L'amour dans les jeux de séduction télévisés

L'amour dans les jeux de séduction télévisés

Soumis par Catherine Daoust le 05/02/2015
Institution: 
Catégories: Philosophie

 

Contrairement à la culture élitiste réputée pour s’adresser à une population particulièrement instruite, la culture de masse revêt une connotation péjorative pour ce qu’elle n’exigerait aucun bagage culturel approfondi pour être appréciée. Accessible à tous par le biais des médias, il semblerait que la culture de masse ait connu un essor important avec l’avènement de la télévision et du cinéma hollywoodien des années 1930. Par son omniprésence, la télévision s’immiscera lentement au sein du quotidien de l’homme et envahira bientôt carrément sa vie. Plusieurs sociologues ont d’ailleurs montré que la télévision, renvoyant l’image d’une réalité idéalisée aux téléspectateurs, façonnait considérablement les valeurs de ces derniers, qu’ils en soient conscients ou non.

Pour notre part, nous étudierons la transformation de la perception de l’amour au sein d’une société où les individus sont de plus en plus exposés aux émissions télévisées. Plus précisément, nous nous proposons de mettre à jour l’influence des jeux de séduction Allume-moi et Occupation double sur la conception des téléspectateurs de ce qui permet la connaissance d’autrui en amour. Ces émissions, instituant les principes sur lesquels hommes et femmes s’appuieront désormais pour effectuer un choix aussi important que celui d’un partenaire amoureux, prônent pourtant l’artifice des apparences comme base de la crédibilité de l’individu. Pratiquement calquées sur la loi du marché, nous montrerons comment ces deux émissions font de l’amour une véritable transaction entre des individus devenus pure marchandise.

Pour étayer cette hypothèse, nous commencerons d’abord par nous appuyer sur l’étude d’Alain Finkielkraut intitulée La sagesse de l’amour afin de constater les différentes variables qui fondent une connaissance véritable de l’Autre en tant qu’être aimé. Ensuite, nous nous pencherons plus précisément sur les concepts des deux émissions Allume-moi et Occupation double afin de cerner la superficialité de l’amour promu par ces jeux de séduction. C’est également en nous basant sur les travaux de penseurs tels qu’Edgar Morin, Umberto Eco et Pascal Bruckner que nous soulèverons quelques conséquences de ces émissions de télévision sur les téléspectateurs. Nous terminerons finalement cette analyse en déterminant, à l’aide des propos d’Aurelia Jane Lee sur la métaphore, comment ces programmes télévisés réussissent à interpeller et à modeler les comportements de ceux qui les regardent.

 

L’amour selon Alain Finkielkraut

Nous avons choisi de nous baser sur la théorie d’Alain Finkielkraut pour montrer comment les deux émissions qui font l’objet de notre analyse transmettent aux téléspectateurs une conception très superficielle de l’amour. Traitant de l’amour comme d’un paradoxe, Finkielkraut nous le fait découvrir dans toute sa complexité, ce dernier étant la réunion de deux sentiments contraires chez l’amoureux: «[l]e désir ardent […] de tout ce qui peut le combler et l’abnégation sans réserve» (Finkielkraut, 1999: 11). Pour notre analyse, nous avons sélectionné deux principes particuliers sur lesquels Finkielkraut fonde toute sa définition de l’amour: la rencontre de l’Autre en tant qu’événement spontané, et l’amoureux assujetti à autrui. Finkielkraut amorce en effet son essai en disant que l’amour n’est pas «programme, mais […] fatalité.» (41) En cela, l’amour serait un événement soudain arrivant dans la vie de l’individu et auquel celui-ci n’aurait pas le choix de se subordonner. Ainsi, le fait de tomber amoureux, comme l’expression l’indique déjà, ne serait pas le résultat d’une action volontaire, mais procéderait plutôt «d’une assignation à laquelle il est impossible de se dérober.» (42)

De plus, ce caractère inusité et soudain de l’amour le pose comme un événement imprévu qui «paraît [seulement lorsqu’il y a] égarement de la volonté» (29) de l’individu. Ainsi, bien que l’individu moderne voudrait exercer un contrôle absolu sur sa vie, Finkielkraut nous dit que dans la relation amoureuse, le rôle actif ne serait pas attribuable à celui qui aime, mais bien à l’être aimé qui «concerne[rait] [l’amoureux] avant que [le] cœur ou [la] conscience [de ce dernier] aient pu prendre la décision de l’aimer.» (144) L’apparition de l’Autre en tant qu’objet d’amour dans la vie d’un individu serait donc un véritable appel fait à un sujet amoureux passif. En effet, Finkielkraut explique que c’est seulement lorsque l’individu «per[d] l’initiative» (87) dans la rencontre de l’Autre, qu’il peut réellement «avoir la révélation» (87) d’autrui. L’amour pour Finkielkraut serait un fait marquant dans la vie de l’individu qui n’exercerait aucun contrôle véritable sur les conditions et le moment de son accomplissement. Pour l’amoureux, il s’agirait «d’entendre [l’Autre], avant de [le] contempler.» (57) Selon le théoricien, l’amour est «sensible à l’évanescence» (58), c’est-à-dire qu’il passe outre la beauté de l’Autre ou la «forme» (58) dans laquelle il apparaît à l’amoureux pour ne s’intéresser qu’à la «présence» (59) de l’amant.

