Esthétique

Frontières et conquêtes

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L'idée de frontière implique un double espace: celui des territoires qu'elle sépare, et le lieu de la séparation lui-même. Dans le contexte de la postmodernité, la séparation tend à s'élimer, à «s'élider»; elle laisse place à un «entre», un interstice habitable, où le mélange est non seulement possible, mais reconnu et travaillé. Les plus étranges mutations deviennent possibles, dont l'une des plus impressionnantes demeure le roman «Abraham Lincoln, chasseur de vampires». Devant quoi nous trouvons-nous? Une blague politique ou esthétique? Ou, plus fondamentalement, devant une transgression générique? La réponse varie d'un théoricien à l'autre. La question mérite néanmoins d'être posée: la notion de genre littéraire sous-entend un ensemble de codes qui modulent à la fois l'horizon d'attente d'un genre donné ainsi que ses modes de lecture, de telle sorte que tout franchissement des limites instaurées par ces codes contient la possibilité d'une nouvelle «carte» des genres.

Aux origines de la popification cinématographique

Soumis par Paul Bleton le 11/01/2016
Catégories: Fiction, Crime, Esthétique

Depuis le promontoire de notre postmodernisme recycleur, la «popification» semble bien la moindre des choses. Outre l’appel des œuvres à l’érudition pop du public et la pertinence du strabisme interprétatif lors de l’acte de réception (un œil sur l’œuvre recycleuse et un autre sur son modèle recyclé reconnu), cet air du temps incite aussi le discours critique à rivaliser d’audacieux courts-circuits historico-esthétiques, de sagaces reconnaissances.

Le Bioart, un art de l’entre-deux?

La réflexion que propose le thème de ce colloque m’incite naturellement à transposer les questions qu’il sous-tend au domaine qui est le mien:l’Art. Cette réflexion, précisons-le, a lieu dans le cadre du doctorat en Étude et Pratiques des Arts que je mène conjointement à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM) et à l’Université Rennes II. Une des particularités de ce doctorat est due à sa double nature à la fois théorique et pratique engageant l’individu, autrement dit, l’artiste-chercheur dans un processus réflexif symbiotique mêlant ces deux aspects. C’est donc par l’entrecroisement de ces deux points de vue que ma présente réflexion va se construire.

Quel devenir pour l’humanité? L’image, l’homme, la technologie de Boris Vian à J.G. Ballard

Soumis par Valérie Savard le 14/09/2015
Catégories: Erotisme, Esthétique

1948. Boris Vian fait paraître en France Et on tuera tous les affreux sous le pseudonyme de Vernon Sullivan. Vingt-cinq ans plus tard, en Angleterre, est publié le premier volet de la Trilogie de béton de James Graham Ballard, Crash!. Entre les deux romans, aucun lien apparent. Le premier situe ses acteurs dans le Los Angeles de l’après-guerre, et les plonge malgré eux au cœur d’une enquête policière qui les mènera à un certain Dr Schutz, pratiquant une sélection humaine rigoureuse afin de créer une société dont seront éliminés tous les affreux. Le second se déroule dans un Londres temporellement indéterminé, où la technologie a complètement envahi le paysage urbain et les vies des protagonistes.

Le réel des frontières fantastiques

Le fantastique en littérature est assujetti à de multiples critiques théoriques depuis la publication en 1951 de la thèse de Pierre-Georges Castex Le conte fantastique en France de Nodier à Maupassant, qui qualifie l’évènement fantastique de «rupture» dans «la trame de la réalité quotidienne» (1951: 8). Roger Callois s’aligne sur cette réflexion en le définissant comme une «rupture de l’ordre reconnu» (1966: 191) dans sa célèbre préface à l’Anthologie du fantastique. Louis Vax également, dans La séduction de l’étrange, le désigne comme «rupture des dominantes du monde réel» (1965: 172). Irène Bessière le distingue du merveilleux par son aspect «thétique», c’est-à-dire qu’«il pose la réalité de ce qu’il représente» (1974: 36). Pour Tzvetan Todorov (1970), la différenciation entre merveilleux et fantastique s’opère dans le rapport entre l’univers fictif et celui qui est supposé réel, ou probable.

Les sculpteurs de chair

Directeur(s): 

La greffe a une double nature. C’est une chirurgie que l’on ne pratique pas gratuitement puisqu’elle est censée vaincre un danger ou améliorer une situation; elle devrait donc conférer au greffé un état plus souhaitable et «normal». Elle traduit aussi une volonté de repousser les limites du savoir, ce qui peut amener son praticien à reconsidérer la nature telle qu’on l’envisage habituellement tout en soulevant d’importants enjeux éthiques. Tandis qu’on met surtout l’accent sur l’aspect restaurateur des greffes réelles (la médecine qui guérit, la chirurgie esthétique qui répare ou embellit, etc.), les greffes imaginaires comportent fréquemment une forte composante instauratrice, étant souvent effectuées par des chirurgiens correspondant à l’archétype du savant fou. Comme le montrent des personnages aussi célèbres que les docteurs Frankenstein et Moreau, entre autres exemples, il s’agit moins, alors, de régler un problème que de s’abandonner à l’enthousiasme d’inventer des créatures, qu’elles soient humaines ou hybrides. D’autres greffeurs et greffés sont apparus dans la littérature et au cinéma à partir du XXe siècle, leurs aventures évoluant selon les contextes et les genres (science-fiction hard, fantastique, gore, etc.).

Le greffon rebelle: aux sources d’un leitmotiv littéraire et cinématographique

La greffe est un sujet privilégié dans les productions culturelles – littéraires ou cinématographiques – relevant des genres du fantastique, de l’horreur et de la science-fiction. Les récits, romans et films ayant fait la part belle à la greffe sont nombreux. Certaines de ces œuvres – pensons, entre autres exemples, aux romans «Frankenstein» (1818) et «The Island of Dr. Moreau» (1896) – jouissent même d’un statut fort enviable dans leurs sphères respectives, leurs personnages principaux devenant les représentants par excellence d’une science ambitieuse, voire trop sûre d’elle-même. Mais on peut penser, aussi, aux incalculables productions de série-B qui ont enrichi l’imaginaire de la greffe en proposant des chirurgies délirantes aux effets tantôt graves, tantôt humoristiques.

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