Penser les vidéos virales: Tequila Heineken et Bonne fête Kevin

Penser les vidéos virales: Tequila Heineken et Bonne fête Kevin

Soumis par Mathieu Bergeron le 17/09/2013
Catégories: Cyberespace, Numérique

 

Avec l’essor de YouTube vers 2005, on a assisté à l’émergence d’un nouvel objet culturel de masse: la vidéo virale. Si la vidéo virale semble d’emblée propre à la culture dominante américaine, son essor n’a pas épargné le Québec. Déjà, avec le Star Wars Kid, digne prétendant au titre d’ultime vidéo virale, la société québécoise esquissait le début d’une tradition qui passe par Yolande Ouellet («Où est-ce qu’il est, le p’tit bum?»), Philippe Hamelin («Excepté une fois au chalet»), Roger Normandin et sa femme Nadia Lafontaine à Denis Lévesque («maudit meurtrier sale/ maudit gibier de potence»), et maintes autres.

Étonnamment peu (voire pas) de littérature issue du Québec s’est penchée pour analyser ces phénomènes Internet, qui ont pourtant un impact considérable sur l’imaginaire collectif québécois. Aux États-Unis, certains penseurs des cultural studies ont commencé à en dégager les grands traits, cependant le Québec reste en retard. Pourtant, en cette heure où la virulence des clips atteint un paroxysme à faire rêver les plus ambitieux publicitaires, il apparaît pertinent de se pencher, à la manière de Tyler West dans Going viral: Factors that lead videos to become Internet phenomenon, sur les raisons pour lesquelles certaines capsules web deviennent virales alors que d’autres non. Parmi ces vidéos, retenons pour le présent article «Bonne fête Kevin» et «Tequila, Heineken, pas l’temps d’niaiser». Une comparaison de ces vidéos-phares du monde viral québécois permettrait d’en dégager les principales caractéristiques et d’ainsi approfondir les modalités de penser de la culture populaire.

Les contenus –l’humour, la symbolique, le langage– seront premièrement analysés et comparés. Dans un deuxième temps, nous nous pencherons sur la réception de ces œuvres et sur leurs méthodes de transmission. Finalement, leur récupération,  avec comme exemples-types la grève étudiante de 2012, les mix de DJ et la citation populaire, sera abordée.

West cite Burgess (2008) quand vient le temps de définir la vidéo virale :

a viral video is born when user-led distribution causes a clip to become wildly popular. Furthermore, she claims that a viral video must contain some element that appeals to the popular culture of the time. Usually, this element of pop culture appeals mainly to the younger generation.

Il analyse les plus grandes vidéos virales en fonction de neuf caractéristiques: «(…) Brevity, laughter, surprise, irony, and a short title, youth, talent, music, and minority presence.» Dans les cas qui nous occupent, nous savons déjà que le talent et la musique sont exclus. Qui plus est, talent et musique vont quelque peu à l’encontre de l’objet de cet article, qui vise à cibler les causes des phénomènes Internet, mais plus en particulier ceux qui semblent échapper à la logique. En ce sens, le talent et la musique, reposant sur des assises qualitatives bien balisées, répondent directement à la problématique: sera viral ce qui fascine par sa qualité. Pensons, par exemple, à Susan Boyle et Paul Potts, qui satisfont les critères musicaux et de talent, en plus de posséder l’élément-surprise. C’est en ce sens qu’on évacuera d’emblée ces deux caractéristiques de l’analyse puisqu’ils ne répondent pas à la problématique d’une notoriété en apparence injustifiable.

Pour ce qui est des titres et du temps de la vidéo, l’information nous est accessible: 3:59 pour Un mot pour Kevin, 0:45 pour Tequila, Heineken, pas l’temps de niaiser. Selon l’étude de West, un titre court comporte entre trois et quatre mots en moyenne, tandis que la tendance de durée des vidéos virales se situe autour de trois minutes. Ces deux catégories sont déjà transgressées, chacune par une vidéo différente: la durée de premier devrait être trop longue, le titre du second devrait être trop long. Il semble déjà possible d’affirmer que ces deux indices, bien que corrélatifs, ne sont pas causaux quant à la virulence des vidéos. Il faut indéniablement chercher ailleurs, et approfondir le contenu. Que reste-t-il des catégories de West? Le rire, la surprise, l’ironie, la jeunesse et la minorité ethnique.