De cette manière, parce qu’il consiste en un événement spontané et qui ne se commande pas, l’amour implique une ouverture à l’Autre qui requiert par défaut une distanciation de soi. Selon Finkielkraut, «autrui est la puissance éminente qui brise l’enchaînement du moi à lui-même, qui désencombre, désennuie, désoccupe le moi de soi» (29) pour permettre une connaissance véritable. Cela nécessite notamment que l’individu laisse de côté ses préférences pour permettre à l’Autre d’exister dans sa différence qu’il est «impossible [de] ramener [complètement] à soi» (29). Autrement dit, dans la rencontre amoureuse, l’Autre ne devrait pas s’efforcer de correspondre le plus justement possible aux préférences de l’amoureux, mais bien se laisser apparaître et connaître par le biais de sa différence. Suivant la théorie de Finkielkraut, il semblerait donc que l’amour soit une affaire de distance plutôt que de proximité entre deux êtres. Finkielkrault dira que «[l]’amoureux ne [doit pas] projette[r] sur l’Autre les qualités dont il rêve et qu’il puise en son propre fond, [mais plutôt] qu’il doit épie[r], scrute[r], inspecte[r] le visage de l’être aimé [qui] sollicite sa vigilance» (58) dans tous ses aspects. Cela impliquerait pour l’amoureux de renoncer à vouloir décider comment devrait être l’individu aimé et ainsi «se soustraire, passagèrement […] à ses [propres] critères et [à] son [propre] despotisme.» (58) Donc, bien que nous ayons tendance à concevoir l’amour comme la recherche d’un partenaire qui nous serait complémentaire, Finkielkraut dit du sujet amoureux qu’il ferait plutôt «l’expérience d’une distance infranchissable» (80) entre l’Autre et lui-même.

C’est justement à partir des deux principes de base de la rencontre de l’Autre, instaurés par Finkielkraut que nous constaterons l’impossibilité des émissions Allume-moi ainsi qu’Occupation double de remplir la mission qu’elles se sont donnée. Visant juste dans le créneau de l’amour, ces émissions se donnent pour mandat de former des couples. Bien que les deux concepts de ces programmes soient différents en de multiples points, nous pouvons d’ores et déjà dire qu’ils transmettent aux téléspectateurs une image factice de l’amour.

 

La fausseté de la rencontre amoureuse

D’abord, précisément parce que ces deux émissions tentent de recréer le contexte de la rencontre amoureuse, elles font leur premier faux pas. Il apparaît clairement que la participation des filles, comme des garçons, à ces émissions est un comportement nourri par un objectif particulier: trouver l’amour. Ces émissions devenant un médiateur entre les célibataires, voire une véritable agence de rencontre, il semble qu’elles désirent faciliter les rencontres amoureuses. L’amour ne serait donc plus le fruit du hasard d’une rencontre fortuite, mais bien le résultat d’une recherche active et de l’emploi de moyens concrets pour trouver un partenaire. Cependant, il apparaît plutôt que ces émissions font de leur plateau de tournage un véritable marché de l’amour, où candidats et candidates vont et viennent pour trouver un partenaire amoureux de façon rapide et efficace. Les candidats de ces émissions se trouvent donc être les acteurs d’une scène de rencontre amoureuse provoquée et, en ce sens, complètement artificielle.

Les candidates discutent à Allume-moi, par V Media (Remstar)

 

En effet, dans Allume-moi, trente femmes voyant que l’amour manquait à leur vie, décident de se présenter à l’audition de cette émission pour se trouver un homme. Ce qui est important de prendre en compte ici, c’est cette dimension fondamentalement active de la recherche de l’amour qui ferait en sorte de ruiner les chances des célibataires de véritablement le trouver. Non seulement les participants à ces émissions entreprennent activement de trouver l’amour, mais ceux-ci devront se soumettre à un processus précisément organisé pour le trouver. Sur ce plateau clinquant de couleurs vives et dont la scène principale est entourée de trente lutrins lumineux derrière lesquels sont postées les trente demoiselles célibataires aura lieu une véritable entreprise de séduction. Devant ces demoiselles se présenteront, à tour de rôle, quatre célibataires masculins qui devront tenter de séduire les femmes pour espérer obtenir un rendez-vous avec l’une d’elles.

