ENTRE MAGIE ET MATÉRIALISME : LE PÈRE NOËL DANS ARTHUR CHRITSMAS ET KLAUS

ENTRE MAGIE ET MATÉRIALISME : LE PÈRE NOËL DANS ARTHUR CHRITSMAS ET KLAUS

Soumis par Andréanne Sylvain le 24/12/2022
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Le père Noël est certainement l’un des personnages les plus connus et populaires de la culture occidentale. Né sous la plume de Clement Clark Moore dans le poème A Visit From St-Nicholas paru en 1825 à New York et mis en image pour la première fois par le dessinateur étatsunien Thomas Nast durant l’ère victorienne, sa popularité légendaire vient surtout des publicités de la marque Coca-Cola. Cette série d’images publicitaires créées par Haddon Sundblom entre les années 1931 et 1965 et qui montraient le père Noël l’air jovial, les joues aussi rouges que son habit et une bouteille de la fameuse boisson gazeuse à la main a marqué l’imaginaire des petits comme des grands. Le père Noël s’est rapidement imposé comme icône de la fête de Noël qui est célébrée par 2,3 milliards de personnes chaque 25 décembre. Avec ses signes spécifiques comme sa généreuse barbe blanche, son rire distinct tout en Ho! , son habit rouge et son traîneau tiré par des rennes, le père Noël représente la magie de Noël et son côté enjoué contraste  fortement avec l’attitude de réserve attendue durant le mois précédent, celui des morts en novembre. Car le père Noël n’apporte-t-il pas la joie partout où il passe au soir du 24 décembre? Cependant il n’échappe pas à la critique visant sa superficialité ni à une critique plus politique visant son appel au consumérisme dans sa récupération par le capitalisme. Nous nous intéresserons ici plus particulièrement à l’interprétation de la figure du père Noël en mettant en évidence la tension qui existe entre le côté matérialiste et magique de Noël dans Arthur Christmas (Smith et Cook, 2011), puis en évoquant les qualités magiques qui font de Klaus un père Noël dans Klaus (Pablos, 2019), avant d´analyser quelques points communs entre les deux œuvres.

L’œuvre d’animation cinématographique britannique Arthur Christmas, sélectionnée et gagnante de divers prix et distinctions, met en scène Arthur, le fils du père Noël, un jeune homme passionné de Noël, un peu maladroit, mais attachant qui a comme tâche de lire et de répondre aux lettres envoyées par les enfants du monde entier. L’histoire se déroule principalement au pôle Nord, là où Arthur réside avec son père (le père Noël) qui arrive à l’âge de la retraite, sa mère (la mère Noël), son grand-père « Grand Santa », son frère Steve qui dirige toutes les opérations entourant la fabrication et la distribution des 2 milliards de cadeaux, ainsi que les 1,6 million d’elfes qui y travaillent. La fabrique du père Noël que l’on voit habituellement dans les films du même genre, c’est-à-dire un endroit chaleureux où les elfes et le père Noël travaillent ensemble dans un établi où se fabriquent des jouets à la main et où le chocolat chaud et les cannes de Noël nourrissent un esprit de fête, est alors remplacée par ce qui ressemble à une base militaire, tel Norad, située sous terre où tout est réglé avec des ordinateurs, des satellites et d’autres gadgets technologiques. Les elfes sont habillés en soldats et travaillent avec ce qui ressemble à des appareils militaires. Sous la direction de Steve, ils distribuent les cadeaux durant ce qui ressemble à des opérations d’agents secrets, tel Tom Cruise dans les films Mission impossible. Fini le père Noël qui voyageait en traîneau avec ses rennes et qui n’avait qu’à toucher son nez pour passer par la cheminée et ensuite laisser les cadeaux sous le sapin. C’est maintenant un immense engin volant appelé le S-1 qui transporte Steve, les elfes et le père Noël durant la veille de Noël (Mulder et Scully auraient bien fait d’enquêter sur ce « vaisseau spatial » sorti d’une « base militaire » souterraine en plein pôle Nord) !

