Monstres en soutane

Monstres en soutane

Soumis par Marc Angenot le 13/04/2019
Institution: 
McGill University

Type récurrent de «monstre» sanguinaire, objet tout spécial d’horreur et de dégoût, et instrument politique au premier chef, le monstre en soutane constitue déjà au XIXe siècle une des grandes figures criminelles de l´imaginaire social. Le récit cumulé des crimes du clergé forme une sorte de «genre» militant qui contribue au combat de la République contre son ennemi, le Cléricalisme. On connaît la formule, lancée au parlement par Gambetta en 1877 et dont, douze, quinze ans plus tard, le succès demeure inusable dans la France radicale:

Je ne fais que traduire les sentiments intimes du peuple de France en disant du cléricalisme ce qu’en disait un jour mon ami Peyrat: le cléricalisme? Voilà l’ennemi! (Acclamations et applaudissements prolongés à gauche).[2]

Dans le discours anticlérical de la fin du siècle en France, la haine du prêtre éclate en des termes surprenants de véhémence. Elle inspire parfois des envolées qui sont des appels au meurtre:

Le prêtre par la honte de son état, par la hideur infamante de son costume, vit en dehors de la loi commune, de la solidarité. Contre lui tout est permis, clame Laurent Tailhade, poète et anarchiste, car la civilisation a un droit de légitime défense. Elle ne lui doit ni ménagement ni pitié. C’est le chien enragé que tout passant a le devoir d’abattre, de peur qu’il ne morde les hommes et n’infecte le troupeau.[3]

 

Il s’est élaboré au cours des années une vaste thématique qui alimente cette haine du clergé où reviennent en vrac la «vermine noire», les jésuites et leurs conspirations, les religieuses «hystériques», les frères des Écoles chrétiennes pédérastes qui «salissent les mômes», les «suggestions graveleuses» du confessionnal, les «affreuses indécences» des manuels de confesseurs (re-publiés in extenso par les librairies anticléricales, ils ont contribué à donner quelques informations sur la sexualité au lectorat populaire), les «contes surannés» et «dégoûtants» de la Bible, les monstruosités d’un Jéhovah rancunier et cruel, le serpent qui «rampera sur le ventre» et Jonas dans le ventre de la Baleine, les dogmes «qui révoltent le plus élémentaire bon sens», l’opération du Saint-Esprit et l’Immaculée Conception, l’absurdité des miracles et les contradictions des Évangiles, les crimes des Papes, la Papesse Jeanne, César Borgia, l’Inquisition et ses bûchers, Torquemada, Marie Alacoque l’«érotomane» du Sacré Cœur, le ou plutôt les Saints Prépuces, les multiples prépuces conservés de Jésus, la Sainte Ampoule, la Sainte Robe d’Argenteuil, Lourdes, la Salette et autres mariophanies et impostures cléricales, la «foire aux reliques», la persécution séculaire des libres penseurs et des savants, Galilée, Étienne Dolet, le chevalier de la Barre, Renan, Darwin, Francisco Ferrer, les anathèmes obscurantistes et antidémocratiques du Syllabus,[4] le coût du clergé concordataire, l’«atrophie mentale» procurée par les écoles congréganistes – vaste bric-à-brac cumulatif qui forme au 19e siècle et longtemps au siècle passé une sorte de culture érudite de très large diffusion chez les républicains de toutes classes, lettrés ou «primaires».

 

La religion et les prêtres complices de toutes les réactions, ceci a un nom péjoré dans le langage anticlérical, c’est «l’Église»: «L’Église n’enseigne que le mensonge, l’irréel et l’anti-scientifique et ne règne que par la soumission aveugle, l’ignorance, le fanatisme de la foule.»[5] Pour l’esprit positiviste, l’Église qui «méprise la science», promeut l’«oppression des esprits» et opprime la «liberté des consciences».  Elle veut «cloîtrer la pensée dans le dogme», avait formulé Victor Hugo.[6] La politique de Rome systématiquement hostile à la fois à toutes les «découvertes» (du philologue Renan au naturaliste Darwin) et, d’un même mouvement, à toutes les aspirations démocratiques, a fait de son mieux pour alimenter cette thèse des hommes de progrès. «Les papes ne cessent d’anathémiser le progrès. En ceci, ils sont logiques.»[7] Pour le républicain, le Syllabus de Pie IX est l’adversaire déclaré de la Déclaration des droits, Rome et le «cléricalisme» ont déclaré la guerre à la République. Pour le laïque, l’Église a «lancé l’anathème contre la liberté de conscience, contre l’instruction laïque».[8] Pour le révolutionnaire, la religion «enseigne la résignation» et protège les riches. Pour le ou la féministe, la religion «asservit» les femmes et il faut lui «arracher» ces tristes victimes. Pour le médecin, la religion s’oppose aux progrès de «l’hygiène»: la canonisation en 1881 de Benoît Labre, saint couvert des pous, particulièrement pouilleux et venu à la sainteté par la pouacrerie illustre ce point. Pour tous, dans ce front commun des progressistes, l’Église, voilà l’ennemi.

 

Le Monstre en soutane figure au premier rang des objets de détestation et de dénonciation. Il est toujours, en des temps prudes, un pervers sexuel des «exploits» immondes duquel la presse républicaine parle à mots couverts et codés. Or, des mauvais prêtres par centaines ont joué d’année en année ce rôle au naturel. Les crimes cléricaux se succèdent tout au long du siècle et contribuent, en dépit des efforts de l’Église  pour étouffer chaque affaire, à attiser la haine des prêtres. Des anti-catholiques militants compilent pour l’édification des masses les Crimes, attentats et immoralités du clergé Catholique moderne: [9] – et concluent en synthèse: «L’amour de la religion est éteint chez nos prêtres par l’amour des richesses, de la luxure, de la domination, etc. etc., et ils ne s’occupent plus que de leurs passions insensées.» Le fameux Léo Taxil se spécialise dans les années 1880 dans ces sortes de compilations diffusées par la Librairie Anticléricale, La religion du crime,  Les débauches d’un confesseur etc. Tout n’est pas faux et les comptes rendus des Assises en témoignent ! Je vais recenser quelques cas de la succession de violences sexuelles et de meurtres sadiques qui ont frappé par leur horreur répétitive les lecteurs de journaux séculiers. Je ne retiens que les cas de prêtres et clercs condamnés pour des crimes majeurs aux assises et non, – ce qui exigerait une vaste enquête, statistique – ceux qui ont comparu en correctionnelle ou ont fait l’objet d’enquêtes pour attentats à la pudeur etc. Je donnerai plus bas un aperçu de leur ampleur.