En premier lieu, ce jeu de la séduction, qui se déroule carrément comme un événement festif avec fond de musique, comporte trois phases très précises où le célibataire devra littéralement se vendre aux femmes. La première phase est celle où le candidat se présente sur scène et où les filles évaluent son potentiel de futur amoureux sur la seule base de son apparence physique générale. Ici, ce sont donc le style vestimentaire, la couleur des cheveux et des yeux, la grandeur, la corpulence, la grosseur, bref la première impression générale de l’homme qui sous-tendra le jugement des femmes. Après cette première ronde, celles qui n’ont pas été séduites par l’homme en question choisissent de se retirer de la course en éteignant leur lutrin, affichant du même coup leur désintéressement. L’animateur de l’émission ira par la suite recueillir les commentaires des demoiselles éteintes afin de savoir exactement ce qui leur a déplu. Il est nécessaire de mentionner que tout le processus du jeu se déroule à visage découvert. Ainsi, le candidat est directement informé de l’aspect de sa personne ayant rebuté certaines des femmes.

Pour celles qui sont restées allumées, l’aventure se poursuit avec la deuxième étape de séduction consistant en la présentation d’une courte vidéo du garçon dans laquelle ce dernier est censé se découvrir un peu plus. Décrivant sa profession, ses passions, ses intérêts, ses goûts, ses principales qualités et/ou ses défauts, le candidat de la gent masculine offre ainsi à voir un aperçu plus intime de sa personne. Encore une fois, les femmes qui n’ont pas été charmées par ces nouvelles informations sur le candidat doivent s’éteindre. Pour sa part, le candidat est très chaleureusement félicité pour les filles qu’il a réussi à garder allumées. Finalement, la troisième ronde de ce jeu consiste pour l’homme à terminer cette mise en scène de lui-même par la démonstration d’un de ses talents particuliers devant les dames. Une fois de plus, celles-ci sont invitées à s’éteindre si elles ne sont pas séduites.

En deuxième lieu et afin de sceller un duo d’âmes sœurs, c’est maintenant au tour du garçon de faire un choix parmi les femmes qui sont restées allumées. La décision de l’homme est prise en fonction de la réponse des femmes à une seule question choisie et posée par lui. Le couple formé par la sélection finale du garçon aura ainsi le privilège de faire une activité prévue par l’émission. Le plus souvent, cette activité se résume à un café au Juliette et chocolat ou encore à une visite du musée Grévin de Montréal. C’est seulement à l’issue de cette rencontre, toujours diffusée en ondes, que chacun des deux partenaires pourra décider s’il désire ou non revoir l’autre. Si c’est le cas, le couple a droit à un deuxième tête-à-tête à l’auberge du Lac-William d’une valeur de mille dollars.

Inutile de dire comment ce jeu de séduction est véritablement une mascarade de l’amour. D’une part, le processus en trois étapes faciles, où chacun des candidats doit invariablement effectuer les mêmes singeries que le précédent, fait de chacun des candidats des hommes complètement interchangeables. N’ayant d’autre choix que de se soumettre à une présentation très organisée de sa personne, le candidat n’a pratiquement aucune place pour afficher son unicité auprès des dames. Ainsi, il semble que l’émission Allume-moi soit un gigantesque marché de l’amour où les candidats sont littéralement transformés en marchandises disposées aux choix des femmes. D’autre part, comme lors d’une transaction conclue en un clic, un bouton lumineux sert de médium par lequel les femmes affichent leur intérêt pour le candidat. Cela vient une fois de plus conforter l’idée que la rencontre amoureuse relèverait d’une sorte de magasinage du partenaire devenu littéralement un produit répondant ou non à la demande féminine. La rencontre amoureuse à Allume-moi est donc «facile, très presse-bouton, [et sa formation] ne semble nécessiter aucun apprentissage difficile» (Allemand: 92). Cependant, puisque cette rencontre amoureuse entre les célibataires de l’émission est issue de l’«effort des deux parties» (Idem) masculine et féminine pour rencontrer quelqu’un, l’amour devient une sorte de jeu où chaque pion est maître de ses mouvements. Ainsi, la rencontre méthodiquement calculée des célibataires à Allume-moi brise totalement le principe de Finkielkraut selon lequel la rencontre de l’être aimé doit être un événement brusque et imprévisible dans la vie de l’amoureux potentiel. À Allume-moi, «le couple […] transparaît comme le produit d’un accord négocié» (Bergström: 436) plutôt que comme l’alliance naturelle de deux individus s’étant mutuellement trouvés.