Il semble évident dès le début du film que seul Arthur est resté attaché à la magie de Noël, celle qui a le pouvoir de rendre les enfants heureux, de les émerveiller et qui permet au père Noël de leur offrir ce à quoi ils ont rêvé toute l’année. En effet, les changements apportés par Steve dans le fonctionnement de la fabrication et de la distribution des cadeaux ont, semble-t-il, évacué les aspects sacrés et magiques de Noël. Steve ne se soucie guère des enfants, ils ne figurent à ses yeux que de simples numéros. Il a remplacé la magie de Noël par la technologie et ce qui lui importe est l’optimisation tayloriste du travail et non le bonheur que le père Noël doit apporter aux enfants. Bien qu’il n’y ait aucun profit économique dans l’entreprise de cadeaux de Steve, il me semble tout de même pertinent d’établir un parallèle avec les traditions capitalistes que l’on associe généralement avec la fête de Noël. Par exemple, la surabondance de cadeaux qui nous amène à oublier le vrai esprit de Noël. Il importe toutefois de distinguer d’une part les cadeaux qu’on associe au consumérisme, où la valeur économique prime sur la valeur symbolique et sentimentale, et d’autre part les dons humanitaires plus désintéressés aux gens dans le besoin. L’esprit des fêtes motive les gens à donner sans rien recevoir en retour, comme les dons en argent et en nourriture à la Guignolée et aux autres organismes. Ce n’est pas sans raison que la Salvation Army utilise des personnes habillées en père Noël pour récolter des dons devant les grands magasins comme le célèbre Macy’s à New York.  Il n’empêche que le débat sur le lien entre le père Noël et le consumérisme est souvent mis de l’avant dans les films de Noël comme le note Mark Connelly dans son livre Christmas at the Movies: Images in Christmas in American, British and European Cinema : « The Santa Claus movies all make reference to the nature of a capitalist society. […] Santa Claus is to American material faith what Jesus Christ is to Christian spiritual faith[1]. » L’analogie qu’il construit avec Jésus illustre bien l’idée que le père Noël est souvent décrit comme le symbole même d’un capitalisme insidieux, déguisé en symbole de paix, d’amour et de bonheur pour les enfants, mais qui incite à la dépense et aux abus matérialistes qui déferlent durant la période des Fêtes. Dans le chapitre « Christmas and the Movies : Frames of Mind » écrit par l’auteur John Mundy dans le livre Christmas, Ideology and Popular Culture (2008) celui-ci parle entre autres de l’influence de l'américanité sur le côté matérialiste du père Noël. Il mentionne que : « […] the American Santa Claus has become ‘first and foremost a symbol of material abundance and hedonistic pleasure’ (Belk 2001: 83)[2] ». Cela est probablement vrai dans le monde des adultes, mais chez les enfants l’interprétation est toute autre. Cela se voit notamment dans les films destinés aux enfants et à la famille dans lesquels la magie de Noël figure l’élément central de l’élaboration du personnage. 

C’est une thématique souvent abordée dans les films et les récits, comme dans le livre et ses nombreuses adaptations télévisuelles et cinématographiques How the Grinch Stole Christmas (Geisel, 1957) de Dr. Seuss. Dans cette histoire, le Grincheux décide de gâcher Noël en s’introduisant chez les habitants de Whoville pour les voler et détruire leurs décorations, car il n’aime pas les festivités et croit les gens trop superficiels et matérialistes avec leur tonne de cadeaux et décorations. Mais lorsqu'il se rend compte que les Whos continuent de fêter Noël tous ensemble malgré le vol et la destruction de leurs cadeaux, leurs décorations et leurs festins, alors le Grincheux réalise que l’esprit de Noël se résume à beaucoup plus que cela : « Maybe Christmas, he thought, doesn't come from a store. Maybe Christmas, perhaps, means a little bit more[3]! » C’est une leçon similaire que nous enseigne Arthur Christmas. En effet, l’importance que Steve accorde à sa productivité au détriment du bonheur des enfants le situe dans une logique matérialiste qui s’éloigne des valeurs que le père Noël représente traditionnellement dans les films. Steve se rapproche plutôt du Grincheux ou même de Scrooge avec ses calculs et son indifférence pour la magie de Noël. En faisant échouer l’entreprise de Steve et en donnant plutôt à Arthur le titre de père Noël à la fin du film, on fait comprendre aux auditeurs que le vrai père Noël a à cœur le bonheur des enfants, c’est ce qui importe.