 

J’en viens donc aux affaires criminelles les plus retentissantes. Titre des journaux en 1822: «Viol et assassinat de Marie Gérin épouse Charnalet par le curé Mingrat». Antoine Mingrat est un des premiers monstres cléricaux, curé violeur et assassin, dénoncé à grand bruit par la presse tant jacobine que libérale. Il est condamné contumax en 1822 pour viol et meurtre. Il s’est enfui au Piémont et disparaît à jamais ; le gouvernement français de Charles X se garde de réclamer l’extradition. De tout temps l’Église qui a fait notoirement pression sur le gouvernement, a pratiqué le cover-up, «L’indulgence la plus scandaleuse était réservée à un prêtre assassin».  Il est le premier connu dans toute la France par le journal quotidien, – hors le monde catholique qui se tait ou bien s’indigne de la malveillance des ennemis de l’église, – d’une longue série de «curés» criminels dont les turpitudes et les atrocités alimentent l’anticléricalisme exacerbé jusqu’à la Séparation de 1905 et au-delà.[10]  Un pamphlet de Paul Louis Courier, auteur de la fameuse Pétition pour des villageois que l’on empêche de danser, dénonce à travers le pieux criminel en soutane une Église hypocrite et perverse:

 

Je ne suis pas si animé que vous contre ce curé de Saint‑Quentin. Je trouve dans son état de prêtre de quoi, non l’excuser, mais le plaindre. Il n’eût pas tué assurément sa seconde maîtresse s’il eût pu épouser la première devenue grosse, et qu’il a tuée aussi, selon toute apparence. ... on le fit curé de Saint‑Opre, village Là, son zèle éclata d’abord contre la danse et toute espèce de divertissement. Il défendit ou fit défendre par le maire et le sous‑préfet, qui n’osèrent s’y refuser , les assemblées, bals, jeux champêtres , et fit fermer les cabarets ... l’abbé Maingrat [= graphie de PLC] ne souffrait point qu’un bras nu se montrât à l’église, et même ne pouvait, sans horreur, dans les vêtements d’une femme , soupçonner la forme du corps. Ami du temps passé d’ailleurs, il prêchait les vieilles mœurs à l’âge de vingt ans, tonnant contre la danse et les manches de chemise. Les autorités le soutenaient, les hautes classes l’encourageaient, le peuple l’écoutait, les gendarmes aussi et le garde champêtre, qui jamais ne manquaient au sermon.[11]

 

L’ironie bonhomme de Courier lui valait la réprobation des gens de bien. Courier est mort assassiné en de mystérieuses circonstances le 10 avril 1825.

 

Le curé Mingrat et les manoeuvres de l’Église pour réduire au silence ceux qui le dénonçaient, y compris le frère de la victime à qui on envoie les gendarmes pour saisir les exemplaires de son mémoire, ont inspiré un demi-siècle de brochures anticléricales — dont ce livre de 200 pp. qui me demeure introuvable : Le curé Mingrat : viol et assassinat de Marie Gérin ; L'abbé Baujard ou L'ami des petites filles et des petits garçons, Paris, Librairie anticléricale, 1883.[12] On conjoint en effet l’histoire ultérieure d’un prêtre pédophile dont on ne sait que peu de choses:

 

1877. L’'abbé Baujard, vicaire de l'église Saint‑Pierre à Paris [Saint‑Pierre de Montmartre], condamné à 13 ans de travaux forcés, pour attentats à la pudeur suivis de syphiilisation, sur deux petites filles de 8 ans, dont une a failli mourir.

 

En 1826, Molitor, mauvais prêtre luxembourgeois âgé de trente ans, vagabondant en France a été renvoyé devant la Cour d’assises de Versailles.[13] Le jury, interrogé sur les questions de savoir «si l’accusé Molitor avait commis les crimes de faux, de vol, d’attentat à la pudeur avec‑violence étant ministre du culte et en état de vagabondage, a répondu affirmativement sur toutes les questions.» Molitor est condamné aux travaux forcés à perpétuité, au carcan et à la marque.

 

En 1827, c’est le tour de l’abbé Joseph ou Giuseppe Contrafatto de faire les titres de journaux. Prêtre calabrais accusé à Paris du viol d’une fillette. Le président de la cour d’assises dénonce le prêtre de Notre‑Dame‑de‑Lorette qui a «foulé au pied les premiers principes, non seulement du chrétien, mais encore de l’homme sorti des mains de la nature... un enfant à peine âgé de cinq ans aurait‑il pu inventer des horreurs que souvent on arrive à la fin de la vie sans avoir connues ?»[14] Le jury le déclare coupable d’attentat à la pudeur, consommé avec violence. L’abbé est condamné aux travaux forcés à perpétuité et marqué au fer T P. En 1845, l’abbé Contrafatto qui n’a cessé de nier le crime et de poser au martyr est gracié par le roi.

 

Antoine Berthet, fils d'artisan pauvre est distingué par son curé à cause de sa vive intelligence. Il entre au petit séminaire, mais sa mauvaise santé l'en fait sortir. Il est recommandé comme précepteur. M. Michoud lui confie l'éducation de ses enfants ; il devient ou non, ce n’est pas établi, l'amant de Mme Michoud, âgée de trente‑six ans. Il entre ensuite au grand séminaire de Grenoble où on ne le garde pas. Il trouve une nouvelle place de précepteur chez M. de Cordon. Il a une intrigue avec la fille de la maison, il est congédié. Aigri, il est le 22 juin 1827 l’assassin de Madame Michoux, dont il est resté amoureux; il tire, elle est blessée en pleine messe.

 

L’affaire Berthet inspire Stendhal. Il en fait le Julien Sorel du Rouge et le Noir.[15] Le roman serait basé sur le compte rendu du procès dans La Gazette des tribunaux du 28 décembre 1827. Ce procès, «Accusation d'assassinat, commis par un séminariste dans une église», est jugé par la cour d'assises de l'Isère à Grenoble. La fiction de Beyle présente madame de Rénal (= madame Michoux) comme réellement coupable d’adultère  — pas nécessairement le cas dans la réalité. Dans sa dernière lettre, Berthet regrette non pas son crime mais de n’avoir pas pu suivre sa sainte vocation:

Il est bien fâcheux que j’aie manqué la carrière à laquelle je me destinais; j’aurais fait un bon prêtre ; je sens surtout que j’aurais habilement remué le ressort des passions humaines.

Le 23 février 1828, Berthet, condamné à mort, est exécuté à Grenoble alors qu'il n'a fait que blesser sa victime – mais en tirant pendant la messe, ce qui est jugé impardonnable. Il subit son supplice sur la place Grenette à Grenoble. «Une foule immense, composée principalement de femmes, dit la presse, se pressait dans les rues qu’il devait parcourir. ... Tous les secours de la religion lui ont été prodigués; il les avait demandés et les a reçus avec calme; les exhortations du prêtre ont un instant fait couler ses larmes.»[16] Il avait vingt‑cinq ans.

 

Jean‑Henri Jenny, autre prêtre, en fuite, est condamné contumace le 24 août 1838, par la cour d’assises du département de l’Oise, aux travaux forcés à perpétuité pour attentat à la pudeur commis avec violences. Il est arrêté finalement à Luçon en 1842.  Arrêt rendu, le 18 mars1843, par la Cour d'assises du département de l'Oise: il le condamne à la peine de quinze ans de travaux forcés sans exposition. Un appel en cassation échoue.[17] La presse diocésaine passe ces sordides affaires sous le plus strict silence. La presse sans Dieu en parle beaucoup.

