Vaincre Narcisse: Fun Home et l'essai introspectif

Vaincre Narcisse: Fun Home et l'essai introspectif

Soumis par Andréane Cormier le 12/11/2013
Institution: 
Catégories: Esthétique

 

L’histoire littéraire est aussi l’histoire du rejet de nombreuses formes d’écriture. Celle des femmes, dont nous parle Virginia Woolf dans Une chambre à soi. L’écriture autobiographique, que Philippe Lejeune a tenté de légitimer depuis les années 1970. La bande dessinée, une «littérature» dédiée aux enfants qui les abrutissait et qui les incitait à s’adonner à la violence. Et que se passe-t-il aujourd’hui, si nous mélangeons ces trois formes d’écriture? Le roman graphique Fun Home, d’Alison Bechdel, paru en 2006, en est un bon exemple. À la lecture de ce roman graphique autobiographique, nous pouvons nous demander quel est l’effet, sur le récit, de cette voix personnelle et de ce sujet qui devient l’objet du texte. Nous ferons d’abord un bref résumé de l’œuvre d’Alison Bechdel, puis nous définirons ce que nous entendons par autobiographie au point de vue littéraire, son appropriation par la bande dessinée, puis en quoi l’œuvre abordée s’apparente à ce genre. Nous étudierons comment s’inscrit le narrateur dans un rapport à l’autre à travers les thèmes de la mort et de l’homosexualité, puis par l’intertextualité. Nous verrons également les nouvelles formes d’expression qui s’inscrivent dans ce roman graphique, notamment le journal et la correspondance épistolaire, en nous servant aussi de deux autres romans graphiques pour y puiser quelques exemples. Puis, finalement, nous tisserons un parallèle entre la bande dessinée autobiographique et l’essai introspectif.

 

L’autobiographie en littérature

La définition inaugurale de l’autobiographie est celle de Philippe Lejeune. Il l’élabore pour la première fois en 1971 dans L’Autobiographie en France, mais la modifie et en propose une nouvelle dans Le Pacte autobiographique, en 19751. L’autobiographie se présente alors comme un «récit rétrospectif en prose qu’une personne réelle fait de sa propre existence, lorsqu’elle met l’accent sur sa vie individuelle, en particulier sur l’histoire de sa personnalité.2» Il propose, vingt-cinq ans plus tard, une nouvelle définition du pacte autobiographique lui-même, qui insiste sur la notion de vérité, soit «l’engagement que prend un auteur de raconter directement sa vie (ou une partie, ou un aspect de sa vie) dans un esprit de vérité3.» Concrètement, pour qu’on puisse parler d’une véritable autobiographie, deux critères doivent être respectés: il doit premièrement y avoir la présence de ce pacte, où l’auteur s’engage à transmettre des faits qui correspondent à la réalité, mais ce texte doit aussi, et cette condition est beaucoup plus facilement vérifiable pour le lecteur, y avoir une concordance entre le nom de l’auteur, du narrateur et du personnage dont on parle4.  

 

