, dans Lolita de Nabokov:

Mesdames et messieurs les jurés, la majorité des pervers sexuels qui brûlent d’avoir avec une gamine quelque relation physique palpitante capable de les faire gémir de plaisir, sans aller nécessairement jusqu’au coït, sont des êtres insignifiants, inadéquats, passifs, timorés, qui demandent seulement à la société de leur permettre de poursuivre leurs activités pratiquement inoffensives, prétendument aberrantes, de se livrer en toute intimité à leurs petites perversions sexuelles brûlantes et moites sans que la police et la société ne leur tombent dessus. Nous ne sommes pas des monstres sexuels! Nous ne violons pas comme le font ces braves soldats. Nous sommes des hommes infortunés et doux, aux yeux de chien battu, suffisamment intégrés socialement pour maîtriser nos pulsions en présence des adultes, mais prêts à sacrifier des années et des années de notre vie pour pouvoir toucher une nymphette ne serait-ce qu’une seule fois. Nous ne sommes pas des tueurs, assurément. Les poètes ne tuent point.32

Plus que les sentiments de la jeune fille, c'est donc le combat intérieur de l'homme qui intéresse Ulrich Seidl. Même si la caméra est braquée sur Melanie, l'histoire qu'il raconte constitue –comme le roman de Nabokov– une sorte de plaidoyer visant à déculpabiliser l'homme qui, malencontreusement, désire ardemment une lolita. Un film qui se termine sans espoir pour Melanie s'apparente finalement à une histoire pleine d'espoir pour Ulrich Seidl et pour la gente masculine. Ulrich Seidl montre que tous les hommes ne sont pas comme le Humbert de Nabokov: s'il est possible de comprendre les sentiments et le désir du nympholepte, il est cependant possible de résister à la tentation, de prendre le dessus sur ses pulsions et de rester honnête, digne envers soi-même et la morale. Ulrich Seidl donne donc tort à Verena: tous les hommes ne sont pas des «cochons». Or pour Melanie, cette résistance n'est pas perçue comme une victoire de la raison sur les pulsions sexuelles, mais plutôt comme une preuve de désamour et de désintérêt.

La désillusion de la toute jeune femme renvoie à la situation de départ du Bildungsroman telle que la définit Jürgen Jacobs: «La rupture entre l'âme remplie d'idéal et la réalité qui s'y oppose constitue un problème existentiel pour le héros et se doit, à la fin, d'être surmontée.»33 Paradis: Espoir s'arrête donc là où commencerait l'intrigue d'un roman d'apprentissage. Maintenant que Melanie a pris conscience de son pouvoir de séduction et de ses désirs sexuels naissants, comment fera-t-elle pour vivre une sexualité épanouie et, comme le suggère Sébastien Hubier, «apprendre à connaître son corps pour le mieux maîtriser et mieux en jouir»?34

Cette suite pourrait répondre à l'appel de la chercheuse en littérature et spécialiste du féminisme Linda Kauffman «Is there a woman in the text?»35 en cessant de considérer l'homme comme une victime de ses pulsions et redonner au personnage incarnant une lolita son droit au désir et à l'amour: Melanie est-elle obligatoirement condamnée à ne plus aimer, comme son amie Verena, dès lors qu'elle aura vécu ses premiers émois sexuels? Ou peut-on imaginer une histoire dans laquelle l'adolescente lolitisée peut réellement tomber amoureuse d'un homme plus âgé et agir sans autre objectif que d'être aimée de lui en retour? Si les hommes ne sont pas tous des «cochons», pourquoi ne pourraient-ils pas faire changer d'avis une jeune femme qui le pense?

 

Sources

 

Film étudié:

SEIDL, Ulrich, Paradies: Hoffnung, Autriche / Allemagne, 2012, 88 min. DVD édité par good!movies (Berlin, 2013).

 

Entretiens avec Ulrich Seidl (sélection):

CLERC-BEDOUET, Anaïs, entretien non publié avec Ulrich Seidl, Strasbourg, 16 novembre 2013.

Entretien disponible sous forme audio et / ou retranscription sur demande à l’auteur.

MIEDL, Magdalena, Salzburger Nachrichten, «"Paradies: Hoffnung" im grotesken Diätcamp», 12 mars 2013.

SCHIEFER, Karin, entretien avec Ulrich Seidl pour l'Austrian Film Commission: «Paradis: Hoffnung – Ein Interview mit Ulrich Seidl», janvier 2013.

En ligne: http://www.afc.at/jart/prj3/afc/main.jart?rel=de&reserve-mode=active&content-id=1164272180506&tid=1353483053117&artikel_id=1353483053080

 

Vladimir Nabokov:

NABOKOV, Vladimir (préface, introduction et notes d'Alfred Appel Jr), The Annotated Lolita: Revised and Updated, London: Penguin Books, 1991, 457 p.