 

D’autres «curés» débauchés, pervers et sadiques inspireront tout au long du siècle sinon la grande littérature, du moins le feuilleton et les brochures de propagande anticléricale. Lisez Le Curé Roubignac, horribles tortures, atroces voluptés, par de la Brugère, broch. ¢ 15.  La Cour d’assises du Tarn, à Albi, a à prononcer, en mai 1835, sur les crimes immondes imputé à l’abbé Roubignac : sous prétexte d’exercices de piété, il a torturé la jeune Elisabeth‑Louise Faramoud : «... durant les atroces souffrances qu’il lui procurait , il exigeait de sa victime qu’elle récitât cinq pater et cinq ave ;... l’état de son corps, la nature et la place de ses blessures ; enfin, ses lentes et naïves confidences démontrent assez que l’abbé Roubignac lui avait fait tous ces maux.» Le procès remporte un succès de foule: «On devine assez l’empressement de la population à se porter aux audiences: chacun était désireux de savoir s’il était vrai comme le portait l’acte d’accusation, qu’un ecclésiastique eût épuisé sur le corps d’une demoiselle de dix‑huit ans à peine, plus remarquable encore par sa piété que par sa beauté, tout le raffinement du plus honteux libertinage ; ou si, comme le clergé s’était empressé de le publier, ce procès, inouï dans les fastes judiciaires, n’avait pour cause que l’esprit d’irréligion».[18] Condamne à douze années de travaux forcés, l’Abbé se pourvoit en cassation. A l’appui de son pourvoi, il fait valoir que les blessures volontaires, telles que celles déclarées par le jury, ne sont pas criminelles du moment que la jeune fille avait consenti à les supporter. Sur cette base juridique douteuse, le curé obtint un nouveau procès qui le recondamna.

 

Un «procès inouï», non pas vraiment – bien que la presse à chaque coup semble stupéfaite. Les crimes du clergé portés aux assises se succèdent d’année en année. En 1835-36, c’est l’Affaire Delacollonge, curé de Ste‑Marie, près de Beaune qui est  condamné à perpétuité pour assassinat avec préméditation de sa maîtresse dont il était le confesseur, Fanny Besson, et vol avec effraction dans la caisse de la fabrique de Sainte‑Marie. [19] Il étrangle sa maîtresse, dépèce son cadavre, va jeter le bas‑ventre ainsi que le cœur et les poumons dans le cabinet d’aisances. L’audience de la cour d’assises de Dijon est tout occupée des détails de la dissection fournis par l’accusé. Le jury lui accorde des «circonstances atténuantes» (?). Condamné à l’exposition au pilori, le ci-devant curé doit être évacué sans connaissance du prétoire. Il meurt au bagne de Brest. L’abbé Delacollonge : mœurs cléricales est un récit romancé inspiré de cette histoire, du naturaliste Francis Enne.

1840 : on peut lire la Relation complète du procès d’Eliçabide : précédée de détails inédits sur la vie de ce grand criminel enrichie des portraits des victimes de La Villette et d’Artigues. Gazay (Bordeaux).[20] Un séminariste assassin cette fois : «il est des crimes si horribles, si hors de la nature qu’il serait à désirer qu’on pût en effacer jusqu’au moindre souvenir. Mais cela n’est pas possible. ... On est trop avide d’émotions, la presse a trop d’organes pour que le drame terrible qui va se jouer aux Assises de la Gironde, n’ait pas un effrayant retentissement.» Eliçabide entre, en 1828, au séminaire d’Oléron, y suit un cours de philosophie, après quoi il va a Bayonne où il fait sa théologie. Puis il dérape dans le meurtre sadique. Eliçabide plaide la folie : en tuant un enfant de dix ans retrouvé horriblement mutilé sur les bords du canal de la Villette, puis en commettant un meurtre sur Marie Anizat et sur sa fille, il a cédé à «une exaltation cérébrale». Le jury de Bordeaux ne retient pas cette défense. Le juge prononce la peine de mort. Le coupable est guillotiné le 3 novembre 1840 dans la cour de la prison du Hâ. La presse mentionne en marge de ce récit d’horreur un fait de fétichisme morbide qui se reproduira ultérieurement:

 

On vient de vendre au greffe du tribunal de Bordeaux, les habits de l’assassin Eliçabide. Ils ont été adjugés à un sieur Ratblanc qui, le lendemain les a revendus à un sieur Chibire avec un bénéfice énorme. Il y a sans doute quelque spéculation phénoménale sous cet empressement que nous avons peine à comprendre.[21]

 

L’abbé Amable Parfait Delouard qui portait mal ses tendres prénoms, est un prêtre convaincu de pédophilie qui indigne la France de 1841. «Delouard, qui est âgé de plus de 40 ans, est accusé de nombreux attentats à la pudeur commis sur la personne de jeunes garçons.» Dix chefs d’attentat à la pudeur sont retenus. Le 7 mai 1841:

 

La Cour d'assises s'est occupée hier jusqu'à onze heures du soir de l'affaire du sieur Delouard, curé de Duclair, accusé d'attentat à la pudeur. Il résulte de l'acte d'accusation, qui a été lu en présence d'un très nombreux auditoire, que Delouard se serait rendu coupable d'actes nombreux de violence sur la personne des jeunes garçons qui lui étaient confiés, soit pour l'éducation religieuse de la première communion soit pour le service de l'office divin, comme enfants de chœur.  Pendant cette lecture l'accusé est resté calme et dans l'attitude d'un homme étranger à ce qui se passait autour de lui.

 

Bien que soutenu et d’abord caché par ses paroissiennes (!), Amable‑Parfait Delouard qui nie tout est condamné à la peine des travaux forcés à perpétuité. Il a droit à une complainte guillerette:

 

Ah! Le voilà enfin jugé

Cet homme hypocrite ;

Au travaux il est condamné

Pour sa vile conduite ;

Il lui fallait des p’tits garçons ,

La faridondaine, la faridondon.


On en parle dans le pays,

Biribi,

A la façon de Barbarie,

Mon ami.

 

On évoque dans les brochures d’affaires criminelles d’alors, les crimes de «Molitor, Roubignac, de la Colonge» mais aussi ceux de l’abbé Lecomte, chanoine et principal du collège de Saumur, traduit devant le tribunal d’Angers, la même année 1841, pour avoir exercé «des actes d’une profonde immoralité» envers des enfants confiés à ses soins. Et un peu auparavant, les turpitudes de Martin, curé des Grandes‑Ventes, près de Dieppe, condamné en 1837 pour «violences exercées sur des femmes et des filles au‑dessous de quinze ans». Dans son réquisitoire, l’avocat général expose ceci:

 

Toutes les jeunes filles vous ont déclaré que, quand le prêtre infâme attentait à leur pudeur, elles étaient atterrées, il y avait lutte, lutte inégale, car elles étaient bientôt obligées de céder à une force musculaire, à une volonté supérieures à la leur. Martin disait aux jeunes filles qui ne cédaient pas : «Tu ne feras pas ta première communion» !

 

«Tels sont ceux que le public accuse avec raison d’avoir compromis l’honneur et la dignité du sacerdoce.»[22]

 

L’Affaire Cécile Combettes maintenant, tuée à l’âge de 15 ans. Le 15 avril 1847, au petit matin, le cadavre d’une jeune fille, Cécile, employée du relieur du Pensionnat St Joseph de Toulouse est retrouvé, en position accroupie, dans le cimetière de St‑Aubin, près  Toulouse Haute‑Garonne, au pied du mur qui le sépare du jardin des frères. Le frère Léotade aussitôt soupçonné est condamné aux travaux forcés à perpétuité pour tentative de viol et meurtre par la cour d’assises  Des personnes pieuses se donnent pour mission de proclamer l’innocence de Léotade et l’impeccabilité des Frères de la Doctrine chrétienne. On colporte les récits les plus édifiants sur son dévouement évangélique envers les forçats. Il nie jusqu’à la minute de sa mort qui se produit, en 1850 au bagne. Peut-être disait-il vrai: le véritable coupable, un religieux lui aussi, peut avoir été le nommé Joseph Aspe, Frère Ludolphe, cuisinier du couvent au moment des faits. Il aurait avoué sous le sceau de la confession. On sait que ce secret est inviolable — au contraire des filles mineures. Aspe ex-Frère Ludolphe fut condamné en 1866 pour une autre affaire et finit ses jours en Guyane.