L’émergence de l’autobiographie en bande dessinée

On s’entend généralement pour dire que la bande dessinée autobiographique américaine apparaît en 1972, avec Binky Brown Meets the Holy Virgin Mary, de Justin Green5. Les balbutiements du genre se font dans la mouvance de la bande dessinée underground, qui préconise des sujets dès lors bannis par les comics, notamment «le sexe, la violence, le rock, la politique, l’antimilitarisme, l’antihéroïsme, etc.»6 Malgré cet aspect «underdog» de la bande dessinée underground et les thèmes controversés qu’elle aborde, son appropriation du genre autobiographique lui permet d’atteindre une plus grande profondeur dans le récit. Thierry Groensteen, dans La bande dessinée, une littérature graphique, affirme qu’«en délaissant l’aventure pour l’évocation des menus faits dont est tissée la vie quotidienne, la bande dessinée démontre qu’elle est un mode d’expression à part entière7». On peut donc voir que, paradoxalement, l’appropriation de l’autobiographie, tant sous-estimée par l’institution littéraire, permet à la bande dessinée d’atteindre un plein potentiel et qu’elle contribue, selon Will Eisner, «à la sophistication du genre8.» Le courant autobiographique en bande dessinée atteint son apogée à la fin des années 1990, alors que de nouvelles formes naissent au sein de ce genre, notamment la confession, le journal intime, la correspondance épistolaire ou le journal de voyage9. Les femmes, bien que peu nombreuses, participent également à ce courant de bande dessinée autobiographique, et on constate une convergence des thèmes dans ces œuvres féminines, qui deviennent des récits «de familles dysfonctionnelles, d’enfance malheureuse, de la relation au corps, de problèmes affectifs10.» L’œuvre de Bechdel n’a évidemment rien à avoir avec les clichés de l’écriture pour femme, des «romans-dessinés» et des récits à l’eau de rose publiés pour un public féminin jusque dans les années 1970, mais dépasse également l’aspect de provocation présent dans la bande dessinée féminine du début de cette décennie11. D’une façon très juste et incarnée, elle aborde tout de même ces thèmes que préconisaient alors les femmes.

 

Fun Home et la dualité

Dans Fun Home, on suit l’histoire de l’auteure et narratrice Alison Bechdel depuis son enfance jusqu’au début de sa vingtaine, dans son rapport à sa famille et surtout à son père. Le thème de la famille dysfonctionnelle est d’abord amené par la figure paternelle. La narratrice dépeint son père comme un homme axé sur les apparences, qui a pour principale passion la décoration de sa maison. Les ratées de la communication semblent être une raison de ce dysfonctionnement: «If we couldn’t criticize my father, showing affection for him was even dicier venture12.» Une grande dualité se dégage de ce texte, à travers plusieurs des thèmes abordés. Avant même d’ouvrir le livre, on peut lire qu’il s’agit d’un «tragi-comic». Ce rapprochement de la tragédie et du comique crée une opposition intéressante, qui ramène le récit plus près d’un quotidien, de la «vraie vie», où les émotions ressenties ne sont pas choisies au profit d’un genre et vont au gré des événements vécus. La forme du récit, le format autobiographique, comme nous l’avons abordé précédemment, implique une dualité dans le temps: le temps de l’action et le temps de la narration. Le rapport à la mort est représenté et vécu de façon double par le personnage d’Alison. Les premiers chapitres dépeignent le quotidien atypique de la jeune Bechdel, alors que sa famille possède une entreprise de pompes funèbres et que son père pratique la thanatopraxie. L’enfant a donc un rapport précoce à la mort. Cette relation se dédouble lorsque son père meurt accidentellement, happé par un camion, bien que plusieurs, dont elle-même, soupçonnent un suicide. Tous ces contacts avec la mort ont un effet particulier sur sa réaction face à celle de son père. Elle aurait pu croire qu’il s’agissait d’une bonne préparation, «but in fact, all the years spent visiting gravediggers, joking with burial-vault salesman, and teasing my brothers with crushed vials of smelling salts only made my own father’s death more incomprehensible13.» Un autre effet de double est très présent dans le texte, entre le père et la fille. La plupart des descriptions que l’auteure fait d’elle-même s’inscrivent dans un rapport à l’autre, et le plus souvent à son père. Au moment où Alison découvre qu’elle est homosexuelle et où elle décide de l’annoncer à ses parents, sa mère lui apprend que son père a déjà des aventures avec des hommes au cours de sa vie. À partir de ce moment, les dysfonctions familiales prennent une signification différente et s’éclaircissent, mais en même temps, cette nouvelle crée un rapprochement en Alison et son père. Le secret alors brisé permet de s’éloigner du monde des apparences pour aspirer à une vérité dans le récit, mais renforce aussi le pacte autobiographique avec le lecteur, qui a maintenant davantage accès à la réalité et s’éloigne définitivement de la fiction.