Quoique différente, l’émission Occupation double propose elle aussi aux célibataires d’apprendre à se connaître dans des contextes scrupuleusement prévus. Tous les candidats ayant pour tâche de séduire l’autre sexe, l’émission se déroule également dans l’idée de reconstruire la rencontre amoureuse. Prétextant pouvoir former des couples durables, il apparaît cependant que la réalité d’Occupation double ne colle aucunement à la réalité des relations amoureuses non médiatisées. En effet, tandis que la production s’ingénie à trouver de nouvelles escapades pour les candidats, ceux-ci se retrouvent dans des situations hors du commun, mais qui forment pourtant le fond sur lequel ils doivent conquérir leur future moitié. Parce que les candidats sont confrontés à des situations peu représentatives de leur réalité quotidienne, leurs relations interpersonnelles s’en trouveront elles aussi nettement biaisées. Puisque la connaissance de l’autre est programmée pour se faire dans un environnement inhabituel, il se trouve que les candidats ne seront pas entièrement naturels.

Dans cette émission, l’émotion agissant comme régulatrice de l’action, «[l]a communication [apparaît non plus comme] du parler, [mais comme] du faire parler.» (Huillier: 14) Les candidats communiquant sous le couvert de l’expérience particulière qu’ils vivent, leurs discours seront impérativement colorés par celle-ci. D’autant plus que «[s]e dire [soit] toujours [un processus de] séduction, y compris lorsqu’on décrit ses défauts» (Couderec et al.: 31), il se trouve que les connaissances que retireront les candidats les uns sur les autres seront carrément faussées. L’émission favorisant également des contacts romancés entre candidats, les comportements de ceux-ci se trouveront forcément influencés par le contexte dans lequel ils évoluent. Ainsi, la plupart du temps l’être aimé potentiel sera entièrement «fantasm[é par l’amoureux] à partir d’instantanés [de lui]» (Couderec et al.: 31) qui ne seront pas représentatifs de son tempérament authentique. De plus, ayant choisi de participer à cette émission dans l’ultime but de trouver l’amour, les candidats seront nettement plus disposés à vouloir se laisser séduire. Chacun s’égarant donc sur la véritable nature d’autrui «à proportion de son vœu de [l’aimer]» (Couderec et al.: 31), il s’en suit invariablement une «déformation de l’image» (Couderec et al.: 31) des partenaires amoureux. Cela dit, nous pouvons constater que l’émission Occupation double passe elle aussi à côté de ce que devrait être une véritable rencontre amoureuse.

 

Des amoureux se choisissant consciencieusement

Ensuite, ces deux émissions participent d’une vision superficielle de l’amour parce qu’elles fondent des couples basés sur des critères purement artificiels. Bruckner nous dit déjà que «[c]onvoiter, c’est d’abord évincer, apposer une grille sur les visages et les corps, les confronter au code de la beauté stéréotypée.» (Bruckner: 55) Il se trouve que les jeux de séductions ici analysés prônent en effet un amour qui naîtrait des préférences individuelles des candidats bientôt transformées en critères de sélection du partenaire amoureux. En cela, les émissions Allume-moi et Occupation double contreviennent largement à la nécessité d’une distanciation de soi dans la connaissance de l’être aimé proposée par Finkielkraut.

Comme nous l’avons précédemment abordé, dans Allume-moi les femmes basent leur jugement sur le physique du candidat qui se présente à elle. L’homme doit être ni trop grand, ni trop petit, ni trop gras, ni trop mince, avoir des défauts pas trop déplaisants et des qualités dignes d’un surhomme, exercer une profession qui convient aux valeurs des femmes (ou à leur horaire), être d’une région qui a la cote, et plus encore. Bien que dans la vie ordinaire ces éléments aient également un impact dans le choix du partenaire amoureux, la différence est issue du fait qu’ils étaient alors simplement des préférences le plus souvent «implicite[s]» (Bergström: 437) et qu’ils se transformeront, sur les plateaux de tournage, en standards rigides auxquels les candidats doivent se conformer pour plaire. En effet, nous nous apercevons rapidement que les candidats de cette émission doivent impérativement faire des choix qui impliquent de «désigner des "favoris" [et] d’en exclure d’autres aussi rapidement.» (Veyrié: 56)