 

Les crimes des « monstres en soutane » ne s'arrêtent pas à des meurtres. Séduction de religieuses ou de femmes mariées, ce sont des désordres qui démontrent au moins que des prêtres se révoltent contre le « féroce vœu de chasteté », que ces « parias de l'amour » finissent par obéir à la loi de nature. D'autres prêtres s'abandonnent au crime et aux perversions, résultats fatals de leur mode de vie et de dogmes contre‑nature. Proxénétisme, escroqueries, chantages (« à force de chanter la messe, il avait fini par savoir faire chanter les autres »[23]), viols de fillette et de garçons mineurs, empoisonnements, incendies criminels, infanticides, tout le code pénal y passe ; le mauvais prêtre est cependant le plus souvent « pédéraste ». L'horreur qu'inspire la passion antiphysique est reportée sur l'homme en robe noire :

 

Vois sous la soutane

Cet ignorantin

Bête comme un âne

Et parfait crétin

À cette fripouille

On voit confier

Des fils qu'elle souille :

C'est à châtier.[24]

 

Les prêtres «pédérastes» sont de fait nombreux sous la Troisième République à comparaître en correctionnelle. Dans les départements les moins déchristianisés, ils sont le plus souvent acquittés ou le parquet préfère conclure au non-lieu pour n’âtre pas écharpé par la populace... et les enfants qui ont diffamé un homme de Dieu sont expédiés en maison de correction.  Les prêtres pédérastes qui «salissent» les enfants du peuple forment un objet d’horreur et de dégoût, d’un dégoût sur lequel un Freud n’aura pas été en peine de développer ses théories. La corrélation entre célibat ecclésiastique et homosexualité est avancée par l’édition anticléricale: voir: Jacques, Souffrance, Le Couvent de Gomorrhe. Débauches, perversions et souffrances de la vie monastique (Ne pas vendre aux mineurs) [25]

 

Une série de romans et de compilations judiciaires romancées va narrer en continu au long du siècle les «actes immondes» commis par les congréganistes, les «dégoûtants exploits» des satyres tonsurés – et de conclure ironiquement: «Mettez vos enfants chez les bons frères, ô naïfs badauds, livrez-les aux monstres de la congrégation, aux anormaux en soutane!»[26] Les titres par centaines de la presse républicaine, des brochures, des feuilles volantes dénoncent ces crimes continuels du clergé : Affaire de l'abbé Marbrier, vicaire de la paroisse de la Fère, dans l'Aisne, «Ce misérable, qui tous les dimanches prêchait aux bonnes gens crédules la vertu et la chasteté, qui se donnait comme un saint aux naïfs fidèles, assouvissait ses brutales passions sur des enfants:

 

Un viol commis sur une petite fille de huit ans

 et dont une des conséquences a été

la communication

d’une maladie

honteuse

 à la

victime[27]

 

Dans son journal, L’anticlérical, Léo Taxil, pas encore converti, proclame qu’aucun jury en France ne condamnerait des parents qui chercheraient vengeance: «supposez une mère qui, apprenant que sa fille vient d'être victime d'un abbé Marbrier, se laisserait entraîner par sa colère et irait tuer le violateur de son enfant». — «Que l'on ne vienne pas me dire que j'excite ici à l'assassinat»!

 

Les moines et réguliers ne manquent pas dans la liste courante des criminels. En 1888-89, plusieurs trappistes sont condamnés. La Lanterne qui a «couvert» toute l’année «les scandales de Citeaux» triomphe à sa façon le 9 décembre en dressant la liste de 41 clercs pédophiles de la même congrégation condamnés aux assises et en correctionnelle au cours de l’année «pour coups et blessures, mauvais traitements ou outrages publics à la pudeur»:

 

MONSTRES EN SOUTANE

LES SCANDALES DE CITEAUX ET DE SAINT‑MÉDARD‑LES SOISSONS

... nous publions le résumé des condamnations

qui viennent de frapper l’enseignement religieux

dans la personne des bons frères de la congrégation de Saint‑Joseph.

Ces condamnations, ce sont les tribunaux qui les ont prononcées

et l’on ne peut accuser les magistrats actuels d’être les ennemis de la soutane.

...

Le bilan

Les totaux des condamnations donnent

pour la seule congrégation de Saint‑Joseph,

les chiffres suivants :

Travaux forcés. — 6 ans.

Réclusion. — 16 ans.

Prison – 14 ans, 7 mois et 19 jours,

Amende. ‑ 372 francs.

 

«Que les mères réfléchissent donc en face de ce lugubre tableau. Nous n'en dirons pas davantage. Nous souhaitons pour elles de ne plus avoir à constater des larmes versées un peu tard sur de nouveaux enfants souillés par des monstres en soutane.» Le premier de l’an 1889, La Lanterne continue à relater «les Scandales de la trappe de Mortagne» et la presse radicale qui emboîte le pas se sent tenue à l’autocensure de la décence : « actes d’immoralité tellement dégoûtants qu’il est impossible de les décrire ». Le 18 février la presse en vient à un autre cistercien:  le «chaste serviteur de Dieu » est accusé de « faits d’immoralité sur de jeunes garçons ». Il s’agit du procès qui va s’ouvrit du «sieur Thimoraer, Marius, dit frère Hyacinthe, dont l’affaire a été renvoyée à une autre session «pour permettre aux médecins de dire si ce pédéraste jouit de toute sa raison», – le Frère Hyacinthe dont le nom passera en symbole-type des crimes du clergé «avec quarante enfants de moins de treize ans victimes de ses attentats ». La circonlocution pudique s’impose toujours : on évoque les  « attouchements dégoûtants de ce triste personnage», auquel le jury de la Côte d’Or va trouver «des circonstances atténuantes», tout en le reconnaissant coupable «de crimes aussi odieux que dégoûtants».[28]

 


Un médecin hygiéniste, militant antireligieux, le Docteur Wahu a publié Le Pape et la Société moderne, suivi du Célibat ecclésiastique et monacal, Rouff, 1879, où il a accompli une précieuse compilation (on ne peut parler de travail de bénédictin!) : il a dépouillé pendant dix-huit ans la presse de France et d’Algérie pour dresser la liste de tous les prêtres, réguliers, congréganistes, frères de la Doctrine chrétienne, effectivement condamnés, aux Assises et/ou en correctionnelle, pour des crimes «portant atteinte a la morale» de 1861 à 1879. «Un fait scandaleux raconté de loin en loin par les journaux ne produit sur Ies lecteurs qu’une impression médiocre et passagère. Et c’est pour cela que j’ai voulu réunir en un faisceau compact les condamnations prononcées contre d’hypocrites marchands de morale». On trouve un total de cent dix cas d’attentats à la pudeur et viols, ayant fait objet de condamnations de 1861 à avril 1879 inclus – dont soixante huit attentats sur des enfants. Sa liste présentant de sommaires détails des 110 criminels signalés s’achève au printemps 1879:

 

.... 1879. — Par arrêt de la cour d’assises de Montauban (Tarn‑et‑Garonne), du 22 mars 1879, le nommé Seguv (Augustin), frère mariste, 48 ans, reconnu coupable d’avoir commis plusieurs attentats à la pudeur, sans riolence, sur des garçons de moins de 13 ans, dont il était l’instituteur à Castelsarrasin, a été condamné, par contumace, à 20 ans de travaux forcés ét à 20 ans de surveillance, le Siècle, 3 avril 1879.