 

Vaincre Narcisse: le rapport à l’autre

Ce constant effet de double dans l’œuvre n’est pas sans importance et exerce une fonction bien précise. Même s’il est impossible d’aborder l’autobiographie comme une fiction, puisque l’écriture doit composer avec des événements réels, l’auteur fait tout de même certains choix d’écriture qui ne sont pas sans effet direct sur le texte et ce qui s’en dégage. Dans le cas de Fun Home, le fait de toujours lier le personnage principal à un autre évite que le récit devienne une complaisance narcissique. On retrouve également cette formule dans plusieurs romans graphiques, et pour n’en nommer qu’un, nous pourrions parler de Pilules bleues, de Frederik Peeters. Cette œuvre relate la vie de Frederik, un auteur de bande dessinée (nous avons alors la puce à l’oreille), qui fait la rencontre d’une jeune femme, Cati. Après quelques rencontres fortuites échelonnées sur plusieurs années, ils tombent amoureux. Lorsqu’ils abordent finalement la question d’une relation, Cati annonce à Fred qu’elle est séropositive, et que son jeune fils est également atteint par le virus. Le reste du récit raconte bien sûr le quotidien de Fred, mais toujours en lien avec la maladie de Cati et de son fils et les épreuves qu’ils doivent traverser tous ensemble. Donc, d’une part, ce rapport à l’autre empêche le narrateur de se complaire dans sa douleur et dans le courage qu’il doit rassembler pour vivre un tel quotidien. D’une autre part, le fait de raconter la vie de deux séropositifs à travers le quotidien d’une tierce personne, par un autre regard et une autre voix, permet d’éviter le repliement sur soi de ces deux personnages. Textuellement, Fred dit qu’«à la longue, [il a] réussi à se débarrasser définitivement de la moindre trace de cette pitié qu’[il] trimballai[t] comme un caillou dans [sa] chaussure14», et c’est aussi ce que le lecteur ressent.

 

L’intertextualité

Si nous retournons à Fun Home, l’intertextualité contribue également à éloigner le récit d’une forme de soliloque. Les chapitres font référence à des œuvres littéraires, comme le premier, A Happy Death, qui reprend le titre du premier roman d’Albert Camus. Les personnages eux-mêmes sont souvent comparés à des figures mythologiques, et le récit de leur vie se confond parfois avec certaines œuvres, ce qui vient créer un flou entre la réalité et la fiction. Le père d’Alison est un grand lecteur, de Joyce et Proust notamment. Il s’identifie beaucoup à Fitzgerald, si bien qu’il prend un peu de ses traits: «Dad’s letters to mom, which had not been particularly demonstrative up to this point, began to grow lush with Fitzgeraldesque sentiment15.» Ces références intertextuelles suivent une forme de chronologie dans la conscience de la jeune Alison. Au début du texte, alors qu’elle est très jeune, elle associe plus fréquemment sa vie de famille à des personnages d’émissions de télévision ou de films: «I twas somewhere dring those early years that I began confusing us with the Adams family16.» La ressemblance concerne parfois la situation et les conversations, comme lorsqu’elle demande à sa mère pourquoi et ne sort jamais à l’extérieur et qu’elle lui répond: «I told you, I’m a vampire17», et parfois de façon graphique, comme lorsqu’elle place côte à côte une photo d’elle-même étant jeune et une photo de la famille Adams. Les récits autobiographiques ont aussi une valeur particulière pour le père d’Alison: «I think that was so alluring to my father about Fitzgerald’s stories was their inextricability from Fitzgerald’s life18.» Cet aspect crée, à un autre niveau du texte, un flou entre la réalité et la fiction. Le fait de raconter sa propre vie par la vie fictive de certains personnages constitue un nouvel aspect de ce rejet du narcissisme, puisque l’un des buts remplis par les personnages fictionnels est de créer une forme d’identification chez le lecteur. Si les personnages de Fun Home racontent leur vie à travers celles de leur héros et qu’ils s’identifient à eux, nul lecteur ne pourrait leur reprocher de se complaire dans la description des menus événements de leur quotidien. Le lecteur de Fun Home est lui-même en train de vivre un processus d’identification face à ses personnages, qui, de plus, sont réels.