Dans son ouvrage Comedy Writing Secrets, Melvin Helitzer, référant à la psychologue Patricia Keith-Spiegel, note huit théories expliquant le rire de l’être humain: celles de la surprise, de la supériorité, de la biologie, de l’incongruité, de l’ambivalence, du relâchement, de la configuration et de la psychanalyse. Toutes ces théories se recoupent vers une seule, celle de la supériorité.

La surprise fascine parce qu’elle va à l’encontre des attentes du spectateur. Se sachant dupé, ce dernier rit pour masquer son embarras. Il s’agit d’une des formes les plus populaires d’humour. Mais dans la duperie inhérente à la surprise se profile un rapport de supériorité entre le trompeur et le trompé; on rit alors pour masque notre infériorité. La théorie biologique du rire reprend également cette conception de supériorité: se moquer de quelqu’un, ce serait assouvir des instincts biologiques de domination dans une société où la violence physique n’est pas tolérée.

L’incongruité et l’ambivalence, pour leur part, sont par définition très près de l’ironie, laquelle est en soi une forme d’humour; la jeunesse et les minorités, érigées en tant que clichés, deviennent des sujets d’humour particulièrement préconisés. Les cinq points de West, à savoir le rire, la surprise, l’ironie, la jeunesse, et la minorité sociale, orbitent alors autour d’une même problématique: celle de l’humour. La vidéo virale est ainsi celle qui, si elle échoue à épater par son talent, parvient à trouver son salut dans le divertissement et le rire.

Or ce rire en est un de supériorité. Lorsqu’un bébé s’esclaffe sans raison apparente, comme dans nombre de vidéos sur YouTube, ou encore lorsqu’un chat agit selon des critères de bêtise, c’est notre propre supériorité qui nous conforte et nous fait rire. Ce rire égoïste et dominant apparaît être celui provoqué par les vidéos de Kevin et de Momo.

Un mot pour Kevin montre un groupe de jeunes adultes au lendemain de la fête du mentionné Kevin. Un homme anonyme, en possession d’une caméra, enjoint successivement chacune des personnes présentes à dire un petit mot pour Kevin. On parvient ainsi à savoir, au fil des souhaits de bonne fête, que Kevin a 24 ans et qu’il est portier. La décoration de la cour arrière est également marquante: partout, des éléments de décoration Molson Dry. Dans des coins opposés de la cour, une piscine ronde et un spa, où baignent quelques adultes. Sur le patio, on joue aux cartes.

La notion d’humour inhérente à la scène est loin d’être évidente; c’est cette abstraction qui mène plusieurs à remettre en cause la pertinence de la virulence de cette vidéo. Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’enjeu humoristique se situe à mi-chemin entre ce que les protagonistes disent et comment ils le disent. C’est à partir du langage qu’on accède à des représentations plus profondes de la scène qui se déroule.

La première phrase, en tant qu’incipit, exprime à merveille cette problématique du langage: «Eille dites toute [sic] un mot ostie pour Kevin câlice.» Le ton est assurément populaire, voire vulgaire. Les blasphèmes concordent avec les endroits où la ponctuation serait grammaticalement nécessaire. Ce n’est pas sans nous rappeler l’humoriste Mike Ward, qui blaguait précisément sur son franc-parler, précisant que pour lui, le sacre était comme de la ponctuation. Quiconque rit à cette blague de Mike Ward se reconnaît derechef dans l’humour de l’incipit. Inversement, ceux qui peinent à apprécier Mike Ward devraient être ceux qui, dès les premiers mots de la vidéo, se questionnent quant à la validité du phénomène. Quoi qu’il en soit, il y a un champ symbolique de l’humour blasphématoire déjà implanté au Québec, et dont Mike Ward est le principal archétype. Comme cet humoriste est définitivement consacré, la virulence du clip s’explique déjà plus facilement.