Vladimir Nabokov interrogé par Bernard Pivot dans l’émission "Apostrophes", diffusée le 30 mai 1975 sur Antenne 2, 01 h. 01 min. 35 s. Vidéo disponible sur commande sur le site de l’Ina.fr

 

Ouvrages cités

BOUCHINDOMME, Marie-Camille, GRÜNBERG, Tristan, dir., Blondes mythiques, Représentation de la blondeur dans les arts, Paris: Éditions du Murmure, 2012, 280 p.

BLOOM, Harold, dir., Lolita, New York: Chelsea House, 1993, 206 p.

FIZE, Michel, Les nouvelles adolescentes, Paris: Armand Colin, 2010, 160 p.

JACOBS, Jürgen, Wilhelm Meister und seine Brüder. Untersuchungen zum deutschen Bildungsroman, Munich: Wilhelm Fink Verlag, 1972, 332 p.

 

 

  • 1. Sébastien Hubier, «Petites madonnes perverses», in: LOLITA, de Nabokov à la trashitude hypermoderne, mis en ligne le 18 octobre 2012, p. 3.
  • 2. Ces auteurs sont cités comme exemples dans les divers articles constituant ce dossier. Les œuvres de ces quatre auteurs dans lesquelles sont décrites des nymphettes sont: Lolita, de Vladimir Nabokov (1955), Mémoire de mes putains tristes, de Gabriel García Márquez (1982), Voici venir le Fiancé, de Gabriel Matzneff (2006) et Noctambulisme aggravé, d'Alfredo Bryce Echenique (1999).
  • 3. Voici ce qu'affirme Ulrich Seidl dans un entretien avec Magdalena Miedl pour le journal Salzburger Nachrichten: «Politische Korrektheit ist in meinen Augen eine Entwicklung, die vieles pervertiert. Ein dickes Mädchen ist ein dickes Mädchen. Warum soll das abwertend sein? Es ist doch nicht besser, wenn ich "übergewichtig" sage. So etwas sagt eher etwas über unsere Gesellschaft aus, die versucht, Dinge unter den Teppich zu kehren. So eine Haltung bedeutet: "Es darf keine dicken Kinder geben." Aber die gibt es, und zwar immer mehr.» Traduction de l'auteur: «Le politiquement correct est, à mes yeux, un cheminement qui pervertit beaucoup de choses. Une jeune fille grosse est une jeune fille grosse. Pourquoi devrait-ce être péjoratif? Ce n'est pourtant pas mieux quand je dis "en surpoids". Cela témoigne plutôt de notre société qui essaie de cacher les choses sous le tapis. Une position comme celle-ci signifie: "Les enfants gros n'ont pas le droit d'exister". Mais ils existent, et même de plus en plus.»
  • 4. Voici les mots prononcés par Ulrich Seidl dans un entretien avec Karin Schiefer pour l'Austrian Film Commission: «Auch Melanies Aussehen fand ich für ihre Rolle stimmig, ihr liebes Gesicht und dann ein Körper, der nicht dazu stimmt.» Traduction de l'auteur: «Même le physique de Melanie me semblait convenir parfaitement pour le rôle: son doux visage et puis son corps, qui ne lui correspond pas.»
  • 5. Alexia Gassin est intervenue sur le thème de «La représentation visuelle de Lolita: quand la blondeur domine» au cours des journées d'étude «"Les Hommes préfèrent les blondes": représentations de la blondeur dans les arts», organisées par l'association GRAVIDA à l'Université de la Sorbonne Nouvelle, Paris 3, les 16 et 17 janvier 2009. Voir également l'ouvrage collectif: Marie-Camille Bouchindomme et Tristan Grünberg, dir., Blondes mythiques, Représentation de la blondeur dans les arts, Paris: Éditions du Murmure, 2012, 280 p.
  • 6. Citation extraite de Lolita de Nabokov (The Annotated Lolita: Revised and Updated, 1991), p. 44: «What drives me insane is the twofold nature of this nymphet – of every nymphet, perhaps; this mixture in my Lolita of tender dreamy childishness and a kind of eerie vulgarity [...].» Traduction de Maurice Chevalier, dans la version française de Lolita, Gallimard, 2005, p. 89-90: «C’est l’ambivalence de cette nymphette - de toute nymphette, peut-être - qui me fait perdre la tête; ce mélange chez ma petite Lolita de puérilité tendre et rêveuse et de vulgarité troublante […].»
  • 7. Conversation entre Verena et Melanie, dans le lit de Melanie: 00’14’’16 – 00’15’’50
