L'art des DJ

L'art des DJ

Directeur: Stéphane Girard

 

Pour l’essentiel, la recherche académique (autant du côté francophone qu’anglophone) portant sur la culture du deejaying et sur l’univers des musiques électroniques reste dominée par des méthodes d’obédience sociologique, ethnologique ou historique. Une attention particulière y est accordée, d’une part, à la description des rituels collectifs et carnavalesques liés à la danse (en discothèque, en party officiel ou officieux ou en festival) et aux valeurs partagées par ceux et celles qui s’y adonnent (voir à cet égard les travaux de Kai Fikentscher ou de Brian Wilson, mais également ceux d’Anne Petiau, de Philippe Birgy, d’Éric Boutouyrie ou de Béatrice Mabilon-Bonfils et Anthony Pouilly, entre autres). D’autre part, les observations demeurent la plupart du temps rétrospectives (pensons cette fois aux ouvrages de Simon Reynolds, de Tim Lawrence, de Dom Phillipps ou de Michaelangelo Matos), relayant les moments marquants qui ont jalonné l’évolution de toute cette culture depuis la fin de l’époque disco.

En passant outre l’activité individuelle des DJ à titre de pratique signifiante, ces études laissent généralement dans l’ombre tout ce qui relève de la dimension esthétique de cet art et des œuvres sonores ainsi produites. Le dossier thématique «L’art des DJ» entend appréhender cet angle mort de la recherche portant sur le deejaying en considérant ces bricolages hétérogènes produits à partir de pièces musicales préexistantes (qu’il s’agisse d’un «set» en direct ou d’un «mix» enregistré) comme des propositions artistiques à proprement parler.

De la sorte, nous entendons poursuivre ici le travail entamé dans l’ouvrage Poétique du mixtape (Ta Mère, 2018), où sont présentées des propositions méthodologiques inspirées de la sémiologie saussurienne et à partir desquelles nous entendons renouveler les approches du travail des disc jockeys et des œuvres qui en résultent. Les articles du présent dossier pourront dès lors adhérer à la même perspective, la commenter –voire la réfuter!– ou offrir d’autres voies d’analyse. Contrairement au dossier «Du cut-up au sampling» qui en est le pendant littéraire, ce que vous vous apprêtez à lire, «L'art des DJ», s’intéresse plus spécifiquement aux œuvres musicales offertes par les DJ à l’appréciation auditive: chercheuses et chercheurs d’horizons disciplinaires variés seront conséquemment invités à rendre compte des divers aspects de la pratique des DJ tout en témoignant, dans une optique qui insistera sur ses dimensions sémiotiques, des nombreux effets de sens qui s’en dégagent.

Nous accorderons une attention toute particulière aux performances enregistrées (initialement sur rubans magnétiques, ensuite sur disques compacts et désormais surtout par l’intermédiaire de fichiers numériques) proposées par les DJ. Afin d’alimenter les discussions à même la plateforme POP-EN-STOCK, nous avons commissionné une série exclusive de mixtapes diffusée sur SoundCloud et intitulée… «Mix-en-stock»!

Dédiée aux musiques électroniques underground, la série «Mix-en-stock» permettra à des DJ originaires des quatre coins de la house nation d’y illustrer leur conception de l’art du deejaying, et aux chercheuses et chercheurs qui s’intéressent à la musique populaire et aux études culturelles de rendre justice aux multiples facettes de l’expérience esthétique ainsi proposée. Le présent dossier ouvre donc un espace d’exploration des interactions et des rétroactions possibles entre les domaines de la création en musiques électroniques et de la réflexion en contexte académique.

N’hésitez pas à nous envoyer vos textes. Les dossiers thématiques POP-EN-STOCK, comme les articles individuels, sont à soumission ouverte. Une fois un numéro thématique «lancé», il demeure ouvert, indéfiniment, à quiconque voudrait y soumettre une collaboration. Le(s) directeur.ice(s) d’un dossier s’engage(nt) à évaluer et éditer les nouvelles propositions à leur dossier pour une durée de deux ans, sous la supervision des directeurs de la revue.