Cela trahit le fait que dans cette émission l’amour procède d’un véritable triage d’individus effectué en fonction de rapides préjugés sur l’apparence et de critères arbitraires. Les candidates ayant seulement droit à l’enveloppe corporelle du participant se trouvant devant eux, il apparaît que celles-ci font leur choix d’un partenaire amoureux comme elles choisiraient un vêtement dans un catalogue. Une candidate sélectionne donc son homme selon son profil sans que l’homme ait véritablement à intervenir. Parce que les célibataires se choisissent mutuellement sur la base de critères de l’être aimé idéal, cette émission encourage plutôt les relations amoureuses basées sur l’attrait physique que sur la connaissance véritable de l’Autre. De cette manière, l’émission Allume-moi transmet une idée de l’amour qui va à l’encontre de ce qu’Alain Finkielkraut affirme sur le partenaire amoureux qui devrait laisser l’être aimé apparaître à lui dans toute la splendeur de sa différence.

Pour sa part, l’émission Occupation double donne à voir des candidats qui sont également en véritable «compétition fondée sur le talent relationnel et monstratif» (Mehl: 260) pour trouver l’amour. En effet, dans la vie réelle, une rencontre amoureuse se déroulant normalement entre deux partenaires seulement, il est plutôt inhabituel pour un homme et pour une femme de tenter de séduire plusieurs femmes/hommes à la fois. Parce que ces hommes et ces femmes doivent s’efforcer de plaire à plusieurs autres en même temps, l’amour devient un gain issu d’une compétition de séduction entre différents candidats. Devant littéralement se faire une publicité pour plaire, les participants sont l’exemple typique des différents produits de consommation offerts sur le marché de l’amour. Il s’en suit donc que la valeur de l’amour est banalisée, voire «conduit[e] vers une apogée caricaturale» (Mehl: 260) basée sur les lois de la concurrence commerciale. Dans cette compétition féroce, il est exact de dire que «[d]ésormais, un rien peut se retourner contre [un candidat] ou jouer en [sa] faveur, l’âge, la taille, l’aspect, l’habillement, la voix.» (Bruckner: 49) 

Le choix des couples à Occupation Double, par Groupe TVA (Quebecor Media)

De plus, le processus d’élimination hebdomadaire des candidats vient ajouter une pression à ces derniers désormais obligés de séduire. Dans cette émission d’échanges entre les candidats, «[c]eux qui ne séduisent pas n’entrent pas en commerce avec les autres, ne parviennent pas à se faire remarquer, tombent dans l’anonymat, disparaissent, sont relégués dans l’ombre» (Le Guay: 223) et seront inévitablement éliminés de l’émission. Ajoutant à cela le fait que le public ait un droit de veto sur le candidat éliminé, les participants doivent s’efforcer de plaire non seulement à l’autre sexe, mais aussi à ceux qui regardent l’émission. Il s’en suit donc que chacun des candidats doit s’appliquer à une véritable mise en scène de lui-même afin de n’apparaître que sous son plus beau jour. À Occupation double, nous pouvons dire que le téléspectateur est plutôt exposé à un «amour [(s’il en est)] réduit à ses expressions les plus visibles» (Huillier: 12) et où le candidat doit constamment s’adapter à l’amoureux potentiel pour arriver à le séduire. Ainsi, l’amour prôné à travers ce concept télévisé diverge considérablement de l’amour exposé par Finkielkraut selon lequel l’Autre ne doit pas se fondre dans le moule du partenaire idéal selon l’amoureux.

 

L’influence de ces émissions sur les téléspectateurs

Afin de bien comprendre comment la conception de l’amour s’est transformée par le biais de la télévision, il convient de nous arrêter un moment sur un phénomène social important: la montée de l’individualisme. Nous croyons, comme Edgar Morin le dit dans son ouvrage Nécrose, que la montée de l’individualisme a transformé l’homme en «être libidineux [et mené non plus] par le souci d’épargne, la morale, [ou] la religion» (Morin: 244), mais bien par «le désir de satisfaire [s]es [propres] désirs» (Idem). La société traditionnelle cédant bientôt la place à la société capitaliste actuelle «mettant l’accent sur le profit d’abord» (Idem), l’individu est lentement devenu un consommateur. Perdant peu à peu ses repères, l’individu s’est retrouvé avec des valeurs aux fondements de plus en plus fragiles. L’amour s’est donc lui aussi considérablement transformé et est devenu «synthétique, enveloppant en son sein des pulsions et des valeurs contradictoires.» (Morin: 184) Morin dit du consommateur qu’il en viendra à pratiquement «consommer sa propre vie» (Idem) et par conséquent à n’accorder qu’une valeur utilitaire à ses relations interpersonnelles.