1879. — Le frère Prunier, directeur de l’école chrétienne de Samoëns (Haute‑Savoie), âgé de 28 ans, vient d’être arrêté et incarcéré à Bonneville. Il est accusé d’actes odieux sur les enfants confiés à ses soins. Voici dans quelles circonstances a été faite l’arrestation. Trois enfants atteints de maladies toutes spéciales, avaient été visités par les médecins qui firent un rapport dont les conclusions éveillèrent l’attention du parquet. Ce dernier se transporta le 25 mars à l’école et le résultat de son enquête fut l’arrestation immédiate du personnage. ... En Savoie, l’émotion est énorme. La Lanterne, 6 avril 1879.

1879. —L’Opinion annonce qu’un nouveau scandale ecclésiastique vient d’éclater à Malines. Voici les détails que nous donne notre confrère sur cette grave affaire. Le nommé M,.., vicaire à Notre‑Dame d’Hanswick. a pris la fuite. Le parquet l’a mis en prévention du chef d’une série d’attentats à la pudeur commis sur des petits garçons qui remplissaient à l’église l’office d’enfants de choeur. Il F a plus d’un an que ce misérable se livrait à ces actes honteux: et le jour même où il s’est Sauvé pour se soustraire à la main de la justice, il avait dit la messe, Celle‑ci était servie par quelques‑uns de ces enfants, victimes de ses passions infâmes. C’est ce prêtre qui, chaque dimanche, faisait répéter aux fidèles la fameuse prière, «Des écoles sans Dieu et des maîtres sans foi, délivrez‑nous, Seigneur».

 

Le compilateur des Crimes, attentats et immoralités du clergé catholique a dépouillé pour sa part et s’est borné à transcrire des coupures de la presse belge des années 1850-60 cette fois, avec les seules affaires venues devant les tribunaux, mais pas seulement les violences sexuelles. Le chapitre 4 résume les «Impuretés. — Attentats aux moeurs et à la pudeur. —Viols. — Adultères. — Actes de la plus ignoble lubricité, etc., commis par des prêtres catholiques.» Il succède au chapitre 3, qui relève, lui, un à un les faits d’«Empoisonnements, meurtres, rapts... ».  Exemple de ces coupures de presse qui s’accumulent sans commentaire:

La cour d’assises du Luxembourg [— belge, à Arlon] aura à s’occuper de l’affaire à charge du sieur Outer, vicaire de Gomery, accusé d’attentats à la pudeur sans violence sur des enfants du sexe féminin âgées de moins de 14 ans. L’accusé étant fugitif, l’affaire sera jugée par contumace.

Un mandat d’amener a été décerné ces jours derniers contre un père Augustin d’un couvent de Gand, sous la prévention d’attentat aux mœurs. Le prévenu paraît avoir quitté le pays.[29] Etc.

 

Pendant plus de quarante ans, sous la IIIe république, le quotidien La Lanterne a accumulé les récits et les statistiques de crimes pédérastiques, d’outrages à la pudeur et autres attentats aux mœurs commis par les «ensoutanés».

L’empoisonnement est, dit-on, le crime des hypocrites, le crime des lâches : à ces titres il convient aux mauvais prêtres. En 1882, l’abbé Joseph Auriol, curé dans les Pyrénées‑Orientales, qui défrayait la chronique locale en entretenant des «relations équivoques» avec l’institutrice, est condamné pour avoir empoisonné deux vieilles filles pieuses de sa paroisse desquelles il convoitait l’héritage,  les sœurs Marie et Rose Fonda. La première résistait et empêchait sa soeur de céder. A peine fut‑elle morte de suspecte façon que sa soeur, ayant hérité d’elle, fit son testament au profit du curé. Elle mourut à son tour onze jours après. Le procureur général requiert en ces termes: «Vous ayez devant vous, un homme d’une incroyable perversité, qui a manqué à toutes les lois divines et humaines, qui, ayant fait voeu de chasteté, a poussé les débordements jusqu’au dernier degré d’impudicité, a précipité dans, la tombe deux pieuses femmes qui avaient confiance en lui, leur pasteur». Le curé de Nohèdes est condamné aux travaux forcés à perpétuité. [30]

Le «meilleur», meilleur dans la scélératesse, de tous les «monstres en soutane» de la fin du siècle a été jugé en décembre 1889 aux Assises de l’Aveyron et condamné sur dix‑sept chefs d’accusation: abus de confiances, faux et usage de faux, avortement, vols qualifiés, attentats à la pudeur, profanation de cadavres, viols, et assassinat, – la plupart de ces chefs au pluriel. Le jeune vicaire avait commencé sa carrière en cherchant à empoisonner le curé de Lagarde en versant du poison dans les burettes de la sainte messe et en allant engager les objets du culte «pour visiter le mauvais lieu»:

Le séjour de Boudes à Lagarde ne fut qu’une suite de débauches et de crimes : le nouveau vicaire vole plusieurs malades au lit de mort, en abusant de la confession dernière pour frustrer les héritiers à son profit ; ses moeurs sont infâmes; enfin, craignant d’être signalé à l’évêché, il essaie d’empoisonner son curé en versant dans les burettes de l’église une effroyable drogue, composée d’eau sédative et de chlorhydrate de morphine.[31]

 

Bénéficiant du soutien longanime «inexplicable» de l’évêque de Rodez, Mgr Bourret, quoiqu’il ait été d’abord chassé du petit séminaire pour vol et du collège ecclésiastique de Bourg Saint‑Andéol, pour «immoralités», l’Abbé Boudes exerce ensuite à Taurines, village où il est nommé curé en 1871. Il prête à la petite semaine et falsifie des billets,  il dérobe aux confrères des paroisses voisines leurs ornements sacerdotaux, et surtout il met à mal pendant quinze ans plusieurs cantons de montagne dont il sodomise éclectiquement enfants de chœur, écolières, paroissiennes, jeunes gens appelés au service — avant que la population ne se rebiffe. Enfin, dans la nuit du 1er au 2 mars 1875, l’abbé Alvar, curé d’une paroisse peu éloignée, Saint‑Circq, est assassiné dans sa chambre. «On le trouve assommé au bas de son lit, criblé de coups de couteau et de coups d’ongle, une main ensanglantée marquée sur son épaule. L’argent que l’abbé Alvar vient de toucher pour les réparations de son église a disparu.»[32] Après un internement dans un asile à Montpellier (il simule sa folie), le curé s’enfuit et récidive. Boudes se fabrique un faux certificat d’identité et reprend tranquillement ses habits ecclésiastiques. En 1888, le supérieur de l’école Sainte‑Marie d’Albi, trompé par son faux certificat, l’accueille comme professeur de son institution où il recommence ses crimes.

 

Il a fallu près de vingt ans pour le voir poursuivi et passer en cour d’assises à la jubilation de la presse anticléricale qui accuse l’évêque de Rodez d’avoir toujours tout su et tenté d’étouffer le scandale en déplaçant le curé à plusieurs reprises, et en fin de compte d’avoir fait pression sur les victimes et les témoins pour qu’ils ne l’accablent pas. Après une courte délibération, le jury de l’Aveyron rapporte son verdict: Boudes est condamné aux travaux forcés à perpétuité. Une foule énorme se presse autour de lui, à la sortie du Palais, sifflant, hurlant et criant : « A. mort ! A la guillotine! » Les gendarmes et la troupe ont toutes les peines du monde à maintenir l’ordre et à protéger le condamné. Toussaint‑Cyprien Boudes finira ses jours à Cayenne. [33]

 

Revient encore dans les années 1880 le nom, qui dit apparemment tout et fait frémir, de «Gamahut».[34]  Adolphe Tiburce Gamahut est, lui, un moine défroqué, il était entré à la Trappe, devenu de chute en déchéance, lutteur de foire. Avec quatre complices, il égorge et assomme à coups de bouteille le 27 novembre 1884, une petite vieille, Mme veuve Ballerich, du 145, rue de Grenelle, pour lui voler la somme de ... deux francs cinquante. Condamné à mort le 11 mars 1885 ; il a 25 ans. Son exécution n’est pas sans difficultés qui amusent le populo:

 

Gamahut, obéissez donc !