La confrontation entre les perspectives de Noël des deux frères est le moteur de l’histoire et se manifeste lorsqu’en revenant de leur mission de distribution de cadeaux, Steve et les elfes s’aperçoivent qu’ils ont oublié un enfant. Steve réussit à convaincre les elfes et le père Noël que ça ne vaut pas la peine d’y retourner en leur démontrant que statistiquement ils ont fait du beau travail et que le reste n’est pas important. Lorsqu’Arthur apprend que Steve décide d’aller porter le cadeau de la fillette seulement dans quelques jours, Steve s’empresse de rétorquer l’air déçu : « But that will ruin the magic[4] », et décide finalement d’aller porter le cadeau accompagné de Grand-Santa qui lui apprend comment conduire le vieux traîneau et manier les rennes à la façon d’antan. Arthur et son grand-père sont les seuls à se soucier que tous les enfants sages reçoivent un cadeau et fassent l’expérience de la magie de Noël. Steve quant à lui paraît comme un homme froid et sans-cœur qui menace la magie de Noël avec ses gadgets, ses calculs déshumanisants et son indifférence totale envers les enfants. Dès le début du film, on nous montre que la tradition occupe une place importante dans l’histoire des pères Noël en établissant St-Nicholas comme le premier d’entre eux.  Le film débute sur une narration de la lettre envoyée par Gwen, la petite fille oubliée par Steve et les elfes, qui demande au père Noël s’il est Saint-Nicholas. On nous montre également à l’écran en portraits la généalogie des descendants de Saint-Nicholas jusqu’au père Noël actuel. Cette scène évoque l’importance de la continuité, de la répétition et de la transmission de la tradition du rôle qu’occupe le père Noël dans le film.

Résumons brièvement ce qui se déroule durant le reste du film pour qu’ensuite l’on se penche sur le dénouement de l’histoire.  Arthur décide donc de partir avec son grand-père pour offrir le cadeau à Gwen. S’ensuivent alors plusieurs péripéties, mais ils arrivent finalement à destination. De leur côté, Steve et le père Noël, inquiets que le traîneau volant attire l’attention des gens se rendent eux aussi chez Gwen. Steve, Arthur, le grand-père et le père Noël se confrontent pour savoir qui d’entre les quatre ira porter le cadeau sous le sapin. Réalisant que seul Arthur a à cœur le bonheur de la petite Gwen, le père Noël décide de donner la bénédiction à son plus jeune fils et l’encourage à aller remettre le cadeau. Puis, c’est en voyant l’expression d’excitation et de joie dans le visage d’Arthur et l’air plutôt incrédule de Steve lorsque les deux observent la joie dans le visage de Gwen qui ouvre son cadeau que le père Noël prend la décision de léguer son rôle à son cadet. Au final, Arthur incarne l’essence du père Noël par sa sensibilité envers les enfants, par sa gentillesse et sa générosité, mais aussi et surtout par sa capacité à l’émerveillement qui lui permet de ressentir et de comprendre l’importance de la magie de Noël. C’est ce qu’a vu en lui son père et c’est la raison pour laquelle Arthur est devenu le père Noël.

 

Passons maintenant au film Klaus (2019) co-réalisé par Sergio Pablos et Carlos Martínez López, également sélectionné et récipiendaire de plusieurs prix et distinctions. Cette œuvre d’animation illustre bien comment le recyclage de personnages, en l’occurrence ici le père Noël, n’a pas besoin de se conformer avec rigidité à l’image classique pour que sa représentation demeure crédible. Dans le cas du personnage de Klaus, qui représente une version plus subtile du père Noël américain, l’importance de l’esprit des fêtes, des jouets fabriqués aux enfants sages pour leur apporter du bonheur et son discours sur la bienveillance sont les principaux attributs qu’on lui attribue et qui font de lui un père Noël authentique.