En effet, «for[t] de [sa] récente liberté [de consommateur, l’individu] sera susceptibl[e] de prendre l’initiative» (Bruckner: 51), choisissant ses fréquentations comme les produits qu’il consomme, c’est-à-dire au gré de ses désirs. N’ayant d’autre expérience que celle de son habituelle consommation sur laquelle se baser dans le choix de ses partenaires amoureux, le consommateur s’arrêtera à des détails superficiels pour évaluer ses semblables. Dans cette société capitaliste, le désir «marchand [favorisant] la circulation dans la relation amoureuse [comme] dans la consommation d’objets» (Le Guay: 224), bientôt «l’homme consommateur [sera également l’amoureux] qui se désintéresse [complètement] de l’investissement» (Morin: 245) dans la connaissance profonde de l’être aimé. Alors que, d’un côté, il voudrait maîtriser tous ses choix (y compris amoureux); d’un autre, le consommateur voudrait également s’affranchir de ce qu’Umberto Eco nomme les «projets risqué[s] et responsable[s]» (Eco:129). C’est justement la volonté de l’individu de fuir cette responsabilité «où il [lui] fau[dra] prendre le risque de l’autre [bouleversant nécessairement ses] attentes» (Bruckner: 36) qui le mènera à s’appliquer de moins en moins à véritablement connaître autrui: ultime base de la relation amoureuse.

Considérant que la plupart des téléspectateurs sont conscients de la superficialité de l’amour dans les jeux de séduction, nous nous sommes interrogés sur les raisons qui faisaient en sorte que ces mêmes téléspectateurs décident malgré tout de les écouter. Nous dirons d’abord que pour fonder son identité, l’individu a besoin de faire des expériences. Cependant, ces expériences ne peuvent à elles seules assurer la construction identitaire d’un individu, car «[l’]expérience [propre d’un individu] ne peut s’évaluer que dans la confrontation avec d’autres expériences» (Mehl: 260) extérieures. Ainsi, la construction de l’identité d’un individu ne serait possible que par une certaine comparaison entre les différents vécus des gens d’une société. La télévision serait donc un intermédiaire par lequel le téléspectateur pourrait facilement comparer son expérience personnelle de l’amour, par exemple, à celle des candidats participant à des jeux de séduction. Il est important de souligner que du moment où le téléspectateur écoute une émission de télévision, celle-ci consiste en un répertoire de références desquelles il peut se servir dans sa propre vie. Cependant, la comparaison entre téléspectateur et candidat se fait plus intensément si le téléspectateur se reconnaît des éléments communs avec le candidat en question. En effet, le téléspectateur sera automatiquement enclin à «se projeter sur la figure à laquelle il ressemble le plus dans le programme (selon ses origines régionales, culturelles, sa sexualité, son apparence physique, son âge, etc.)» (Soulez: 232). Celui-ci s’identifiera au candidat qu’il aura choisi dans l’objectif «d’évaluer quelles [seraient] ses propres chances» (Idem) dans le même contexte. Non pas qu’il souhaite nécessairement se projeter en tant que participant à l’émission, mais le téléspectateur sera porté à évaluer son potentiel personnel en amour en fonction des chances du participant qui lui correspond le plus dans le jeu de séduction.

Bien que plusieurs études démontrent que les enfants seraient plus sujets à être influencés par la télévision étant donné leur jugement plus malléable, il est pourtant significatif de constater que «[c]haque tranche d’âge serait tentée d’aller chercher ses références dans la tranche immédiatement supérieure, là où les conditions de vie paraissent plus proches» (Berthiaume, 2013) de la sienne. Cela implique que si le téléspectateur est témoin de l’appréciation ou de la non-appréciation du comportement d’un candidat auquel il s’identifie, il en déduira la conduite la plus appréciable d’adopter. Dans les jeux de séduction, il apparaît que l’influence des téléspectateurs est d’autant plus grande que l’amour consiste en une boîte de Pandore dont il est difficile de percer les secrets. Considérant que chacun est poussé par un désir de plaire, l’amour est un sujet délicat dont tous cherchent à maîtriser les codes. Par les jeux de séduction télévisés, «chacun a [donc] l’impression qu’il va au moins pouvoir comprendre, trouver la clé du problème et apprendre "le geste qui sauve"» (Huillier: 11).