Placez votre cou bien dessous l’mouton (bis).

Non, monsieur, je n’obéirai pas !

J’crains les coupur’s j’suis tendre comme un’ fève

Non monsieur, je n’obéirai pas !

Bougre d’abrutis ! vous me coupez trop bas. [35]

 

Peu après l’affaire Boudes, un autre prêtre, escroc, débauché, mal vu de ses paroissiens, l’abbé Albert Bruneau, d’abord chassé du petit séminaire de Mayenne pour indiscipline, mais ayant de guerre lasse reçu les ordres, est condamné à mort et exécuté en 1894 à Laval:  Il était accusé de nombreuses malversations et du meurtre de son curé, l’abbé Fricot, noyé dans un puits. Malgré les charges accumulées, Bruneau nia toujours. Certains suggèrent encore que ce «coupable idéal» était en fait innocent. [36]

 

J’ai relevé ci-dessus les affaires de «crimes du clergé» narrées par la presse au long du siècle. J’ai dans la mesure du possible vérifié sur les sources juridiques la réalité des poursuites et des condamnations. La réalité des faits demeurera il va de soi en partie inaccessible. Je n’exclus pas que les passions anticléricales ont pu jouer dans certains départements déchristianisés, de même que dans des départements pieux, le parquet préfère ne pas poursuivre ou conclure au non-lieu plutôt que d’affronter une opinion hostile et la puissance de l’Église qui se mobilise pour nier et intimider. Les affaires abouties en correctionnelle et conclues par des condamnations, peu nombreuses sous l’Empire, croissent rapidement après 1875 (35 cette année-là) comme le relève le Docteur A. Wahu en 1879.

On connaît la thèse développée par Michel Foucault dans une de ses cours au Collège de France (publié en 1999) : le Monstre moral est une figure dominante des représentations sociales du 19e siècle.[37]   En clé médicale, ce sont tous les anormaux engendrés par la société moderne ou porteurs d’un lointain atavisme, c’est le «pédéraste», la «saphiste», c’est aussi le «criminel-né», la «prostituée-née» chez Cesare Lombroso, c’est le «dégénéré» dans l’Entartung de Max Nordau.  Au cours de la fin de siècle, deux monstres par excellence et ennemis du peuple tiennent le haut du pavé : les cléricaux pour la gauche et les juifs pour la droite. L’ennemi du peuple n’est pas seulement un adversaire puissant, il doit être dépeint comme un être dégradé, pratiquant le mal pour le mal, mis par ses crimes en dehors de la commune humanité. Sa perverse abjection est la prémisse dont le sort qu’il y a lieu de lui réserver sera la conclusion. A part les mauvais prêtres issus du réel, assurément abondants, le 19e siècle littéraire a inventé toutes sortes de figures odieuses et terrifiantes, les noms de personnages de roman, Claude Frollo, le jésuite Rodin,[38] maigre, blême, sournois, le moine Paphnuce,[39] l’abbé Tigrane,[40] l’abbé Jules,[41] le curé Bernard, se confondent avec ceux des prêtres réels dont les crimes et la condamnation occupent la presse.

Des romanciers se spécialisent dans la dénonciation du clergé. Notamment la militante féministe injustement oubliée,  Louise Gagneur (La croisade noire, 1865; Un chevalier de sacristie, 1881 ; Le crime de l’abbé Maufrac...)

L’anticléricalisme a été instrumentalisé par les opportunistes et radicaux au pouvoir comme le moyen de rallier les classes populaires à la république «bourgeoise» étant donné que, depuis Blanqui et dans le blanquisme, la haine du «curé» avait été profondément intégrée aux haines du socialisme. Castrateur‑castré, oppresseur de l’instinct sexuel, lui‑même voué à une chasteté impossible et « anti‑hygiénique », le prêtre, chargé de « réprimer la nature » en lui et chez les autres, est fatalement porté aux « pires scélératesses ».

Il faut en prenant du recul penser une culture de la haine propre à la première modernité, celle qui va de la révolution industrielle aux deux conflagrations mondiales. Homme de son siècle, Georg Simmel pose en axiome de sa Soziologie, «l’être humain est doté d’un besoin inné de haïr et de combattre».[42]

En longue durée, les crimes commis par des prêtres ont été rarement sanctionnés par la peine de mort et cette «indulgence» a alimenté l’anticléricalisme.— Elle s’est exercée tard dans le 20e siècle, comme on le voit avec l’atroce affaire du curé d’Uruffe qui a emplit les journaux en 1956-58.  L’abbé Guy Desnoyers, 36 ans, abat sa maîtresse d’une balle de revolver, l’éventre, baptise le bébé (!) et défigure l’enfant viable qu’elle allait mettre au monde. Grâce aux efforts inlassables de l’Église, Guy Desnoyers qui comparaît devant la Cour d’assises de Nancy en janvier 1958 échappe à la guillotine; il bénéficie des «circonstances atténuantes» qu’on aurait été bien en peine d’expliquer.[43] Claude Lanzmann a publié à chaud un texte remarquable dans Les Temps modernes de Sartre, avril 1958, "Le curé d’Uruffe et la raison d’Eglise" – soutenue une fois encore par la raison d’État aux termes d’une parodie de jugement sous pression du gouvernement : René Coty, Président de la République, serait intervenu pour éviter au curé la peine de mort, afin de préserver les bonnes relations avec le Vatican. L’abbé déclare avec hauteur avant que les jurés ne se retirent pour délibérer: «Je suis prêtre, je reste prêtre, je réparerai en prêtre. Je m’abandonne à vous parce que je sais que devant moi vous tenez la place de Dieu.» — Plusieurs films s’inspirent du curé assassin après le premier court‑métrage consacré au drame, « Marie et le curé », en 1967, avec Bernadette Laffont. Un site, www.greffiernoir.com, termine le récit: Le curé d’Uruffe est libéré en août 1978. Il se retire dans un monastère en Bretagne. On perd la trace de ce prêtre, protégé par l’Eglise, jusqu’à son décès très âgé le 21 avril 2010.