L’histoire se déroule au 19e siècle en Norvège. Jasper, un postier trop gâté par la vie, se fait punir par son père le PostMaster General qui l’envoie travailler sur l’île très éloignée de Smeerensburg avec la tâche de poster 6000 lettres, sans quoi il ne pourrait revenir et retrouver ses privilèges. Le village de pêcheurs à l’allure morbide est séparé en deux clans qui se font la guerre perpétuellement et depuis toujours : les Ellingboes et les Krums. Jasper devient rapidement découragé, car sur cette île isolée, personne ne s’écrit de lettres. Mais l’espoir d’atteindre son objectif se matérialise lors de sa rencontre avec Klaus, un veuf habitant plus loin dans la forêt. Klaus, un homme imposant à la longue barbe blanche, avait autrefois une femme et une fabrique de jouets. Sa femme et lui planifiaient avoir plusieurs enfants, mais celle-ci perdit la vie. Klaus, désespéré, abandonna sa fabrique de jouets et se coupa du monde. Par un concours de plusieurs circonstances, et parce que Jasper réussit à le convaincre, Klaus fabriqua un jouet pour un enfant du village qui se sentait seul et demanda à Jasper de venir avec lui le lui apporter. Cela apporta un tel bonheur à l’enfant, et aux deux hommes heureux d'apporter un peu de joie à cet enfant, que rapidement tous les enfants comprirent que s’ils envoyaient une lettre à Klaus ils allaient recevoir un cadeau en retour. Finalement, le stratagème de Jasper qui voulait augmenter le nombre de lettres postées porta fruit, et peu à peu les enfants des deux clans commencèrent à jouer ensemble. Ces nouvelles amitiés influencèrent les adultes qui eux aussi firent la paix et bientôt le village pouvait se réunir sans faire la guerre; l’influence des cadeaux de Klaus aux enfants eut sur les habitants un effet bienveillant, presque magique . Les deux acolytes, Klaus et Jasper, se préparèrent à Noël et malgré une tentative échouée où une poignée de villageois tenta de les arrêter, la soirée fut un succès. Au fil des années, Jasper fonda sa famille à Smeerensburg, Klaus continua son travail de père Noël et étendit sa distribution de cadeaux partout dans le monde. Chaque Noël, le vieil homme barbu rendit visite à Jasper jusqu’au moment de sa mort. Après son décès, les enfants continuèrent de trouver des cadeaux sur le bord du sapin tous les matins de Noël. Chaque 24 décembre, Jasper tenta de revoir son vieil ami, mais dut se contenter du tintement des cloches du traîneau au-dessus de sa maison et de la présence mystique, magique de Klaus. Le film se termine avec cette pensée de Jasper qui se demande ce qui arriva à son acolyte : « What happened to him after that, how, why… I can’t even begin to comprehend. I stopped trying to make sense of it a long time ago. What I do know, is that once a year, I get to see my friend[5] ».

Klaus n’incarne pas le père Noël traditionnel, mais on peut dire qu’il possède l’essentiel : le pouvoir de répandre la paix et l’amour autour de lui. Dans le remake du classique cinématographique de Noël Miracle on 34th Street de 1994, le père Noël (Kris Kringle) joué par Richard Attenborough, tente d’expliquer que son rôle va bien au-delà de la simple parure et matérialité que l’on associe aux cadeaux qu’il distribue : « I’m not just a whimsical figure who wears a charming suit and effects a jolly demeanour. I’m a symbol of the human capacity to be able to suppress the selfish and the hateful tendencies that rule the major parts of our lives[6] ». Dans le cas de Klaus qui réussit à répandre la joie à Smeerensburg avec ses cadeaux aux enfants, il exprime cette capacité, voire ce pouvoir magique que représente le père Noël à convaincre ou à faire réaliser aux gens que la bienveillance, le partage, l’amour et cie sont la voie à prendre. Cette idée d’associer la paix et l’amour à Noël semble présente depuis les débuts de la conception de la fête durant l’ère victorienne. On le constate notamment dans l’un des premiers récits de Noël A Christmas Carol (1843) de Charles Dickens, une histoire qui devint très populaire et qui sera reprise maintes fois au grand et au petit écran. Son influence fut telle que l’on considère le court roman comme étant l’une des inspirations directes des traditions de Noël que l’on perpétue encore aujourd’hui, comme le rappelle John Mundy dans le chapitre « Christmas and the Movies : Frames of Mind » du livre Christmas, Ideology and Popular Culture: « Charles Dickens’s short novel A Christmas Carol (1843) is regarded as a seminal text in this modern construction of Christmas[7] ». À la fin du récit, celui qui détestait Noël et les gens en général, se retrouve transformé le matin de Noël, prêt à aider et aimer son prochain.  Comme le mentionne Sheila Whitely en parlant du lien entre le livre de Dickens et le discours de paix durant les festivités de Noël, dans l’introduction du recueil d’essais sur la fête de Noël Christmas, Ideology and Popular Culture (2008) : « Sentiments of benevolence and goodwill are mobilised and fused with the Christmas message of ‘peace on earth, goodwill to all men’, the implication being that this is a period when personal and social conflicts can be magically resolved[8] ». Dans Klaus, ce ne sont pas des fantômes qui font réaliser aux habitants de Smeerensburg qu’il vaut mieux faire la paix, mais plutôt le bonheur contagieux de leurs enfants heureux de pouvoir partager leurs nouveaux jouets avec leurs nouveaux amis. Klaus répète souvent à Jasper : « A true act of goodwill always sparks another[9] », une phrase qui exprime bien l’effet positif que l’esprit de Noël apporta aux habitants de l’île et eût comme effet de propager la « bonne volonté ». Comme le rappelle Sheila Whitely, les valeurs traditionnelles associées à Noël demeurent les mêmes dans la culture occidentale : « […] the associated sentiments of harmony and goodwill continue to provide an ideological discourse that informs its popular interpretation: a concern for the family, children and family-centred activities, the rituals and expectations framing gift-giving and receiving, and an idealised nostalgia for the past, which prioritises themes of neighbourliness, charity and community[10] ». Cela se manifeste dans le film Klaus chez Jasper qui est également influencé par la bonne volonté de Klaus. En effet, le postier arrive à Smeerensburg avec l’attitude d’un homme se croyant tout permis et regardant les autres d’un air hautain. Mais, après quelque temps passé en compagnie de Klaus et après avoir eu l’expérience d’observer l’émerveillement dans les yeux des enfants qui ouvraient leurs cadeaux, Jasper se transforma en homme nouveau et influença même l’enseignante du village à recommencer son travail et à inspirer les écoliers, laquelle avait depuis longtemps abandonné l’idée que les enfants puissent s’intéresser à l’école. En ce sens, Klaus reprend très bien les valeurs traditionnelles associées à Noël et même si la fête n’est mentionnée explicitement qu’à la toute fin, l’intertexte et les différentes allusions ne laissent aucun doute sur la présence de l’esprit des fêtes qui plane tout au long du film.