 

L’expression du moi

La bande dessinée autobiographique n’est certes pas un genre simple, puisqu’on peut chercher ses influences dans l’autobiographie littéraire, l’autofiction, et il peut devenir difficile de savoir de quoi il s’agit véritablement. Une variante de ce genre que nous étudions est la bande dessinée du moi, connue sous l’abréviation BDM, qui est née au Japon, au milieu des années 1960. Sans vouloir plaquer ce genre à notre objet d’étude, puisqu’il présente des différences fondamentales, notamment dans le format, cette BDM présente tout de même certaines caractéristiques qui rejoignent une œuvre comme celle de Bechdel et qu’il peut être pertinent de mentionner. Béatrice Maréchal, dans son ouvrage, énonce un propos qui peut sembler paradoxal, mais qui demeure très juste. Elle affirme que le processus de création de la BDM se déroule dans la franchise, puisque les auteurs se mettent en scène dans des situations assez personnelles, mais aussi avec discrétion, puisqu’ils évitent «de se nommer, de s’embellir, de s’apitoyer sur soi ou de juger [leurs] pairs19.» Il y a donc à la fois sincérité, par «leur choix d’être la matière première de leur texte20», puis une grande forme «d’humilité dans la distance prise avec leur alter-ego dessiné21.» L’aspect graphique de la bande dessinée ajoute évidemment à ce danger de s’exposer sous son meilleur jour ou de se replier sur soi en tant que narrateur personnage. Cependant, dans Fun Home, Bechdel renvoie une image (au sens propre et figuré) extrêmement humaine d’elle-même et des autres, en dessinant certaines scènes intimes de masturbation ou de rapport sexuel avec sa copine, par exemple. Elle le fait également en racontant ou en situant par certaines photographies le passé secret de son père. La représentation qu’elle fait de l’homosexualité, thème très présent dans Fun Home, n’a rien d’une apologie ou d’une critique déguisée. Elle n’en montre pas trop puisque le but n’est pas de choquer, mais en montre assez pour faire de son récit une expérience réaliste. C’est donc ce juste équilibre entre franchise et humilité, entre montrer et cacher, qui empêche l’auteur de s’enfoncer dans un soliloque.

 

Nouvelles formes: le journal intime et la correspondance épistolaire

Nous l’avons vu plus tôt, le journal intime est l’une des nouvelles formes qu’a prises la bande dessinée au cours de la décennie 1990. Dans une perspective plus englobante, depuis les années 1980, plusieurs bandes dessinées autobiographiques s’interrogent sur la création22. Par exemple, dans Pilules bleues, en marge de ce rapport à la maladie, nous voyons Fred à son bureau en train d’écrire cette même bande dessinée. Le journal de Fabrice Neaud est également un bon exemple de la présence de la création dans la bande dessinée, car nous pouvons non seulement être témoin de sa production en arts visuels, mais aussi de ce même journal, qui est en fait son œuvre. Il s’y adresse d’ailleurs, à la fin: «Mais dites-moi, dis-moi, journal… si ma personne a été atomisée, comment pourrais-je encore avoir des problèmes… personnels?23» Fun Home présente une hybridation entre les nouvelles formes de la bande dessinée en incorporant le journal et la correspondance épistolaire dans ses cases. Concernant le journal, le rapport à l’écriture ajoute une épaisseur de sens supplémentaire au texte. Il s’agit d’un récit rétrospectif à deux niveaux, car d’une part, l’écrivaine relate des épisodes de sa vie dans son roman graphique, et d’une autre, elle transmet des extraits de ses journaux intimes datant des événements qu’elle raconte, ces extraits étant déjà des récits rétrospectifs de ces événements. On a donc accès à une vision et à une voix personnelles de plusieurs aspects de sa vie, à deux époques différentes. Le premier contact du lecteur avec le journal d’Alison se fait lorsqu’elle relate le moment de la découverte de son homosexualité. Elle reçoit une lettre de sa mère, qui lui raconte que son père a déjà eu des aventures avec des hommes, et elle va tout de suite écrire: «I accidentally cut my finger. I smeared the blood into my journal, pleased by the opportinuty to transmit my anguish to the page so literally24.» Ensuite, elle montre de vieilles entrées de journal et note l’évolution de son écriture et des manies qui l’entourent: «But in April, the minutely-lettered phrase I think begins to crop up between my comments25.» Encore une fois, le rapport au père est primordial, puisque c’est lui qui l’incite à écrire et qui amorce la première phrase de son journal. En ce qui concerne la correspondance, elle illustre également ce rapport à l’autre dont nous parlions plus tôt. Avec les lettres qu’elle nous montre, Bechdel ne transmet plus ses propos à elle seule comme elle le faisait dans son journal, ou au lecteur comme elle le fait dans les cases. Elle s’adresse à sa mère, à son père, et nous montre même certaines correspondances entre ses deux géniteurs.