Ce panorama de crimes oubliés du lointain passé pose aux médias qui prétendent débattre de l’actualité la question de savoir pourquoi ils ne posent jamais les questions les plus élémentaires qu’inspire l’histoire – dans le cas de la Crise de l’Église catholique minée par les scandales sexuels: depuis combien de temps cela dure-t-il et quelle a été en la matière l’attitude de l’Église romaine au cours des siècles ? L’Église et ses ouailles traversent une crise de désespoir, s’afflige-t-on mais ceci est-il dû à des faits récents,  nouveaux ou à l’inopportune révélation de crimes qui sont inhérents à l’institution ecclésiale? La presse catholique ressasse le thème de «Crise sans précédent», mais la crise tient-elle aux crimes mêmes – ou à leur fâcheuse révélation en dépit d’efforts séculaires de dissimulation de la part de l’Église, qui se voit comme autorité suprême refusant tout droit de regard aux institutions et aux lois séculières?  Car c’est depuis plus d’un siècle et même deux que les observateurs les plus modérés, les moins anti-religieux font savoir à l’Église qu’elle fait fausse route et se déconsidère dans la mesure où elle ne peut plus empêcher les journaux de parler de tout ceci. Je lis ceci qui a été répété en vain depuis, au Dictionnaire de la pénalité du conservateur Edme Théodore Bourg Saint‑Edme lequel remonte à 1828:

[L’esprit de corps et la tendance de l’Eglise à se créer une puissance indépendante de l’État] ... tout cela pousse les meilleurs prêtres à protéger les mauvais, et ils semblent adopter cette étrange et absurde opinion, que l’exemple du châtiment d’un prêtre, quelque coupable qu’il soit, porterait un plus grand coup à l’honneur du sacerdoce que le scandale de l’impunité. Cette opinion pouvait avoir une ombre de vérité au temps où les faits n’étaient presque jamais connus que dans les lieux circonscrits où ils s’étaient passés. Mais aujourd’hui on peut dire que le plus grand tort que les prêtres pussent faire à leur classe serait la continuation de pareilles manœuvres, dont l’odieux et le criminel retomberaient nécessairement sur tout le corps du clergé.[44]

Ce qu’il faut faire apercevoir et expliquer c’est précisément la persistance séculaire de l’Église dans la criminalité et la dissimulation.

A deux reprises récentes, en 1997 et en 2016, l’Eglise catholique de France a effectué une démarche de «repentance». La première fois, en 1997, pour l’anti-judaïsme/antisémitisme dont elle a fait preuve au cours des siècles et encore sous l’Occupation. La seconde fois pour le silence, les dénégations, le camouflage, la dissimulation systématique, la protection des coupables, attitude  que le Vatican et  les évêques ont depuis toujours observée dans les affaires de pédo-criminalité. Un essai d’une catholique, Des prêtres et des scandales de Anne Philibert (Paris, Cerf) aurait pu contribuer à changer les attitudes en faisant la lumière, mais l’auteure ne va pas très loin. La section spécifiquement consacrée aux affaires de pédophilie se limite à l’Entre‑deux‑guerres alors que le phénomène est bien documenté par la presse et les archives judiciaire en France depuis deux siècles au moins. Au reste, «Les investigations (parfois contrariées) de l’auteure dans les archives diocésaines semblent indiquer que les évêques français, éduqués dans une société de culture du secret, ont davantage cherché à étouffer les conséquences des scandales générés par leurs prêtres qu’à en traiter les causes.[45] L’abbé Christophe Roisnel, prêtre de la Fraternité Saint‑Pie‑X a été condamné le 5 mai 2017 à 16 ans de réclusion criminelle pour viols aggravés. La condamnation du cardinal Philippe Barbarin, plus haut dignitaire de l’Église de France, marque-t-elle la fin d’un tabou et d’un privilège clérical? Le pape a  pris la décision de laisser en poste Philippe Barbarin, primat des Gaules, du moins, il a reporté sine die sa démission.

Après la Pennsylvanie qui fait les titres de presse à l’été 2018, près de 700 prêtres sont accusés d’agression sur mineur dans l’Illinois en 2019. La justice de cet Etat estime que la plupart des accusations n’ont pas fait l’objet d’enquêtes appropriées par l’Eglise catholique. Il suffit d’extrapoler pour tous les Etats‑Unis et le Canada pour aboutir à l’image d’une criminalité et complicité générales. Le cardinal Blase Cupich, archevêque de Chicago, a routinièrement fait acte de contrition dans un communiqué publié sur le site du diocèse.  Il n’est pas sûr que ces élans de tartufferie sous pression du monde extérieur répondent à la profonde démoralisation des fidèles.  L’ordre des jésuites US publie les noms de prêtres pédophiles : la Compagnie de Jésus, dont est issu le pape François, veut apparemment faire preuve de «transparence». La démarche, tardive et hésitante, provoque le scepticisme des associations des victimes. Le monde clérical n’a pas toujours saisi l’étendue et la gravité du mal ... L’extraordinaire arrogance du sanguinaire Curé d’Uruffe à son procès (cité plus haut) exprime l’aveuglement et l’orgueil séculaires des gens d’Église.

Si elle veut survivre aux affaires de pédophilie, l’Eglise catholique doit se réformer, dit avec tout le monde la sociologue Danièle Hervieu‑Léger, elle le doit «en renonçant au contrôle de la sexualité des croyants par les prêtres, et en prenant acte de l’émancipation des femmes». C’est juste, l’Église romaine devrait pouvoir regarder en face la gravité du mal qui la ronge depuis des siècles –  mais c’est le cas de rétorquer : «ce n’est pas demain la veille», il est des réformes trop radicales, trop audacieuses, qu’une aussi conservatrice institution est incapable d’accomplir. Au reste pour elle, les accomplir serait se renier, elle et des siècles de dénégation, de silences coupables et de choix «mal inspirés» ...

 

 

Vous pouvez télécharger la version intégrale (80 p.) de Les Monstres en soutane, généreusement offerte par M. Angenot, dans le document pdf ci-joint

 




[1] Version revue pour http://popenstock.ca/monstres‑en‑soutane – extrait de : Marc Angenot La Quête de la renommée et de la gloire posthume: Fragments d’histoire intellectuelle

[2] Gambetta, in Journal Officiel, 4.5.1877.

[3] La raison, 21.12.1902.

[4] Ce texte pontifical de Pie IX (1864) qui précède le Concile du Vatican et le prépare se résume en sa proposition LXXX: «Anathème à qui dira: Le Pontife romain peut et doit se réconcilier et se mettre en harmonie avec le progrès, le libéralisme et la civilisation moderne». Les catholiques doivent admirer cet écrit:  «Le Syllabus brille sur les chrétiens comme un phare qui leur montre les écueils et sa lumière ne cesse pas d’importuner les enfants de la nuit et des ténèbres».

[5] Le libertaire, 7.12.1902, 2.

[6] Assemblée législative, 15.1.1850.

[7] Benoît Malon, Le nouveau Parti. Le Parti ouvrier, Paris: Derveaux, 1882, vol. I, 34.

[8]  P. Foucher, Le catéchisme républicain du libre penseur. Paris: Bibl. anti-cléricale, 1881, 17.

[9]  E. Xilesa. Rome, 1870. = Bruxelles, Vital. La documentation porte surtout sur le clergé belge.

[10] Précis historique sur Mingrat , ex‑curé de Saint‑Quentin (Isère), convaincu d’avoir assassiné Marie Gérin ; suivi des pièces justificatives et du jugement qui le condamne par contumace à la peine de mort ; par Madame ***... Publié par Etienne Dory Charnalet, époux de la victime. Date d’édition : 1824

[11] Maingrat , par Paul‑Louis Courier. impr. de David (Paris), édition psthume : 1830

[12] On y joint le récit de Collet, le prêtre voleur et escroc. seul exemplaire à Londres, British Libr.

[13] Les trois procès : de Contrafatto, prêtre sicilien ; de Sieffrid, curé de Benfeld en Alsace ; et de Molitor, prêtre allemand. Chez les marchands de nouveautés (Paris), 1827. On conjoint à cette affaire celle la même année de Sieffrid, curé de Benfeld en Alsace. Il a agressé des jeunes filles; la plus âgée a quinze ans. Le jury répond que l’accusé est coupable d’attentat aux moeurs «mais sans violences», il est donc relaxé.