Klaus et Jasper partagent la même étincelle dans les yeux qu’Arthur au moment où ils offrent des cadeaux aux enfants, comme on le voit dans cette scène en particulier où les deux amis attendent toute la nuit dans le froid pour voir le visage de la jeune fille lorsqu’elle ouvrira le cadeau qu’ils lui ont offert. Lorsqu’elle se lève le matin et s’émerveille devant son nouveau jouet, Klaus et Jasper sont enchantés de la même manière que l’est Arthur lorsqu’il observe Gwen ouvrir son cadeau. Les deux scènes similaires illustrent bien l’importance qu’ont accordée les réalisateurs au fait que l’essence du père Noël réside justement dans cette capacité chez lui à vouloir répandre la joie chez les enfants et à faire de Noël une vraie fête d’amour. Il semble bien normal pour des films destinés aux enfants de perpétuer cette même image symbolique positive du père Noël sans trop s’aventurer dans la critique de l’aspect commercial de la célébration annuelle, puisqu’il est normal que plusieurs de cette classe d’auditeurs croient encore au père Noël. En ce sens, il semble que le film Arthur Christmas réussisse à critiquer l’importance que l’on accorde à la matérialité et à la superficialité que peut représenter la fête de Noël tout en gardant l’idée que le père Noël existe vraiment. C’est ce qu’explique John Mundy en parlant de l’influence du film Miracle on 34th Street qui instaura selon lui cette pensée que la magie de Noël que l’on tente à tout prix de préserver dans les deux œuvres, mais aussi dans les autres films de Noël destinés aux enfants et à la famille, serait surtout une manière de tempérer le matérialisme qu’on associe aux achats des cadeaux : « […] the film sets down a marker for the increasing hegemonic power of the materialist American Christmas, a spatio-temporal zone in which hard-edged mass consumption is softened by sentiment and a sense of the ‘magic’ of Christmas[11] ». C’est ce que l’on peut remarquer dans les deux œuvres : la remise des cadeaux aux enfants se situe au centre des deux récits, mais chacun en fera une expérience positive et transformatrice. Dans Arthur Christmas, la remise des cadeaux est surtout associée au plaisir que l’enfant aura non seulement en ouvrant son cadeau, mais surtout lorsqu’il ou elle aura la confirmation que le père Noël et la magie de Noël existent. C’est d’ailleurs ce qui motive Arthur à partir à l’aventure pour aller remettre le cadeau à Gwen, car s’il ne réussit pas, « it will ruin the magic[12] », comme cité précédemment. Le côté matériel de la fête est plutôt représenté par Steve qui n’est pas sensible à la magie de Noël, mais finalement le film lui donne tort. Puis, dans Klaus, les cadeaux servent de ponts entre les enfants des deux clans qui partagent et jouent ensemble, des ponts qui rapidement s’étendent entre les adultes. Dans aucun des deux films on ne considère les cadeaux comme étant des objets qui encouragent un consumérisme problématique, les enfants ne reçoivent qu’un seul cadeau, fabriqué à la main et cela les remplit tout de même de bonheur.