 

L’essai introspectif

À la lumière de cette analyse, nous pouvons faire un parallèle entre la bande dessinée autobiographique et le genre de l’essai. En effet, Robert Vigneault, dans son ouvrage L’écriture de l’essai, définit l’écriture essayiste comme un «discours argumenté d’un SUJET énonciateur qui interroge et s’approprie le vécu par et dans le langage26». Et cette comparaison est d’autant plus pertinente si nous nous concentrons sur l’essai introspectif, qui a pour genres connexes l’autobiographie et le journal intime, deux éléments structurants du roman graphique Fun Home.  Toujours selon Vigneault, le registre introspectif est caractérisé par la forte présence de l’énonciateur dans le texte, sujet qui devient également objet. Cette présence occupe l’espace entier du texte et s’exprime par des confidences ou des confessions, le tout dans un mouvement d’introspection27. Toutefois, l’essai introspectif évite le piège du narcissisme, il «est tout autre chose que le vain jeu de miroir d’un égoïste28». Le critère d’universalité que doit remplir l’essai l’éloigne également de cet effet de soliloque. L’essayiste exprime par son expérience ce que tous les humains peuvent vivre, pour reprendre la conviction de Montaigne, voulant que «[…] chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition29.» En effet, dès Montaigne, l’essai est porteur de cette dualité entre le narrateur et l’autre. On y retrouve «un double mouvement dialogique: repli sur soi et engagement dans le monde30.» En racontant la condition des autres humains à travers la sienne, l’essai fait un peu comme l’auteur ou le bédéiste qui raconte sa vie à travers celle de l’autre et qui s’évade ainsi du vilain piège du narcissisme.

En somme, nous pouvons voir que la bande dessinée autobiographique est un genre hybride et très riche. En prenant pour base l’autobiographie littéraire et en regardant son entrée dans la sphère de la bande dessinée, on note la véritable explosion du genre, qui est maintenant très répandu. Nous avons vu que Fun Home, en plus de répondre aux critères de l’autobiographie traditionnelle, soit l’auteur qui porte le même nom que le narrateur et le personnage, puis qui s’engage à rapporter les faits de façon véridique, met l’accent sur une forme de dualité, omniprésente dans le texte, qui permet à la narratrice d’éviter le piège du narcissisme. Le rapport à la mort, à l’homosexualité, à la lecture et à l’écriture de la narratrice la mettent constamment en relation avec son père. Fun Home amalgame plusieurs genres par les extraits de lettres et de journal intime, mais laisse également une grande place à l’intertextualité, qui renforce cet effet de double. Nous avons pu voir qu’une certaine ressemblance se tisse entre la bande dessinée biographique et l’essai introspectif, dans la vision inédite du monde et la visée universelle du discours. L’essayiste et l’auteur ont en commun cette voix personnelle, qui n’est pourtant pas un repli sur soi. Avec des œuvres aussi sensibles et puissantes que Fun Home, on ne peut qu’espérer que la bande dessinée autobiographique poursuive sa lancée et se débarrasse de tous les préjugés qui pèsent encore sur elle.