Sur ce point, les travaux d’Aurelia Jane Lee viennent jeter une lumière incomparable sur la façon dont les individus se sentent interpellés par les émissions de télévision. Celle-ci part du principe de la métaphore pour montrer que cette figure de style n’est pas simplement un fait textuel, mais est aussi un schéma de pensée. Rappelons brièvement que la métaphore consiste en une comparaison fondée sur l’analogie entre deux éléments, mais sans l’outil de comparaison, ce qui a pour effet de prêter au comparé les caractéristiques du comparant. S’inspirant des travaux de George Lakoff sur la métaphore cognitive, Lee cherche à établir les rapports existant entre la métaphore et la fiction. Tentant de comprendre comment la télévision opère une influence sur les téléspectateurs, elle dira que c’est par la métaphore entre la fiction et la réalité du téléspectateur que ce dernier trouvera dans les émissions télévisées des échos à sa propre vie. La métaphore serait donc un «processus de transposition [qui] f[er]ait correspondre [entre eux] les éléments d’un domaine-source (plus concret) avec les éléments d’un domaine-cible (plus abstrait)» (Lee: 92). Ainsi, lorsqu’un téléspectateur regarde une émission de télévision et qu’il est témoin de l’expérience réelle du candidat à un jeu de séduction par exemple, il serait tenté de se servir des expérimentations du participant pour imaginer sa prochaine expérience amoureuse.

En fait, l’expérience dudit candidat servirait d’essai au téléspectateur. Le participant se jetant à l’eau avant lui, le téléspectateur serait donc à même «de faire des projections avant d’agir, d’imaginer comment les choses vont se passer pour éventuellement prévoir les dangers, calculer les risques» (Lee: 95) de sa future expérience de l’amour. Les jeux télévisés seraient donc une façon pour le téléspectateur de «comprendre et [de] maîtriser [son expérience personnelle] par l’intermédiaire du symbolique» (Idem). Le téléspectateur, se fiant au résultat de l’expérience du candidat, en viendrait à «modéliser des schémas d’action» (Idem) possibles sur lesquels il pourra s’appuyer pour sa propre expérience. Le besoin de s’identifier à un participant du jeu de séduction tiendrait donc du fait de la sécurité de voir et de connaître l’expérience amoureuse dudit participant comme une idée de ce que pourrait être l’amour. Cela «a[urait] quelque chose de sécurisant [puisque] [n’]est véritablement inconnu, et donc angoissant, ce qui n’est pas comparable à rien de connu, et donc indéfinissable.» (Lee: 96) Le téléspectateur n’étant pas à même de pouvoir déjà contrôler sa future rencontre amoureuse, c’est à travers la relation amoureuse du candidat que le téléspectateur pourra valider le type de comportements amoureux censés fonctionner avec l’autre sexe. En ce sens, l’expérience du candidat à la télévision est une invitation pour le téléspectateur à tirer des leçons à partir d’un vécu particulier.

Il est important de mentionner que le processus de la métaphore est rendu possible également par les stratégies utilisées par les émissions télévisées pour rejoindre les téléspectateurs dans leur salon. Puisque la télévision est dans l’impossibilité de faire réellement participer les téléspectateurs à l’événement, elle doit «faire appel à la spectacularisation» (Jost et al., 2014) du public, c’est-à-dire à sa mise en scène à même l’émission. Sur le plateau de tournage d’Allume-moi, le public est présent et celui-ci a un rôle actif dans la validation ou l’invalidation des comportements amoureux pour les téléspectateurs. En effet, puisque le public est chaleureusement invité aux réactions, il apparaît au téléspectateur comme une entité représentant une sorte de consensus. Applaudissant, criant ou boudant le plus fort possible pour manifester son avis, le public agit en tant que référence pour le téléspectateur qui se fiera donc à l’approbation ou la réprobation d’un comportement particulier dans sa décision de le reproduire ou non. Formé de gens ordinaires, le public des émissions de télévision vise justement à établir un contact avec le téléspectateur. L’émotion de ce public permettra donc au téléspectateur de «renforcer [son] sentiment d’appartenance à un groupe [puisqu’elle] mène tout droit au recentrage [du collectif] sur l’individu et [s]es problèmes individuels» (Huillier: 13).

L’espace de l’émission lui apparaît tel un lieu «de convivialité où se confrontent opinions, sensations et impressions.» (Idem) Le public sert donc à mettre en scène un certain «pathos […] pour toucher le spectateur [dont les] attitudes et [le] regard [seront] entièrement guidés par l’émotion.» (Jost: 101) Le public aurait alors pour fonction de «donner de l’humanité et de la sentimentalité à l’œil froid de la caméra.» (Idem) À Occupation double, c’est par le processus des éliminations hebdomadaires que l’émission donne un rôle actif au public. En effet, le public a un droit de vote sur les candidats en danger qui sont évalués selon leur performance de la semaine. De cette manière, le téléspectateur se sent être le témoin privilégié d’une expérience amoureuse et l’émission répond donc à son «besoin de convivialité et de communauté» (Huillier: 13). Dans cette sorte de télévision interactive, le public pourra lui aussi tirer son épingle du jeu en jouant le rôle d’interprète des événements de la semaine et des réactions des candidats. Nul besoin d’aller chercher très loin les impacts d’une émission comme celle-ci sur les téléspectateurs qui en feront bientôt leur sujet de conversation principal, l’émission devenant une sorte de lien entre les individus tous occupés à démystifier chacun des faits et gestes des candidats.