  • 8. Propos recueillis par l'auteur de cet article lors d'un entretien avec Ulrich Seidl le 16 novembre 2013, à Strasbourg. L'auteur a traduit personnellement cet entretien en essayant de rester le plus proche possible des propos du réalisateur, en respectant le langage parlé. Propos originaux: «Die Melanie Lenz – die das gespielt hat – hat keine sexuellen Erfahrungen gehabt und war auch eher schüchtern. Und ihre Freundin, die Verena, ist anders, und deswegen ist es auch anders geworden. Es ist im Endeffekt keine Lolita-Geschichte geworden, sondern es war ursprünglich so.»
  • 9. Entretien du 16 novembre 2013, à Strasbourg: «Die Melanie war auch damals anders gedacht. Sie war ein Mädchen, das sich seiner Sexualität schon bewusst ist, ja, die auch das einsetzt, die ihre Reize einsetzt, so wie Lolita ist. Bei mir ist es immer so, dass ich dann aufgrund des Castings dann, Möglichkeiten der Besetzung einer Rolle verändern sich Dinge. Und das Wichtigste ist, dass man dann in der Besetzung jemanden hat, wo man völlig überzeugt ist, dass es die beste Besetzung ist. Und wenn die aber einen anderen Charakter hat, dann muss man ein bisschen anders denken.»
  • 10. Conversation entre Verena et Melanie, dans le lit de Melanie: 00’40’’45 – 00’43’’12
  • 11. Entretien du 16 novembre 2013, à Strasbourg: «Die Verena, wie sie auch in dem Gespräch am Anfang des Films ja sehen, die ist schon zu sehr abgetörnt. Die sagt, Männer sind Schweine. Also, wenn man so etwas sagt und denkt, dann kann ja so eine Liebe nicht mehr entstehen. Oder ist es eine falsche Voraussetzung für die Rolle.»
  • 12. Conversation entre Verena et Melanie, dans le lit de Melanie: 00’12’’28 – 00’13’’40
  • 13. Scène du séchoir: 00’25’’06 – 00’25’’37
  • 14. Melanie se maquille: 00’31’’54 – 00’32’’14
  • 15. Michel Fize, Les nouvelles adolescentes, Paris: Armand Colin, 2010, 160 p.
  • 16. Sébastien Hubier, «Petites madonnes perverses», p. 6.
  • 17. Conversation entre Verena et Melanie, dans le lit de Melanie – 00’40’’45 – 00’43’’12:
    Verena: Nur weisst du, ich glaub du müsstest dich ein bissel… mehr herrichten.
    Melanie: Mmh?
    V.: So mit Haare aufstylen und… ähm, andere Klamotten, und so.
    M.: Mmh.
    V.: Ich kann dir, wenn du willst, einen Rock oder so borgen.
    M.: Gut, danke.
  • 18. Id.
Verena: Was willst du machen mit dem?
Melanie: Ich weiss nicht. Ich wollt ihn letztes Mal umarmen aber dann hab ich mich nicht getraut.
  • 19. Scène dans la forêt: 00’52’’54 – 00’57’’15
  • 20. Scène de l’attente près de la voiture: 00’59’’14 – 01’01’’22
  • 21. Scène en discothèque: 01’03’’28 – 01’13’’48 Dialogue original:
  • Jeune homme 1: Die gefällt mir.
    Jeune homme 2: Welche?
    JH1: Die Blonde. Ist ja unglaublich. Die ist die Beste für heute Nacht. War ja eh fast keiner da. Oder?
    JH2: Du stehst auf Dicke?
    JH1: Naja, ist ja mal was Neues, oder?
    JH2: Das schon.
    JH1: Naja, voll.
    JH2: Obwohl ich sagen muss: Die Blonde hat irgendwas.
    JH1: Naja, die ist schon gut eigentlich. Obwohl die…
    JH2: Und die Andere?
    JH1: Die ist ja ein Luftballon von unten. Schau sie dir an!
    […]
    JH1: Weisst du was? Jetzt habe ich eine Vision! Jetzt geh ich hin und nehm mir die und beiss ihr in ihr Arschfleisch, dass sie sich nicht mehr kennt.
    JH2: Dann geh!
    JH1: Nä aber wirklich, das mache ich! […] Mann, schau sie dir an! Schau, wie sie sich bewegt! Toll! Was ist das? Wellenlinien? Das turnt mich noch mehr an!
    JH2: Grosse Wellen, ja? Aber geh!
    JH1: Ja, grosse Wellen! So richtig… Psssch!
    JH2: Na, geh!
    JH1: Glaubst du, ich trau mich nicht?
    JH2: Nein.
    JH1: Na sicher trau ich mich!
    JH2: Ja, dann geh!
  • 22. Vladimir Nabokov interrogé par Bernard Pivot dans l’émission "Apostrophes", diffusée le 30 mai 1975 sur Antenne 2: 00’30’’29 – 00’31’’04 (Nabokov s’exprime en français.)
  • 23. Première scène dans le cabinet du médecin: 00’16’’17 – 00’18’’28
  • 24. Scène dans la salle de projection: 00’39’’40 – 00’40’’45
  • 25. Scène dans laquelle le médecin rétablit l’ordre dans la chambre de Melanie: 00’48’56 – 00’51’’04