 

Bibliographie

BECHDEL, Alison, Fun Home, New York, Mariner Books, 2007.

BERNIÈRE, Vincent, «Les filles se rebiffent», Beaux Arts Magazine, numéro hors-série: «Qu’est-ce que la bd?», Paris, 2003,

LECARME, Jacques et Éliane LECARNE-TABONE, L’autobiographie, Paris, A. Colin, 1997. 

LEJEUNE, Philippe, Signes de vie. Le pacte autobiographique 2, Paris, Seuil, 2005.

MARÉCHAL, Béatrice, «La bande dessinée du moi, un genre singulier», Ebisu, n° 32, 2004.

NEAUD, Fabrice, Journal II, Toulouse, Ego comme X, 1998. 

PEETERS, Frederik, Pilules bleues, Genève, Atrabile, 2001.

PICHET, Christian, Un journal intime en bande dessinée: le cas du Journal de Fabrice Neaud, Mémoire de maîtrise en études littéraires, Montréal, UQAM, 2006

TERRASSE, Jean, Rhétorique de l’essai littéraire, Montréal, Presses de l’Université du Québec, 1977.

VIGNEAULT, Robert, L’écriture de l’essai, Montréal, L’Hexagone, 1994.

 

  • 1. Jacques Lecarme et Éliane Lecarne-Tabone, L’autobiographie, Paris, A. Colin, 1997, p. 22-23.
  • 2. Philippe Lejeune, Le Pacte autobiographique, Paris, Seuil, 1975, cité dans Ibid, p. 23.
  • 3. Philippe Lejeune, Signes de vie, Le pacte autobiographique 2, Paris, Seuil, 2005, p. 31.
  • 4. Christian Pichet, Un journal intime en bande dessinée: le cas du Journal de Fabrice Neaud, Mémoire de maîtrise en études littéraires, Montréal, UQAM, 2006, p. 17.
  • 5. Ibid., p. 10
  • 6. Ibid., p. 11
  • 7. Thierry Groensteen, La bande dessinée, une littérature graphique, Toulouse, Milan, 2005, p. 35.
  • 8. Will Eisner, cité dans Christian Pichet, Op. cit., p. 29.
  • 9. Christian Pichet, Ibid., p. 26.
  • 10. Vincent Bernière, «Les filles se rebiffent», Beaux Arts Magazine, numéro hors-série:
    «Qu’est-ce que la bd?», Paris, 2003, p. 23.
  • 11. Ibid., p. 22.
  • 12. Alison Bechdel, Fun Home, New York, Mariner Books, 2006, p. 19.
  • 13. Ibid., p. 50.
  • 14. Frederik Peeters, Pilules bleues, Genève, Atrabile, 2001, p. 83.
  • 15. Alison Bechdel, Op. cit., p. 63.
  • 16. Ibid., p. 34.
  • 17. Ibid., p. 35.
  • 18. Ibid., p. 65.
  • 19. Béatrice Maréchal, «La bande dessinée du moi, un genre singulier», Ebisu, n°. 32, 2004, p. 155
  • 20. Ibid.
  • 21. Béatrice Maréchal, Op. cit., p.155.
  • 22. Thierry Groensteen, Op. cit., p. 35.
  • 23. Fabrice Neaud, Journal II, Toulouse, Ego comme X, 1998, p. 71.
  • 24. Alison Bechdel, Op. cit., p. 78.
  • 25. Ibid., p. 141.
  • 26. Robert Vigneault, L’écriture de l’essai, Montréal, L’Hexagone, 1994, p. 21.
  • 27. Ibid., p. 95.
  • 28. Ibid., p. 98.
  • 29. Michel de Montaigne, cité dans Robert Vigneault, Ibid.
  • 30. Jean Terrasse, Rhétorique de l’essai littéraire, Montréal, Presses de l’Université du Québec, 1977, p. 18.