Pour finir, les deux films renouvellent à leur manière la représentation de la magie de Noël et du père Noël tout en engageant plusieurs idées et thématiques véhiculées dans les classiques de Noël. Comme nous l’avons vu, dans les films familiaux, le personnage du père Noël peut prendre différentes formes, mais se doit toutefois de garder son essence magique pour continuer à véhiculer les traditions de Noël qui charment les auditeurs année après année. Arthur et Klaus ne représentent pas l’image du père Noël classique de Coca-Cola, mais réussissent cependant à capter ce qui est important aux yeux des enfants et des auditeurs nostalgiques : le bonheur de recevoir la visite du père Noël et les cadeaux uniques laissés sous le sapin.


 

Bibliographie

Connelly, Mark, Christmas at the Movies: Images in Christmas in American, British and European Cinema (Cinema and Society), Londres: I.B Tauris & Co LTD, 2000, 360p.

Crump, William D., The Christmas Encyclopedia (3rd edition), Jefferson: McFarland & Company, Inc., Publishers, 2013, 527p.

Dr. Seuss, How the Grinch Stole Christmas, 1957, https://ninjamonkeyspy.livejournal.com/585154.html (consulté le 10 décembre 2022)

Giovanelli, Janet, The True Story of Santa Claus: The History, The Traditions, The Magic, New York: Centennial Books, 2020, 192p.

Pablos, Sergio, Klaus, Espagne et États-Unis, Netflix et Sergio Pablos Animation Studios, 2019, 97 min.

Smith, Sarah, Arthur Christmas, Royaume-Uni, Colombia Pictures, 2011, 97 min.

Whiteley, Sheila, Christmas, Ideology and Popular Culture, Édinbourg : Edinburgh University Press, 2008, 232p.

 

 




[1] Connelly, Mark, Christmas at the Movies: Images in Christmas in American, British and European Cinema (Cinema and Society), Londres: I.B Tauris & Co LTD, 2000, p.182.

[2] Mundy, John, « Christmas and the Movies: Frames of Mind » dans Whitely, Sheila, Christmas, Ideology and Popular Culture, Édinbourg : Edinburgh University Press, 2008, p.169.

[3] Dr. Seuss, How the Grinch Stole Christmas, 1957, https://ninjamonkeyspy.livejournal.com/585154.html (consulté le 10 décembre 2022)

[4] Smith, Sarah, Arthur Christmas, Royaume-Uni, Colombia Pictures, 2011, 97 min. 

[5] Pablos, Sergio, Klaus, Espagne et États-Unis, Sergio Pablos Animation Studios et Netflix, 2019, 97 min.

[6] Connelly, Mark, « Santa Claus : The Movie » dans Connelly, Mark, Christmas at the Movies: Images in Christmas in American, British and European Cinema (Cinema and Society), Londres: I.B Tauris & Co LTD, 2000, p.179.

[7] Mundy, John, « Christmas and the Movies: Frames of Mind » dans Whitely, Sheila, Christmas, Ideology and Popular Culture, Édinbourg : Edinburgh University Press, 2008, p.164.

[8] Whitely, Sheila, « Introduction » dans Christmas, Ideology and Popular Culture, Édinbourg : Edinburgh University Press, 2008, p.1.

[9] Pablos, Sergio, Klaus, Espagne et États-Unis, Sergio Pablos Animation Studios et Netflix, 2019, 97 min.

[10] Whitely, Sheila, « Introduction » dans Christmas, Ideology and Popular Culture, Édinbourg : Edinburgh University Press, 2008, p.2.

[11] Mundy, John, « Christmas and the Movies : Frames of Mind » dans Whitely, Sheila, Christmas, Ideology and Popular Culture, Édinbourg : Edinburgh University Press, 2008, p.169.

[12] Smith, Sarah, Arthur Christmas, Royaume-Uni, Colombia Pictures, 2011, 97 min.