[14] Causes célèbres de tous les peuples par A. Fouquier, fasc. Mingrat et Contrafatto. 5.

[15] Madame Michoux était parente d’un conseiller à la cour royale de Grenoble, portant le même nom, et ami d’enfance de Beyle.

[16] Jean Prévost a publié en feuilleton L'Affaire Berthet. En 1942. Deux ans plus tard, le résistant Prévost fut tué par les nazis dans le Vercors, le 1er août 1944, à 43 ans. – Rééd. L'affaire Berthet, de Jean Prévost, La Thébaïde, 2019. Préface de Philippe Berthier. Textes réunis par Emmanuel Bluteau.

[17] Bulletin des arrêts: Chambre criminelle, Volume 48.

[18]  Répertoire général des causes célèbres françaises, anciennes et modernes, 308. «Deux jeunes filles de la commune de Villeneuve, une veuve de la commune de Valence, âgée de 34 ans et mère de plusieurs enfans, ainsi que plusieurs jeunes filles de la même commune, viennent confirmer la vérité des infâmes tentatives reprochées au vicaire Roubignac.» Voir Gazette des tribunaux, 6.5.1835.

[19] Voir : Murder by a Priest, in Evening Mail, 14 March 1836, p. 1.

[20] Paraît aussi alors : Les fastes criminels de 1840. Les procès d’Eliçabide et du prince Napoléon‑Louis Bonaparte. Anonyme & bien plus tard: Bouchardon, L’enfant de la Villette, Paris, Éditions de la “Nouvelle Revue critique”, 1930.

[21] Les Coulisses, 18 septembre 1842

[22] Le Pèlerinage, oeuvre semi‑historique et politique en douze tableaux, par Florestan [P.‑J. de Sales]. A. Ledoux (Paris), 1844. 71.

[23] La Lanterne, 4.9. 1889, p. 2.

[24] G. Gouverneur, Les coquelicots, 1.6. 1889 p. 1

[25] Pour l'édition de 1899, nous trouvons le sous‑titre suivant : Moeurs abominables et mystères horribles des communautés religieuses.

[26] Le libertaire, 6.2.1904, 3.

[27] L’anticlérical, 24.8.1879, 1. L'abbé Marbrier, vicaire de la paroisse de la Fère, dans l'Aisne, vient d'être arrêté et va passer prochainement aux assises. ... il a fallu un scandale éclatant pour révéler une fois de plus que sous les soutanes il peut y avoir de sales brutes, et qu'en donnant à un coquin l'ordination sacerdotale, l'Eglise ne le transforme pas homme chaste et vertueux. Ainsi, voilà encore des familles qui, par la  faute d'un prêtre lubrique, se trouvent plongées dans la désolation. A chaque instant, des faits analogues se produisent.

[28] Sur le cistercien Frère Hyacinthe : Le Petit Parisien, 21.2. 1889 p. 4. ‑ « Crimes aussi odieux etc. » : Le Danton, 1.3 : p. 3.

[29] Page  217.

[30] Les Drames illustrés : journal hebdomadaire, politique et littéraire : crimes de la semaine, catastrophes, voyages extraordinaires, curiosités scientifiques et littéraires, romans et nouvelles / [rédacteur en chef Charles Lamour],  1882‑08‑06----  Crime d’empoisonnement. Deux victimes. Acte d’accusation de Joseph Auriol curé de Nohèdes. Canton et Arrondissement de Prades, Perpignan, Typogr. Rondony, 1881, — Assises des Pyrénées‑Orientales. Affaire au curé de Nohèdes, Perpignan, Impr. de l’Indépendant, 1884.

[31] Causes criminelles et mondaines par Albert Bataille. Dentu (Paris)1889.

[32] Ibid. 399.

[33] Bulletin des arrêts: Chambre criminelle, Volume 95 De France. Cour de cassation. Chambre criminelle Toussaint‑Cyprien Boudes, Arrêt rendu, le 21 décembre 1889, par la Cour d’assises de l’Aveyron, qui l’a condamné aux travaux forcés à perpétuité. « la peine la plus forte doit être seule prononcée ; Que, le demandeur ayant été déclaré coupable de faux en écriture privée et d’usage de pièces fausses, qui le rendaient passible de la réclusion, et du crime de viol, étant ministre du culte, sur une jeune fille âgée de moins de quinze ans, qui entraînait celle des travaux forcés à perpétuité, cette dernière peine lui était seule applicable...» Un compte rendu illustré :le Petit Parisien Illustré  N° 47 Du 29/12/1889 ‑ L’assassinat de M. Roux dans Son Cabinet A La Préfecture De La Seine. L’abbé Boudes‑ Condamne Par La Cour D’assises De L’aveyron. L’execution De Kaps ‑ Place De La Roquette. Une relation romancée de cette affaire: Lorenz (Paul). Le diable à huis clos [Affaires abbé Raphaël Boudes, 1889; abbé Bruneau, 1884], Paris, Presses de la Cité, 1973,

[34] Ce nom a quelque rapport avec le verbe désuet, fréquent chez Sade, «gamahucher» = pratiquer le cunnilingus ?

[35] Paroles de Jules Jouy.

[36] Compte rendu extensif : L’avenir de la Mayenne  12 juillet 1894. Cf Tanguy, Jean‑François. « Images d’un crime hors du commun : le procès et la mort de l’abbé Bruneau (1894) », Sociétés & Représentations, vol. 18, no. 2, 2004, pp. 147‑170.

[37] Foucault, Michel. Les Anormaux. Cours au Collège de France. Paris: Gallimard / Le Seuil, 1999.

[38] Dans le Juif Errant d’Eugène Sue. Ce roman, paru en feuilleton dans Le Constitutionnel en 1844, eut un succès considérable et qui ne se démentit pas.

[39] Thaïs d’Anatole France. A l’origine, le roman devait s’intituler Paphnuce: ce n’est pas Thaïs le personnage principal du roman mais le moine Paphnuce qui incarne la morale chrétienne en ce qu’elle a pour AF de détestable.

[40] L’Abbé Tigrane (1873) de Ferdinand Fabre, ancien séminariste et bon romancier.

[41] L’Abbé Jules est le second roman d’Octave Mirbeau. Jules est un hystérique en révolte permanente contre l’Église.

[42] Soziologie. Untersuchungen über die Formen der Vergesellschaftung, 1902, 261-2. Cité par Peter Gay, loc. cit.

[43] Le Double Crime de l’abbé Desnoyers, Curé D’Uruffe de Jean‑Pierre Bigeault. L’Harmattan.

[44] Rousselon, 1828 . Vol. V, 136. «On a vu, il y a peu de mois (octobre 1828), la main du bourreau flétrir d’une marque ignominieuse les prêtres Contrafatto et Molitor, tous deux coupables d’attentats à la pudeur avec violence. Mais aussi on voit avec douleur échapper au supplice le prêtre Mingrat, assassin d’une femme vertueuse dont il n’a pas craint de souiller le corps au milieu même des convulsions de la mort qu’il lui donnait.» — «... quand les magistrats d’une puissance voisine (la Sardaigne) sont saisis du monstre, ils se con tentent de le confiner dans une prison, malgré un nouveau crime commis sur leur propre territoire. L’extradition des déserteurs s’opère et s’est opérée toujours facilement entre ce pays et la France ; mais, depuis cinq années, celle de Mingrat n’a point encore eu lieu. A‑t‑elle été refusée? N’a‑t‑elle pas été demandée?»

[45] C.r. Charles Mercier. Études. numéro de Avril 2019.