La première réponse à cette invitation de souligner l’anniversaire de Kevin est faite par un certain «Bédé»: «Kevin, bonne fête mon tabarnack. T’un esti de trou d’cul.» L’ironie est poussée à son paroxysme, dans sa toute-puissante vulgarité (vraisemblablement, ces insultes doivent être comprises comme des procédés d’antiphrase), et crée un effet comique. Mais un enjeu supplémentaire transparaît suite à ce premier dialogue: la figure du prolétaire, du sous-éduqué, du «B.S.», très empreinte dans l’imaginaire québécois, avec des téléséries telle que Les Bougon, avec les discours de penseurs néolibéraux qui les condamnent, etc. Or, cette sous-éducation, empirée dans un contexte de lendemain de veille, se confronte au bagage pédagogique du spectateur. En se dressant en tant que modèles du prolétariat, les protagonistes nous réconfortent en nous montrant que ce n’est pas nous qui disons cela, nous situant d’emblée au-dessus d’eux, même s’il est fort possible que nos réactions, dans un contexte semblable, aient été semblables, voire pires.

Puis vient la phrase centrale de cette vidéo, la notoire «Awaille Kevin ostie, continue comme ça! (Puis, en arrière-plan, mais en moindre importance) C’est d’même qu’on aime ça!» La mimique faciale de Claude Asselin (c’est son nom) est hilarante, et le phénomène de ponctuation-juron encore remarquable, cependant la rythmique de la séquence marque encore plus fortement l’esprit. Elle est constituée d’un hexamètre et d’un pentasyllabe: l’hexamètre est constitué de trois dissyllabes semblables à des iambes («Awaille Kevin ostie»), le pentasyllabe agit comme clausule, avec accents toniques mis sur les syllabes 3 et 5 («continue comme ça»).

Il s’agit là des principales caractéristiques de cette vidéo, et par le fait même celles qui expliquent avec le plus d’acuité sa virulence: le rire égoïste du spectateur qui visionne une bêtise qui n’est pas la sienne avec un sentiment de suprématie, et la candide authenticité d’un langage qui s’articule de manière à frapper l’auditeur. Toute la vidéo ne fait que reprendre ces deux processus, par exemple quand on annonce au caméraman que «[son] beau serpent, [on va lui] acheter dans deux semaines»,  quand une fille dans le bain tourbillon avec le Kevin (il existe!) mentionne que «la première fois que je l’ai rencontré, j’ai eu envie del’ frencher», et ainsi de suite.

Tequila, Heineken, pas le temps d’niaiser a été publiée en août 2012. Elle compte actuellement plus de 1 600 000 visionnements. Elle montre Momo, agent de sécurité, lors d’une entrevue au club Copacabana dans le cadre de l’événement Candy. Pour les raisons expliquées ci-haut, nous ne retiendrons que cinq éléments de la théorie de West: le rire, la surprise, l’ironie, la jeunesse et la minorité ethnique.

Minorité ethnique, Momo l’est. Il symbolise également un certain type de jeunesse adolescente, qui fréquente les boîtes de nuit, boivent et font la fête. Cela dit, ces éléments sont trop répandus parmi l’ensemble de vidéos pour expliquer le caractère viral. Il nous faut ici également nous pencher sur les éléments de rire, de surprise et d’ironie qui sous-tendent le discours du personnage.

Toute la portée de cette vidéo se trouve dans les premières paroles. Après que l’intervieweuse lui ait demandé si ça allait bien, Momo répond: «Tequila, Heineken, pas le temps d’niaiser.» Dans cette réponse se retrouvent l’incongruité et la surprise en tant qu’éléments comiques. Alors que le spectateur s’attend à une réponse du type «oui ou non»,  son horizon d’attente est brisé quand Momo énumère ce qu’il consomme, en plus de spécifier qu’il n’a «pas le temps de niaiser». Tout au long de l’entrevue, le personnage évite de regarder son interlocutrice, mimant une figure qui écoute attentivement de manière à répondre au plus de questions possible. À la question «Qu’est-ce que tu penses de l’événement?» il finit par répondre: «(…) mais moi là… moé là… je veux rajouter le dancehall à l’événement…avec des grouillades.» La reprise du terme «moi» dans un registre plus populaire, comme s’il s’agissait d’une épanorthose, est symptomatique d’un milieu populaire, comme l’est l’utilisation du terme grouillades (qui est un type de danse où les danseurs se collent lascivement l’un contre l’autre; en anglais, grinding).