À la lumière de cette analyse, il appert que les jeux de séduction Allume-moi et Occupation double présentent une conception de l’amour qui s’éloigne considérablement des principes fondamentaux sur lesquels Alain Finkielkraut fait reposer sa théorie de l’amour. L’amour dans ces deux émissions de télévision est non seulement réduit à une simple attirance physique, mais ne correspond pas du tout à cette apparition subite et imprévisible de l’Autre dans la vie de l’amoureux ainsi qu’à la déroute du souci de soi qu’elle impose inévitablement. D’une part, nous avons montré comment la rencontre amoureuse à Allume-moi relevait d’une véritable mise en scène de soi conduite par trois étapes précises de séduction. Les trois étapes de ce jeu organisant précisément la rencontre amoureuse, cette dernière n’est plus une injonction dans la vie de l’amoureux potentiel. D’autre part, à Occupation double nous avons pu constater comment la rencontre amoureuse se faisait dans des situations plus ou moins extravagantes et qui ne reflétaient en rien la rencontre subite, mais naturelle de deux individus. De plus, la participation des candidats à ces deux émissions implique une recherche active de l’amour qui ne concorde pas du tout avec la passivité du sujet amoureux proposée par Finkielkraut.

Ensuite, les critères artificiels auxquels les candidats de ces deux émissions se fient pour choisir leur partenaire amoureux font en sorte de transformer les individus en pur produit de consommation sur le marché de l’amour. Comme nous l’a indiqué Bruckner, à l’issue de ces jeux de séduction se trace l’image d’une société où la réussite d’un individu passe d’abord par son image. Dans le cas des jeux de séduction, il y a une pression incroyable sur l’Autre qui doit être d’une vigilance constante pour s’assurer que rien dans son apparence ne le discrédite auprès des célibataires. Les préférences individuelles bientôt transformées en critères rigides de sélection du partenaire amoureux, ils forment maintenant le moule auquel l’être aimé doit correspondre pour séduire. Dans ces deux émissions, nous pouvons constater que les célibataires deviendront rapidement des compétiteurs dans un jeu de la performance monstrative où chacun doit se vendre aux autres. Dans Allume-moi comme dans Occupation double, nous pouvons dire qu’à l’inverse de l’amour pensé par Finkielkraut, les célibataires se soucient beaucoup plus de l’image qu’ils projettent, plutôt que d’apprivoiser la différence des Autres dans l’oubli d’eux-mêmes.

Alors que la montée de l’individualisme dans cette société capitaliste moderne semble avoir tué toute forme d’engagement envers autrui, il est permis de se demander si l’individu est aussi engagé envers lui-même qu’il le prétend lorsqu’il se soumet aveuglément aux apparences dans ses choix de vie.

 

Bibliographie

Monographies

BRUCKNER, Pascal. 2009. Le paradoxe amoureux. Paris: Éditions Grasset & Fasquelle, coll. «essai», 272p.

COUDEREC, Pascal et Catherine Siguret. 2012. L’amour au coin de l’écran: du fantasme à la réalité. Paris: Éditions Albin Michel, 243p.

ECO, Umberto. 1995. De Superman au Surhomme. France: Éditions Grasset & Fasquelle, coll. «Le Livre de Poche», 217p.

FINKIELKRAUT, Alain. 1999. La sagesse de l’amour. France: Éditions Gallimard, coll. «Folio essais», 200p.

JOST, François. 2013. «Du détachement au règne de l’émotion» In Le culte du banal: de Duchamp à la télé-réalité. Paris: Éditions Centre national de la recherche scientifique (CNRS), 2013, 128p.

LE GUAY, Damien. 2005. L’empire de la Télé-réalité ou comment accroître «le temps de cerveau humain disponible». Paris: Presses de la Renaissance, 307p.

MORIN, Edgar. 1975. Névrose. Paris: Éditions Grasset & Fasquelle, 281p.

 

Articles de revues en ligne

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HUILLIER, Danielle. 1993. «L’amour à la télévision» Quaderni. no 21. En ligne. [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/quad_]

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JOST, François et Virginie Spies. 2014. «L’information à la télévision, un spectacle?» Revue française des sciences de l’information et de la communication. Vol. 5 En ligne. [http://rfsic.revues.org/1123#entries]

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SOULEZ, Guillaume. 2004. «Télé notre regard» Communications. Vol. 75, En ligne. [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/]

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