  • 26. Scène du médecin, seul dans la chambre de Melanie: 00’57’50 – 00’59’’14
  • 27. Scène du médecin, seul dans son cabinet: 01’02’’01 – 01’03’’28
  • 28. Voir le chapitre 29 de Lolita de Nabokov: Lolita est endormie sur le lit tandis qu'Humbert s'allonge près d'elle, fou de désir, sans la toucher. Cette scène est ironiquement baptisée «La Petite Dormeuse ou l'Amant Ridicule» par le narrateur Humbert Humbert.
  • 29. Scène dans laquelle Melanie est endormie: 01’13’’48 – 01’18’’08
  • 30. Scène dans laquelle le médecin demande à Melanie de ne plus l’approcher: 01’20’’18 – 01’22’’22 Dialogue original:
  • Médecin: Melanie, du kommst nicht mehr zu mir. Du wirst… nicht auf mich warten. Du wirst mir nicht nachlaufen, wirst mich nicht mehr anschauen. Du wirst nicht mehr mit mir sprechen. Ist das klar?
    Melanie: Warum? […] Warum?
    Médecin: Weil es so ist.
  • 31. Entretien du 16 novembre 2013, à Strasbourg: «Was mich daran interessiert, ist doch die Tatsache, dass es so ist: Dass man sich durchaus als Mann in ein minderjähriges Mädchen verlieben kann und sie sexuell begehren kann. Und dass man das auch zugeben muss, dass es so ist. Und natürlich geht es dann darum, dass man, sozusagen, dass es tabuisiert. Dass es tabuisiert. Das darf es nicht geben. Wenn das ein Mann zugibt, ist er schon, steht er schon im „Out“. Ist schon ein halber Verbrecher. Und ich finde, man muss die Dinge zugeben können, weil sie sind naturgegeben. Die Frage ist ja viel mehr: was tut man damit? Also dann setzt die Vernunft ein, die Moral ein; das, was man als Mensch ist. Man muss ja ständig mit seinen Trieben umgehen. Und das ist die Sache, dass man sich eben dagegen entscheidet, wissend aber, dass das sein kann. Das ist das, was mich an dem Thema interessiert.»
  • 32. Texte original de Vladimir Nabokov, op. cit., p. 87-88: «Ladies and gentlemen of the jury, the majority of sex offenders that hanker for some throbbing, sweet-moaning, physical but not necessarily coital, relation with a girl-child, are innocuous, inadequate, passive, timid strangers who merely ask the community to allow them to pursue their practically harmless, so-called aberrant behavior, their little hot wet private acts of sexual deviation without the police and society cracking down upon them. We are no sex fiends! We do not rape as good soldiers do. We are unhappy, mild dog-eyed gentlemen, sufficiently well integrated to control our urge in the presence of adults, but ready to give years of life for one chance to touch a nymphet. Emphatically, no killers are we. Poets never kill.» (Traduction de Maurice Chevalier.)
  • 33. Jürgen Jacobs, Wilhelm Meister und seine Brüder. Untersuchungen zum deutschen Bildungsroman, Munich: Wilhelm Fink Verlag, 1972, p. 271: «Der Bruch zwischen idealerfüllter Seele und widerständiger Realität, der dem Helden zum existentiellen Problem wird, soll am Ende überwunden werden.»
  • 34. Sébastien Hubier, «Petites madonnes perverses», p. 8.
  • 35. Linda Kauffman, «Framing Lolita: Is There a Woman in the Text?», in: Harold Bloom, dir., Lolita, New York: Chelsea House, 1993, p. 149-168. Citons en particulier un extrait dans lequel Linda Kauffman déplore l'identification systématique des théoriciens de Lolita avec le personnage d'Humbert Humbert, p. 153-154: «[…] one could expect critics who read Lolita as a representation of real life to pay considerable attention to Lolita, but, in fact, few have imagined what her victimization is like. Instead, they identify with the sensations Humbert records about his body by uncritically adopting his viewpoint.» Traduction de l'auteur: «On pourrait attendre des critiques qui lisent Lolita comme une représentation de la vie réelle qu'ils accordent une attention considérable à Lolita, mais, en fait, très peu ont imaginé en quoi consistait sa victimisation. Au contraire, ils s'identifient avec les sensations dont Humbert témoigne à propos de son corps en adoptant sans esprit critique son point de vue.»