Ici comme dans le cas de Kevin, une rhétorique spontanée fait surface dans l’acte d’énonciation: un décasyllabe traditionnel, avec hexamètre suivi d’un tétrasyllabe, est élaboré selon une séquence rythmique 3-3-4, avec accents sur les syllabes 3, 6, 8 et 10 (Tequila / Heineken / Pas l(e) temps d’niaiser). Le protagoniste de la vidéo fait preuve d’une étonnante naïveté créatrice dans l’élocution, le décasyllabe étant une formule éprouvée en poésie, et a tôt fait de nous rappeler les ballades poétiques du Moyen-Âge, de Victor Hugo, ou encore une pléthore de slogans publicitaires.

Parallèlement, de nombreux écarts langagiers rendent Momo risible: répétition abusive du terme «incroyab’» (avec la consonne finale [l] tronquée), huit fois le terme «là», souvent utilisé comme une ponctuation, ce qui lui donne un ratio d’un «là» aux 5,6 secondes («y’a de la femme partout là, mais moi là, moé là, (…), a’ec des grouillades là. (…) ça me fait bouger en tabarnack là. (…) je sais même pas quoi faire maintenant là (…). Copacabana c’est la place là, essaie pas de niaiser là.»).

Puis il y a cette scène finale, où l’interviewé finit par brandir ses souliers – des Clarks – en implorant la reportrice de les filmer, comme s’il s’agissait d’un objet de convoitise. Toute la vidéo s’avère en fait un lieu de publicité inusitée pour la tequila, Heineken, Clarks, Vybz Kartel, tant d’icônes de la culture de consommation contemporaine, desquels Momo se targue en quelque sorte d’être le digne représentant. L’humour de ce phénomène web réside ainsi dans l’association simultanée d’un personnage qui apparaît comme incapable de répondre à des questions simples, qui est le sujet d’une rhétorique énonciatrice frappante, et qui s’érige ridiculement en tant que symbole d’éléments issus de la culture de masse, donc accessibles à tous et sans originalité particulière. En ce sens, la ressemblance structurale des vidéos de Kevin et de Momo apparaît assez univoque.

Dans L’Esprit du temps, Edgar Morin expliquait qu’avec la venue de la société de loisirs, un jeu continuel d’identification et de projection se tramait entre les consommateurs et  les vedettes, que Morin qualifie d’Olympiens. Avec l’émergence de la vidéo virale, le cadre imaginaire de la projection de soi vers l’autre s’est vu remplacé par un cadre réaliste. Le consommateur moyen peut désormais accéder à l’Olympe des vedettes, pour autant qu’il réussisse à fournir à ses pairs un matériel susceptible de le propulser vers les plus hautes sphères. Bien souvent, dans ces vidéos, ce n’est pas le mortel qui aspire à devenir un héros: c’est le peuple qui observe l’action du mortel, qui la glorifie, la sanctifie, consacrant du coup le héros au rang de divinité.

Le Star Wars Kid n’a jamais souhaité se retrouver sur Internet. Il a fallu que ses camarades de classe, dans une action de moquerie gratuite, mettent la vidéo en ligne pour qu’il soit propulsé au rang de célébrité. La grande vedette d’Un mot pour Kevin est Claude Asselin, celui-là qui, quelque part en 2006, a énoncé «Awaille Kevin…»; il a fallu près de six ans pour que ses propos soient glorifiés. Momo n’a joué pratiquement aucun rôle dans sa montée vers le vedettariat. La célébrité est désormais une sphère démocratisée où le peuple peut décider (du moins en a-t-il l’impression) de ses Héros.

Peut-être serait-il plus juste de dire que les consommateurs décident des antihéros, c’est-à-dire des pairs qu’ils confrontent aux véritables Dieux, pour observer quand et comment se fera leur chute, et ainsi se réconforter en se disant que cette chute n’est pas la leur. De la même manière, il est aujourd’hui concevable de se poser comme nouvel Héraclès, de réussir les travaux nécessaires et d’ainsi assurer sa place au côté des vedettes.  Comme on a tué Dieu en se dissociant des mécanismes cléricaux, les sièges sont vacants: il faut les occuper, que ce soit par la dérision d’autrui ou par la promotion de soi.