La longueur des articles est variable. POP-EN-STOCK accepte une limite inférieure équivalente à sept ou huit pages (3000 mots), afin de favoriser la publication rapide, mais peut aussi accepter des articles beaucoup plus longs selon l’offre (n’étant pas limitée par un impératif de préservation de la forêt boréale).

Référence

GIRARD, Stéphane. 2018. Poétique du mixtape. Montréal: Les Éditions de Ta Mère, coll. «Pop-en-stock».

Soumis par Stéphane Girard le 27/02/2020

 

La valeur d’une méthode tient –cela relève, bien évidemment, du truisme– dans son potentiel de reproduction. Avec l’ouvrage Poétique du mixtape (Ta Mère, 2018), j’ai tâché de mettre en place un appareillage notionnel permettant de rendre compte du travail des DJ dans une perspective fondamentalement structuraliste, c’est-à-dire descriptive: il reste maintenant à en disséminer les principes, question de tester à la fois l’efficacité de cette même méthode, ainsi que ses éventuelles limites.

Soumis par Gabriel Tremblay-Gaudette le 22/05/2019
Catégories: Esthétique, Musique

Je me dois de commencer cet article par une déclaration qui contient en germe un aveu. L'objectif de la démarche dont vous vous apprêtez à lire le résultat est d'effectuer une tentative de mise en pratique du cadre d'analyse proposé par Stéphane Girard dans son essai Poétique du mixtape, paru à l'automne 2018 dans la collection « Pop-en-stock » aux Éditions de Ta Mère. Ce texte dépassera donc le simple compte rendu, puisqu'il ne se contentera pas de juger le bienfondé et l'intérêt purement théorique de la méthodologie élaborée dans l'essai de Girard, pour plutôt se rendre jusqu'à l'analyse d'un mixtape produit par un artiste de musique électronique; il cherchera à éprouver dans la pratique la validité dudit cadre théorique, par une mise en application sur un mixtape diffusé à l'occasion, et en parallèle, de la publication de Poétique du mixtape.

Soumis par Stéphane Girard le 22/05/2019
Catégories: Esthétique, Musique

Dans le cadre du premier volet de la présente réflexion consacrée à la problématique de la spatialité dans le champ de la musique électronique contemporaine, nous avons établi qu’en dépit du fait que le deejaying reste caractérisé par ses dimensions déterritorialisantes et rhizomatiques, diverses marques spatiales peuvent néanmoins se retrouver actualisées à même la sélection musicale déployée via une prestation de disc jockey. Ces marques, nous l’avons vu, se rapportent entre autres aux lieux de la composition de la musique en tant que tels, mais aussi aux lieux de sa production/fabrication, de sa distribution et de sa diffusion, et leur repérage permettrait d’entreprendre une véritable sociogéographie de la musique (voir Boutouyrie, 2010).

Soumis par Stéphane Girard le 22/05/2019
Catégories: Esthétique, Musique

Dans l’ouvrage Poétique du mixtape (Girard, 2018), je mets en place une méthode, inspirée de la sémiologie d’obédience saussurienne, qui permet d’appréhender tout un pan de la musique pop contemporaine, soit celle que l’on appelle «électronique» (des genres disco, house et techno inauguraux aux multiples variantes –du post-dubstep au vaporwave en passant par le Nu Balearica et le cloud rap– qu’on lui connait aujourd’hui). Ce faisant, je m’intéresse plus spécifiquement à l’un de ses modes de circulation privilégiés, soit le mixtape, par l’intermédiaire duquel les pièces de musique électronique sélectionnées et combinées par les DJ se retrouvent figées à même un enregistrement (sur ruban magnétique initialement, sur disque compact par la suite, de manière numérique désormais, qu’il soit question de fichiers à télécharger en format MP3/M4A/WAV/FLAC/etc. ou à apprécier à l’aide de plateformes web comme SoundCloud ou Mixcloud consacrées à l’écoute en continue/au streaming).