Les manières qui permettent à Claude Asselin et à Momo d’accéder au Panthéon de YouTube sont symptomatiques de la société de masse contemporaine. Leur analyse montre que leurs principales caractéristiques sont celles d’un humour intrinsèque et involontaire qui repose sur la supériorité du tiers spectateur sur le protagoniste du clip, d’une naïveté langagière aussi enfantine que mémorable, et d’une appropriation d’éléments de la culture de masse comme symboles de fierté. Que la société de divertissement et de loisir valorise de tels traits n’a rien d’anodin: dans une telle société, ce qui importe, nous dit Morin, c’est le confort et le bien-être. Il est impératif de préserver le soi du mal physique ou psychologique.

Ainsi, la projection des situations ridicules vers autrui agit en tant que catharsis du peuple, qui se réjouit à l’idée que la bêtise lui soit étrangère. Si, par un concours de circonstances, on se retrouve pris en défaut d’idiotie, on peut toujours en rire et profiter d’un séjour éphémère au royaume des vedettes. Comme le mentionne Umberto Eco:

Et voici l’admirable inversion de paradigme à laquelle nous assistons: exit le personnage du comique brocardant le débile inoffensif, starisation du débile en personne, tout heureux d’exhiber sa propre débilité. Tout le monde est content: le gogol qui s’affiche, la chaîne qui fait du spectacle sans avoir à rétribuer un acteur, et nous qui pouvons à nouveau rire de la stupidité d’autrui, en satisfaisant notre sadisme. (...) Si l’idiot du village s’exhibe en jubilant, nous pouvons rire sans remords.

Il ne faut pas perdre de vue, cependant, que des phénomènes tels que Tequila, Heineken et Un mot pour Kevin puisent leur force virale de la candide authenticité du langage. Il faut voir Claude Asselin encourageant l’Impact de Montréal suite à une invitation de Gab Roy et de Vidéotron pour observer un désenchantement immédiat par rapport à la vidéo originale. Tout semble forcé, joué, déjà usé. De la même manière, quand Momo est de passage sur les ondes de Musique Plus et qu’il invite l’auditoire à «ne pas niaiser», il est déjà sombré du côté du kitsch, loin de ses propos initiaux déjà gravés dans la mémoire collective.

Étrangement, si le mainstream essaie en vain de récupérer ses propres symboles consuméristes, les mouvements de contestation y parviennent assez bien. Ainsi, durant cette période de revendications sociales que fut le Printemps érable, nombre d’affiches exposaient des slogans tels que «Awaille Charest ostie continue comme ça», «Pas le temps de niaiser», «Mon père est pauvre en tabarnack», etc. Des clips tels qu’Un mot pour Charest ont également été réalisés. Cette réappropriation des phénomènes viraux par les mouvements de contre-culture témoigne de l’indéniable empreinte laissée sur l’imaginaire collectif par de telles vidéos, qui s’érigent en tant que topos dans la rhétorique sociétale contemporaine. Le renversement de la culture de masse par ses propres produits, c’est également le renversement du rire de la masse par le rire de ceux qui la conteste: c’est Dada qui rit au visage des bourgeois, c’est le Pop Art qui esthétise les produits de consommation, c’est Guy Fawkes qui esquisse son sourire sur les masques d’Anonymous. On semble pris dans un cercle interminable où la société de masse et la contre-culture s’autoalimentent mutuellement. Rira bien qui rira le dernier.

Bibliographie

CHRISTENSEN, Jørgen Riber. 2011.  «The Star Wars Kid and the Bedroom Intruder – Panopticon or Subversion?» Academic Quarter. Vol. 3, pp.135-146.
DOMINGUEZ LEIVA, Antonio. 2012. «YouTube, univers néobaroque (1): Réitération, frénésie et excentricité», Pop-en-stock. YouTube studies. En ligne. http://popenstock.ca/dossier/article/youtube-univers-neobaroque-1-reiter...
ECO, Umberto. 1992. «Comment retrouver l'idiot du village à la télé» in Comment voyager avec un saumon, Le Livre de Poche.
MORIN, Edgar. «Névrose», L’Esprit du Temps, Bernard Grasset, Paris, 1962, 283 p.
WEST, Tyler. 2011.  «Going Viral: Factors That Lead Videos to Become Internet Phenomena» The Elon Journal of Undergraduate Research in Communications. Vol. 2, No1, pp.76-84

La réflexion se poursuit avec  l'essai interactif de l'ONF consacré aux Mythes 2.0 http://mythe.onf.ca/